Les dangers de la combustion des déchets solides municipaux en plein air : agissons maintenant pour un environnement plus sain en Haïti

Par Pierre Claude Duméus, Spécialiste en développement durable

30 mars 2024
une pile de detritus en combustion en pleine rue

Une pile de déchets en combustion à ciel ouvert dans une rue de Port-au-Prince

© PNUD Haïti | Ruvens Ely Boyer

Imaginez-vous respirer de l'air pollué chaque jour, sans avoir le choix. C'est malheureusement la réalité pour de nombreux Haïtiens et Haïtiennes. Outre les problèmes d’insécurité, les mauvaises conditions de vie et les problèmes de santé publique représentent de véritables menaces à la vie des habitants d’Haïti. Avec une espérance de vie de seulement 63 ans, soit 10 ans de moins que la moyenne mondiale, il est temps d'agir ! Dans cette réflexion, nous abordons ,entre autres, un aspect particulier du problème de santé publique : la combustion des déchets solides municipaux.

Quid déchets solides municipaux ?

Tout type de déchet généré par les activités humaines dans un lieu géographique peut être qualifié de déchets solides municipaux. En 2020,  environ 2,24 milliards de tonnes de déchets solides étaient produits dans le monde, ce qui représente une empreinte écologique journalière de 0,79 kilogramme par personne. La croissance démographique et l’urbanisation rapides entraineront une augmentation de déchets de 73 % par rapport aux niveaux de 2020, soit une production de 3,88 milliards de tonnes en 2050. Les déchets solides proviennent des secteurs commercial, éducatif, sanitaire, des ménages et des lieux publics, etc.  La production inévitable des déchets n’est qu’une étape préliminaire dans le circuit de la gestion des résidus solides qui comprend la collecte et le traitement. Les méthodes de collecte et de traitement diffèrent d’un pays à l’autre. L’une des formes les plus courantes de traitement des déchets est la combustion, qui consiste en un traitement thermique des déchets solides par oxydation chimique avec des quantités stœchiométriques ou excessives d'air. Les produits finaux comprennent les gaz de combustion chauds ; composés principalement d'azote, de dioxyde de carbone et de vapeur d'eau ; ainsi que des résidus non combustibles.

© PNUD Haïti | Ruvens Ely Boyer

Imaginez-vous marcher dans les rues de votre quartier et inhaler des gaz toxiques provenant des déchets brûlés à ciel ouvert. Certains gaz toxiques émis dont le dioxyde de soufre  (SO2) sont des irritants pour les yeux, le nez et la gorge. À forte concentration, ils peuvent causer des maladies respiratoires graves ou la mort des personnes déjà affectées par des problèmes pulmonaires tels l’asthme et la bronchite alors que c’est une réalité que beaucoup d’Haïtiens et Haïtiennes doivent affronter au quotidien. Les dioxines émises ont des propriétés cancérigènes et sont classées parmi les substances les plus toxiques existantes.

Pour pallier les problèmes que peut causer le traitement traditionnel des déchets, beaucoup de pays ont recours à des alternatives telles que les digesteurs anaérobiques, les incinérateurs, les centres d’enfouissement équipés de collecteurs de gaz, etc. Un centre de décharge moderne muni de dispositifs de récupération d’énergie se révélerait très important pour Haïti. Non seulement cela pourrait améliorer l’état d’insalubrité du pays, et réduire les risques de propagation de certaines maladies, mais aussi pourrait produire de l’énergie pour la cuisson et de l’électricité, et non des moindres servir à la production d’essence pour les automobiles.

Haïti est l’un des rares pays au monde ne disposant pas d’un centre d’enfouissement, et où la combustion des déchets en plein air reste une pratique très courante. Par ailleurs, le pays est constamment agité par des manifestations populaires accompagnées de pneus enflammés dont l’inhalation des gaz cause de sérieux problèmes de santé. Sachant que les polluants cités plus haut sont émis dans l’atmosphère même en présence de dispositifs de capture de gaz à effets de serre installés dans les incinérateurs modernes de déchets, il n’est pas sans savoir que la concentration de ces agents polluants dans l’atmosphère est encore plus significative lorsque l’on en brûle en plein air. En effet, faute d’infrastructures adéquates de traitement, les déchets solides sont brûlés à ciel ouvert dans tout le pays.

Dans une approche de développement durable, une bonne politique de gestion et traitement de déchets est indispensable non seulement pour garantir la santé de la population, mais aussi pour réduire le fardeau environnemental de nos déchets.

Mission d’études et d’échange à Guadeloupe entre des mairies Haïtiennes, des mairies guadeloupéennes, des entrepreneurs, représentants du MICT et du PNUD

PNUD Haïti

Actuellement, le PNUD construit le premier centre technique d’enfouissement et de valorisation des déchets du pays sur une surface de 5 hectares à Morne Casse dans le Nord-Est. Cette décharge moderne recevra les déchets solides des communes de Fort-Liberté, de Ouanaminthe, de Ferrier, de Terrier-Rouge, de Caracol et d’autres communes avoisinantes. De plus, le centre disposera des plateformes techniques avec des aires d’accueil, de tri et de compostage pour la valorisation des déchets. Aussi, des partenariats sont en perspective avec des mairies de la Guadeloupe et des entreprises privées guadeloupéennes pour le recyclage de certains déchets.  

La construction de ce centre présente des opportunités économiques grâce à d’éventuels partenariats pour la vente des déchets et des opportunités de formation grâce à des visites guidées avec des universités. Ce projet pilote ouvre la voie à d’autres initiatives visant à trouver une issue au problème de gestion de déchets solides en Haïti. 

En conclusion, la construction du premier centre technique de valorisation et d'enfouissement des déchets en Haïti est une initiative cruciale pour lutter contre les problèmes de santé publique liés à la combustion des déchets solides municipaux.