Un modèle d’innovation sociale en Guinée

Le PNUD accompagne la mise en place du réseau Be In « Bénévoles pour l’innovation »

25 février 2023
Un modèle d’innovation sociale en Guinée

Les bénévoles chantent leur Hymne

PNUD Guinée

Auteur: Lamarane Barry, Head of experimentation

Voilà une année, jour pour jour, que l’Accelerator Lab, à l’occasion de ses cycles d’apprentissage expérimente la mobilisation des jeunes comme levier d’innovation sociale pour le développement durable dans une perspective d’accélération de l’atteinte des ODD et de contribution à l’agenda des priorités nationales. Le 29 juin 2022, neuf ministres du gouvernement guinéen conduit par le Premier Ministre ont lors d’une cérémonie officielle consacré la pertinence de l’approche et l’ont adopté comme projet de l’Etat en vue d’une plus grande mise à l’échelle. Dans ce billet, nous faisons l’inventaire du parcours de cette expérimentation en mettant en lumière les résultats obtenus, les principales leçons apprises, les facteurs du succès, les points d’amélioration à envisager et les horizons possibles à prendre en compte s’agissant de l’approche de l’innovation sociale.

L’innovation sociale, qu’est-ce que c’est et pourquoi nous l’avons envisagé ?

Dans un article traitant du « concept de l’innovation sociale » Jacques Prades, sous l’angle de l’économie propose, à partir d’une analyse de Joseph Shumpeter, grand concepteur des cinq formes d’innovations, des caractéristiques de l’innovation sociale qui s’articulent principalement autour d’un « dispositif ou procédé », « accroché à un territoire » présentant un aspect « marchand » c’est-à-dire une valeur ajoutée, et impliquant une dynamique collective de « société civile ».  Si cette approche par l’économie permet de situer l’innovation sociale, puis de la différencier de l’homogénéisation sémantique innovation/technologie nouvelles ; c’est au Québec, où le concept connait un vrai développement que nous avons trouvé une acceptation plus large de la notion. Le Réseau Québécois en Innovation Sociale (RQIS) définit l’innovation sociale comme « une nouvelle idée, approche/intervention, un nouveau produit, un nouveau type d’organisation (…) répondant adéquatement et plus durablement (…) à un besoin social (…) au sein d’une institution (…) d’une communauté avec des bénéfices mesurables pour le collectif comme pour les individus. Et ayant une portée transformatrice et systémique à travers une rupture (…)».

Ainsi pour qu’une intervention, une organisation, une idée, ou un procédé soit considéré dans le champ de l’innovation sociale, il/elle doit porter la transformation systémique durablement, en opérant, une rupture avec des approches nouvelles conçues et mise en œuvre dans et par un écosystème collaboratif et collectif proposant des solutions à des besoins réels sociaux ; c’est-à-dire qui concerne des communautés ou des territoires.

L’écosystème de l’innovation sociale selon le RQIS

La conséquence est que le caractère social de l’innovation met en relief des logiques d’intervention au-delà des simples technologies nouvelles, auxquelles, l’innovation est souvent réduite ; même quand les paramètres en place ne l’indiquent point.

D’ailleurs, contrairement aux innovations technologiques qui dans une logique disruptive peuvent générer des applications nouvelles suscitant des demandes nouvelles, le besoin, donc la demande sociale est le point d’entrée de l’innovation sociale. En clair, l’innovation sociale offre une façon plus efficace d’adresser un problème social avec la rupture et la dynamique collective comme leviers d’action.

C’est pourquoi il nous faut interpréter l’orientation de l’AccLab du PNUD Guinée vers l’expérimentation de l’innovation sociale comme un défi conceptuel. En ce sens que nous voulions consacrer la plénitude de la notion d’innovation dans notre agenda d’apprentissage.

Mais, initialement notre besoin était plus lié à notre capacité de déploiement opérationnel, qu’aux enjeux sociaux de la Guinée. C’est la dynamique de l’expérimentation qui nous a conduit à bâtir progressivement un procédé d’innovation sociale relativement complet qui porte en lui les facteurs susceptibles de contribuer, par la rupture à la résolution efficace de problèmes sociaux de premier plan.

En effet, en développant le réseau Be In, l’Accelerator Lab avait comme besoin principal la résolution de la question des données, notamment la fiabilité et l’actualité dans le cadre de ses cycles d’apprentissage. D’emblée, dans un pays où la fiabilité des données est une question centrale de l’analyse, nous avions opté pour la mise en place d’un mécanisme de collecte de données primaires sur l’ensemble du territoire nous permettant d’approfondir nos apprentissages sur les sujets que nous abordions : informalité, financement participatif, gestion des déchets, économie rurale, entrepreneuriat notamment.

