Certification Genre des institutions publiques en RDC : le PNUD, levier de renforcement et de transformation

22 mai 2025
A woman in a colorful jacket speaks passionately in a formal event setting.

Mme Rokya Ye Dieng, Représentante Résidente Adjointe du PNUD présente la vision du PNUD en matière du Genre

Photo PNUD-RDC

La République Démocratique du Congo s'engage dans une dynamique de réforme ambitieuse pour une gouvernance plus inclusive, équitable et performante. À travers le soutien du PNUD, le Ministère du Plan initie un processus de certification genre, non comme un objectif symbolique, mais comme un véritable levier de transformation institutionnelle. Cet article analyse les résultats d'une session structurante de formation et de coaching menée en avril 2025, en en dégageant les implications stratégiques, les avancées concrètes, ainsi que les conditions nécessaires à la pérennisation de la dynamique enclenchée.
 

1. Le genre comme levier de transformation de la gouvernance
La thématique du genre est trop souvent reléguée à un angle social ou accessoire, alors qu’elle constitue un axe structurant de l’efficacité des politiques publiques. En RDC, les inégalités entre les sexes ne sont pas seulement des injustices sociales : elles limitent la performance des institutions, affectent l’alignement stratégique sur les ODD, et freinent la réalisation des fonctions régaliennes de l’État.
C’est dans ce contexte que le Ministère du Plan et de la Coordination de l’Aide au Développement (CAD), avec l’appui technique du PNUD, a initié une session de formation sur la certification genre des institutions publiques, les 24 et 25 avril 2025. Cette session s’inscrit dans la Stratégie de renforcement des capacités 2025–2029 du PNUD-RDC, qui promeut une approche transformationnelle, ancrée, et durable.
 

A group of people at a conference table; one speaker is holding a microphone.

Des directeurs des divisions des Ministères sont mobilisé dans le processus de certification

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2. Une pédagogie non linéaire orientée vers l’action
La méthodologie utilisée rompt délibérément avec les formats classiques. Elle articule :
⦁    Une formation immersive, ancrée dans les réalités des fonctions du Ministère, intégrant exposés participatifs, jeux de rôle, diagnostics collectifs et cas pratiques ;
⦁    Un coaching post-formation, visant la traduction des concepts en feuilles de route concrètes, avec clarification des rôles, accompagnement individuel et soutien à la prise de décision stratégique.
Cette approche permet de relier les principes normatifs (ex. : CEDEF, Gender Equality Seal) aux enjeux pratiques de planification, de suivi-évaluation, d’architecture institutionnelle ou encore de gestion RH.
 

A group of six people sitting at a table with notebooks and water bottles, engaged in discussion.

La certification genre dans les entreprises publique une opportunité pour les femmes cadres de faire valoir leurs compétences

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3. Résultats obtenus : des signaux forts de transformation
a. Appropriation stratégique du genre
Les cadres ont redéfini collectivement le genre comme un levier transversal de gouvernance, à intégrer dans toutes les étapes du cycle de la politique publique. On observe notamment :
⦁    Une proposition d’intégration d’indicateurs sexo-désagrégés dans les canevas de rapports ;
⦁    Un repositionnement du genre dans les logiques de pilotage et de redevabilité institutionnelle.
b. Évolution des postures professionnelles
Les discussions sur la masculinité positive et le leadership transformationnel ont provoqué une introspection fertile, encourageant les cadres à réviser leur posture :
⦁    Des directeurs se sont engagés à instaurer des espaces de feedback genrés dans leurs unités ;
⦁    Des propositions ont émergé pour inclure des critères d’égalité dans les évaluations du personnel.
c. La certification genre comme outil d’alignement stratégique et de redevabilité

L’atelier a permis de repositionner la certification genre, non comme une exigence formelle ou un label honorifique, mais comme un dispositif structurant de transformation des pratiques administratives, directement lié à la performance, à la transparence et à l’alignement sur les standards de gouvernance inclusive. Progressivement, les cadres participants ont compris que la certification genre ne constitue pas une opération parallèle ou un supplément symbolique, mais bien un référentiel transversal d’évaluation et de pilotage, capable d’informer les systèmes de planification, les outils de suivi-évaluation, les cadres de performance et les logiques de redevabilité internes.
 

A man speaking into a microphone at a conference table, with a woman listening.

Le renforcement des capacités des cadres et agents est indispensable

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Cette évolution de posture s’est concrétisée par :
⦁    L’appropriation des cinq dimensions du Gender Equality Seal comme leviers opérationnels (planification, architecture institutionnelle, environnement de travail, partenariats, résultats) ;
⦁    La formulation collective de questions structurantes sur l’intégration du genre dans la chaîne de décision et de reddition de comptes (ex. : comment traduire les principes d’équité dans les tableaux de bord institutionnels ?) ;
⦁    La production d’un diagnostic participatif, identifiant des goulots d’étranglement (ex. : absence de données sexo-spécifiques, faible coordination intersectorielle) et des leviers mobilisables (référents, cellules existantes, textes en vigueur) ;
⦁    L’amorçage d’une feuille de route : priorisation des actions, préfiguration d’un comité de pilotage, ébauche de mécanismes de suivi institutionnel.
En ce sens, la certification genre devient un outil de gouvernance à part entière, porteur d’une vision systémique, capable de renforcer l’efficacité des politiques publiques, de structurer les exigences de redevabilité et de faire évoluer les cultures institutionnelles vers plus d’inclusivité, de justice et de responsabilité.
 