A la lumière de ce qui précède, il convient d’éclairer le lecteur sur le passage d’une initiative destinée à un besoin opérationnel à un modèle d’innovation sociale effectif par l’expérimentation.

Le réseau Be In : concept, principes et évolution

L’une des questions fondamentales qui s’est posée à l’Accelerator Lab dès sa mise en place en Guinée était celle de l’accès aux données de première main, fiables permettant de nourrir efficacement les cycles d’apprentissages à une échelle telle que les résultats d’apprentissages pourraient raisonnablement servir de bases à des expérimentations puis à des mises à l’échelle. Une telle question posait deux sous questions : celle de la couverture nationale puis celle de la méthode de collecte des données. Ainsi naquit l’idée d’un réseau de Bénévoles pour l’Innovation, dont le rôle principal serait d’appuyer l’Accelerator Lab dans le sourcing des données et de contribuer à la génération des connaissances dans le cadre de l’exploration, de la cartographie de solutions, et de l’expérimentation. Après une cartographie des points d’entrée possibles et des acteurs principaux à identifier, un environnement est apparu comme le plus idoine : les universités publiques. Elles présentaient au moins trois avantages. Le premier est leur nature même. En tant qu’institutions d’enseignement et de recherche, elles offraient le contexte parfait pour l’appui à l’analyse des données en premier ressort. Le deuxième avantage est sa population que sont des étudiants. Jeunes et avec des parcours divers, pour beaucoup participant à des engagements sociaux, les étudiants étaient une masse critique de force sociale capable de participer bénévolement à des activités de ce type. Enfin, le troisième avantage était leur répartition sur le territoire national. Chaque capitale régionale, et la capitale abritait au moins une institution publique d’enseignement supérieur.

Une fois le concept développé et les acteurs identifiés, il nous fallait procéder à la sélection des participants et établir des principes de fonctionnement. La première exigence s’est faite naturellement. Grâce à un accord-cadre entre le PNUD et le ministère de l’Enseignement supérieur, l’Accelerator Lab a pu sélectionner 305 jeunes étudiants dans l’ensemble du pays sur la base d’un critérium (performance académique, genre, engagement social antérieur…). S’agissant des principes de fonctionnement deux grands éléments ont été retenus : le bénévolat d’une part et la valorisation professionnelle d’autre part. Ainsi, les jeunes étudiants s’engageaient bénévolement à servir de bras opérationnel à l’Accelerator Lab dans leurs régions respectives et le PNUD ainsi que le ministère s’engageaient à périodicité déterminée à valoriser leur participation bénévole par une documentation adéquate et une vulgarisation de leur participation bénévole afin de susciter des vocations plus larges.

Les premières actions du réseau se sont déroulés dans le cadre des apprentissages sur l’informalité à travers le pays. La méthodologie de la collecte de données primaires a permis de générer un corpus de connaissances sur les ressorts multiformes du travail informel et sur les horizons économiques de l’informalité. En conduisant cette dynamique et à l’occasion d’interactions périodiques avec les jeunes en connexion avec les défis du développement des enjeux sociaux sous-jacents se sont révélés. Les principaux sont l’employabilité des jeunes, la connexion du monde scientifique aux sujets de développement et la construction d’écosystème locaux authentiques dans la perspective des ODD. De fait, - et c’est le premier facteur d’évolution du réseau- sur la base des feedbacks des jeunes pendant les interactions, nous avons avec l’aide des universités conduit un sondage auprès de jeunes antérieurement diplômés de nos universités partenaires. Ce sondage a révélé deux éléments principaux : i) Une fois diplômés, les connaissances techniques ne suffissent pas pour être employable, des compétences fonctionnelles et opérationnelles étaient indispensables, ces dernières manquaient cruellement aux jeunes. ii) Trois ans après la fin des études, sans perspective professionnelle fiable, le jeune devient un cas social, au sens strict du terme (précarité, travers, poids familial, tentation aux extrêmes).

Le deuxième élément que l’expérimentation nous a révélé est qu’en Guinée, le monde scientifique est très peu connecté aux initiatives sur le développement durable. Leurs connaissances des ODD et de leur cadre d’évaluation était à la fois sommaires et superficielles. Très peu d’universités avaient été associé à la mise en œuvre de projets de développement en lien avec les ODD.  Cette réalité nous est apparue comme une anomalie évidente.

En dernier lieu, les différentes interventions des jeunes sur le terrain, notamment en matière de collecte de données, d’application des outils d’innovation en vue de l’apprentissage sur nos défis frontières ont débouché sur une réflexion dont l’idée maitresse est que sur l’ensemble des cycles de projets dans la perspective des ODD mis en œuvre, les écosystèmes locaux sont soit inexistants, soit marginaux. Ce faisant, la conduite du changement souffre d’un déficit de leviers locaux de légitimation des actions entreprises.

Dans un tel contexte, le réseau Be In est devenu au-delà de son objectif initial un canal pour l’expérimentation d’autres approches possibles eu égard aux gaps nouveaux constatés. La dimension de l’initiative s’en est trouvée changeait. Plus qu’un simple mécanisme, le réseau a évolué comme le creuset de mise en œuvre de l’innovation sociale en s’attelant à mettre en œuvre des approches nouvelles permettant de solutionner des gaps constatés dans la perspective des ODD.

Ce que le réseau a fait

Eu égard aux défis nouveaux que l’expérimentation a mis en relief, la logique d’intervention du réseau s’est vue progressivement -toujours dans une perspective expérimentale- transformée. L’Acclab a développé des synergies avec les unités programmes du PNUD, les partenaires nationaux et des agences sœurs des nations unies. Lesquelles synergies ont permis de déployer les jeunes bénévoles comme équipes de supports opérationnels sur des interventions couvrant des thématiques diverses comme l’informalité, l’agriculture, la consolidation et la cohésion des communautés, l’autonomisation des femmes en milieu rural, la santé maternelle.

Cette approche a sept avantages qui ont débouché sur une modélisation plus complète de l’initiative :

i)            L’environnement des universités était désormais partie prenante des interventions sur le développement durable (ODD 17) ;

ii)           Les jeunes bénévoles développent des compétences fonctionnelles et opérationnelles qui renforcent leur employabilité (ODD 8) ;

iii)          Dans le cas des jeunes en fin de cycle, ils restent actifs et utiles à leur communauté (ODD 11) tout en continuant de progresser sur le plan des compétences, (ODD 10)

iv)          L’initiative permet de rendre disponible une main d’œuvre non seulement qualifiée mais opérationnelle pour le marché de l’emploi (ODD 8)

v)           Les écosystèmes de mise en œuvre des projets liés aux ODD sont plus authentiques et plus proche des territoires cibles (ODD 17)

vi)          L’Accelerator dispose d’un maillage territorial exhaustif et de la ressource humaine nécessaire pour optimiser et accélérer l’apprentissage sur ses thématiques ; (ODD 17)

vii)         La question de l’accès aux données est quasiment résolue par une capacité de recueillir rapidement et en volume des données primaires (ODD 17)

Dès lors, plus qu’un dispositif d’apprentissage, le réseau Be In est devenu un mécanisme d’innovation sociale permettant d’adresser des défis actuels de développement durable. En ce sens, notre expérimentation a conduit, sans que nous ne l’ayons préalablement anticipé, au développement d’une approche de la conduite du changement notamment s’agissant des défis sociaux et structurels, comme l’employabilité des jeunes, le rôle des universités dans l’atteinte des ODD, la modélisation d’écosystèmes locaux cohérents dans la mise en œuvre des projets nationaux et internationaux…

Des indicateurs du changement apporté par le réseau BeIn

Trois niveaux d’analyse permettent d’apprécier les résultats de la mise en œuvre du réseau Be In dans la perspective de la réalisation d’impact transformationnel dans la dynamique de réalisation des ODD. On distingue ainsi, le segment des transformations internes au Bureau Pays du PNUD (i), les effets dans le système des Nations Unies (ii); les nouvelles orientations prises par des partenaires nationaux sous inspiration du modèle Be In (iii) et enfin, les bénéfices tirés par les jeunes eux-mêmes (iv).

(i)          Des processus optimisés et des impacts plus élargis

Le réseau Be In est intervenu dans les activités du Programme d’Autonomisation des Femmes et des Personnes vulnérables et dans celles de l’Unité de Politique et de Stratégie. Ce sont deux projets qui ont permis d’étendre l’expérimentation à des sujets comme l’informalité dans l’agriculture notamment en lien avec l’autonomisation des femmes et sur l’approche par sécurité humaine en vue de l’analyse des contextes. Sur ces deux sujets, les jeunes du réseau ont procédé au développement d’un cadre d’analyse de la sécurité humaine sur la base des protocoles de l’Accelerator Lab ; collecter des données de types ethnographiques et socio-démographiques, modéliser les segments opérationnels de compréhension des mécanismes de l’informalité rurale tenue par les femmes, les ressorts de ses dynamiques et les voies de solutions pour faciliter l’expansion de la valeur ajoutée économique.