A woman in a colorful jacket speaks passionately in a formal event setting.

Mme Rokya Ye Dieng présente la politique du PNUD en matière du Genre

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4. Le rôle du PNUD : catalyseur et accompagnateur durable
Dans le cadre du processus de transformation institutionnelle engagé par le Ministère du Plan, le PNUD n’a pas simplement joué un rôle d’appui technique ponctuel. Il s’est affirmé comme un acteur central de l’architecture du changement, en assumant une triple fonction : catalyseur, intégrateur et accompagnateur durable.
D’une part, le PNUD a mobilisé un ensemble cohérent de ressources pédagogiques et méthodologiques, comprenant des modules thématiques, des outils d’autoévaluation, des canevas de planification, et des référentiels adaptés aux standards internationaux. Cette ingénierie a permis de structurer un dispositif de formation ancré dans les réalités nationales, mais aligné sur les meilleures pratiques globales.
D’autre part, il a assuré un accompagnement post-formation de qualité, via des dispositifs de coaching individualisé, de mentoring technique, et de suivi stratégique, facilitant le passage des acquis théoriques à leur opérationnalisation concrète au sein des structures ministérielles.
 

Enfin, le PNUD a veillé à ce que l’ensemble de cette démarche s’inscrive dans une logique d’alignement systémique, en cohérence avec les engagements de la RDC au titre des Objectifs de Développement Durable et du nouveau Cadre de Coopération 2025–2029. Il a ainsi permis de faire du genre un axe transversal de gouvernance et non une thématique isolée. Ce rôle structurant du PNUD contribue à la consolidation d’un véritable écosystème capacitant, où la montée en compétences n’est pas limitée à l’individu formé, mais irrigue l’organisation dans son ensemble, en transformant les pratiques, les cultures professionnelles et les mécanismes de responsabilisation collective.
 

A man in a suit speaks passionately into a microphone at an event.

Les experts du PNUD dont M. François Elika, s'emploient à communiquer les défis et avantages de la certification genre au sein des entreprises

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5. Assurer la durabilité des acquis : vers une architecture de gouvernance pérenne et sensible au genre
La réussite d’une transformation institutionnelle ne se mesure pas seulement à l’intensité des formations, mais à la capacité des structures à intégrer durablement les acquis dans leurs logiques de fonctionnement, leurs cycles de décision et leurs dispositifs de performance. Pour que la dynamique amorcée autour de la certification genre produise un effet structurant et irréversible, plusieurs conditions stratégiques doivent être réunies :
1.    Opérationnalisation d’une Task Force ministérielle de pilotage : cette instance multisectorielle, dotée d’un mandat clair et rattachée aux organes décisionnels du ministère, assurera la coordination du processus de certification, la traçabilité des progrès, la mobilisation des ressources internes et le lien stratégique avec les partenaires techniques.
2.    Institutionnalisation d’un programme de formation continue, différencié par fonctions et niveaux de responsabilité : afin d’ancrer une culture égalitaire dans la durée, il est essentiel de structurer un parcours capacitaire progressif, adapté aux cadres dirigeants, techniciens sectoriels, agents de terrain et responsables du suivi-évaluation.
3.    Élaboration d’un guide méthodologique genre aligné sur les fonctions régaliennes du Ministère : ce référentiel pratique, contextualisé aux missions de planification, de coordination et de production de données du Ministère, facilitera l’intégration du genre dans les processus, outils et procédures internes.
4.    Allouer un budget dédié à la Cellule Genre et aux directions stratégiques concernées : la transformation ne saurait reposer sur des engagements sans moyens. L’octroi de ressources financières stables et suffisantes permettra de financer les actions prioritaires de la feuille de route, de recruter des expertises ciblées et de garantir l’opérationnalisation effective des engagements.
5.    Refonte et contextualisation des indicateurs de performance genre : en tant qu’acteur central de la coordination des politiques publiques, le Ministère doit disposer d’indicateurs genre spécifiques à ses fonctions de pilotage macro, incluant la planification, la gestion de l’aide, la supervision des politiques sectorielles et la redevabilité.

 
 

Two women in formal attire sitting at a conference table, engaged in discussion.

La RRAP du PNUD aux côtés de l'Analyste Genre du PNUD engagées à la promotion du Genre en RDC à travers le mécanisme de certification.

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Ces leviers forment les fondations d’un écosystème de gouvernance sensible au genre, capable de résister à l’usure institutionnelle, d’éviter l’effet de réversibilité post-formation, et d’incarner une gouvernance plus juste, plus performante et plus responsable.
Ces leviers visent à éviter l’effet d’essoufflement post-formation et à faire de l’égalité de genre une dimension structurelle et irréversible de la gouvernance publique.
En somme, ce qui s’est joué durant cette session dépasse le cadre d’un atelier : il s’agit de la mise en mouvement d’une intelligence collective, de l’activation de leviers internes de transformation, et d’une bascule dans les représentations professionnelles.
 

Le genre, loin d’être une contrainte, devient un opérateur d’efficacité, de transparence et de cohésion. En soutenant cette dynamique, le PNUD confirme que le renforcement des capacités ne consiste plus à combler des déficits, mais à accompagner la maturation stratégique des institutions publiques.
La certification genre n’est pas une fin en soi. Elle est un moyen de réaffirmer la place des femmes, de repenser les logiques de pouvoir, et de refonder les institutions sur des principes d’équité et de justice sociale.
 

Texte de Xaverine Kira, Analyste Genre