Sur un registre plus opérationnel, le maillage territorial national du réseau représente une opportunité unique pour l’exploration et la cartographie de solutions. Plus vite, et plus rapidement que n’importe quelle unité du PNUD, l’AccLab détecte les signaux faibles, les gaps structurels et source les solutions présentant des réelles potentialités d’adresser les défis du développement durable. Avec le réseau, le Lab a développé la capacité de comprendre les écosystèmes locaux, nationaux, des différents secteurs d’activités, de saisir les complexités culturelles et sociales des zones d’intervention du PNUD et d’orienter les réflexions sur les thématiques de développement de projets futurs par les unités du PNUD. Enfin, c’est la qualité des données recueillies périodiquement, de façon précise et actuelle sur les différentes thématiques clés (informalité, agriculture, femmes, jeunes) qui rendent cette approche à la fois efficiente et productive de façon permanente.  C’est cette efficience qui a attiré les organisations sœurs du PNUD à faire du réseau, un levier opérationnel dans le cadre de leurs interventions.

(ii)         Un changement porté au sein du système des Nations Unies

Deux agences spécialisées du système des Nations Unies se sont appropriées l’approche du réseau Be In. Elles participent ainsi à l’élargissement de l’expérimentation et à la légitimation de l’initiative dans le système des nations unies. Il s’agit de l’ONUSIDA et du FNUAP. Plus intéressant encore est la différenciation de la portée de l’approche dans les contextes de ces deux organisations.

S’agissant de l’ONUSIDA, c’est à l’occasion d’une intervention auprès de communautés d’agricultrices en lien avec les consultations prénatales, que nos bénévoles de l’innovation ont introduit des protocoles d’intelligence collective dans des séances de causeries pédagogiques. L’objectif ultime étant de favoriser l’appropriation par les femmes des enjeux liés aux consultations prénatales dans un contexte d’activités rurales agricoles.

Quant aux fonds des nations unies pour la population (FNUAP) il a sollicité l’intervention de notre réseau pour l’identification des opportunités d’introduction de l’innovation technologique dans le cadre de la santé maternelle. A cet effet, notre réseau à travers la participation à un atelier d’orientation a fourni des éléments de modélisation d’un challenge de l’innovation en vue de constituer un portefeuille de solutions expérimentales.

(iii)        L’élargissement du modus opérandi du réseau à des agences autres que le PNUD au sein du système des Nations Unies montre que la mobilisation des forces sociales, dans une connexion parfaite entre l’université, les étudiants, le monde du développement et les défis du développement durable féconde à la fois un écosystème opérant et des approches agiles pour apprendre sur les défis et proposer des solutions pertinentes. Ainsi, il apparait qu’à travers les différentes actions de l’Accelerator Lab, les jeunes gagnent développent des compétences spécifiques qui sont à la fois originales et empiriques. Cette dimension de l’initiative qui est directement connectée à l’employabilité des jeunes, est l’un des résultats clés de ce modèle d’innovation sociale qu’il convient de mettre en relief. Des compétences spécifiques et originales développées par les jeunes

Tout au long de cette première année d’intervention, et après avoir pris conscience des défis liés à l’employabilité des jeunes, les interventions de l’Accelerator Lab via le réseau prenaient en compte une dimension de développement de compétences spécifiques pour les jeunes.

Ces compétences se caractérisent surtout par leur originalité, car liées à des sujets d’apprentissages pratiques. Ils se caractérisent aussi par le mode de transmission. C’est par un processus learning by doing non formalisé que les jeunes ont développé à l’occasion de cycles successifs des compétences très spécifiques permettant d’aborder des problématiques de développement durable précises.

Une dizaine de compétences a été dressée tout au long de cette année. Il s’agit principalement de : la gestion de la logistique agricole, la gestion de l’approvisionnement dans l’économie informelle, la conduite du financement dans l’informalité, l’animation des communautés rurales, la communication événementielle en milieu rural, la gestion évènementielle en milieu rural, le développement d’application digitales adaptées aux organisations d’encadrement des femmes, le développement d’outil numérique d’analyse de données sur l’informalité, le développement d’outils d’analyse des profils psychologiques des travailleurs informels, la gestion administrative des projets en milieu rural, l’information et les relations avec les parties prenantes, l’analyse sociologique des variants de l’informalité etc.

On notera que ces compétences tournent autour du monde rural et de l’informalité principalement, c’est-à-dire techniquement et géographiquement autour de l’ensemble des défis du développement durable.

C’est sans doute cette dynamique d’intervention en vue de développement des compétences qui a inspiré l’appropriation de l’approche par nos partenaires nationaux. A notre satisfaction

Des expérimentations aui conduisent à l’orientation des politiques publiques et des stratégies des partenaires nationaux. La dynamique d’appropriation du réseau Be In, dans le système des Nations s’est poursuivie au niveau de nos partenaires nationaux. La création d’une Direction Générale de l’Innovation au sein du ministère de l’Enseignement Supérieur et de l’Innovation a permis à l’Accelerator Lab d’avoir un point d’entrée pour la mise à l’échelle de cette initiative.

Dans la perspective du rapprochement de l’environnement et des acteurs des universités aux problématiques pratiques du développement durable dans une logique d’innovation adaptative, le ministère de l’Enseignement Supérieur a saisi l’initiative Be In comme une initiative à partir de laquelle il est possible de bâtir des modèles d’intervention publique valorisantes pour les universitaires et bénéfiques pour les jeunes. Principalement, les compétences développées par les jeunes et les perspectives de l’écosystème mis en place par le réseau offrait une fenêtre de mise à l’échelle par le truchement d’initiatives de l’Etat. Ainsi, l’idée d’un statut de l’étudiant-entrepreneur social et le développement d’un réseau d’incubateur au sein des universités est née.

Mieux, l’initiative passe à une autre échelle : une plateforme adossée à une base de données de l’ensemble des membres du réseau sera élaborée ; laquelle plateforme sera destinée à court terme, à la gestion des cohortes de bénévoles-étudiants, au déploiement de ceux-ci dans des initiatives de développement durable pendant leurs études et au renforcement de leur employabilité post-études par le développement de compétences spécifiques.

Au niveau écosystémique local, c’est-à-dire au sein des universités ; l’approche du Be In a eu pour effet de repenser le curricula de formation chez certains de nos partenaires. Le cas le plus illustratif est l’instauration du « ruralisme » à l’Institut Supérieur agronomique de Faranah. Le « ruralisme » est un exercice destiné à déployer avant le début de sa première année tout nouvel étudiant dans les villages pendant 30 jours. Son but est de confronter le nouvel étudiant à l’environnement qu’il étudiera pendant les quatre années de son cycle. Un autre effet attendu-encore en réflexion- est l’instauration d’une certification en informalité à l’université de Labé. Bien que l’initiative n’ait pas encore été rendue effective, la réflexion autour du sujet est en cours auprès des différents acteurs.

A la lumière des éléments précédents, quelles sont les leçons que nous tirons, en guise d’apprentissage et de conduite de l’innovation sociale ?

Les principales leçons apprises

Au bout d’une année d’un parcours qui aura connu des flux et des reflux, des expérimentations et encore des expérimentations, des partenariats non traditionnels et ; exploré des sentiers non soupçonnés, nous pouvons tirer les leçons suivantes qu’il convient de partager dans la perspective de la conduite de l’innovation sociale.

(i)          Bien identifier les points d’entrée : Bien que des ancrages traditionnels existent, la conduite de l’innovation sociale exige une analyse plus profonde des acteurs en présence, en lien surtout avec les objectifs de l’expérimentation et des gaps principaux et accessoires qu’on soit combler dans la logique de l’atteinte des ODD. Ce sont les points d’entrée. Ils peuvent être stratégiques, donc au niveau central ; mais surtout opérationnel, donc au niveau local, voire localisé.

(ii)         Penser, repenser l’écosystème continuellement : Il s’agit d’avoir une approche holistique du système et des sous-systèmes, chaque défi révélé ou caché porte en lui un écosystème qui s’intègre dans un autre écosystème. C’est pourquoi, en Guinée, nous avons considéré à partir d’une base culturelle, l’écosystème comme un « arbre généalogique » avec tout ce que cela comporte comme liens d’interdépendance entre les acteurs et les flux d’interactions en son intérieur.

(iii)        Capitaliser sur chaque apprentissage : Les cycles d’apprentissage ont l’avantage de générer des connaissances de diverses natures. Chaque nouvelle connaissance donne une autre perspective à l’écosystème qu’on aborde. C’est ainsi que dans le cadre des apprentissages sur l’informalité par exemple, l’exemple des entreprises familiales, ont conduit à l’exploration des ressorts de l’informalité, laquelle étude a débouché sur les aspects culturels et géographiques dans un contexte de digitalisation continue. In fine l’ensemble de ces connaissances motivent la rédaction d’un rapport sur l’informalité en cours de finalisation.

(iv)        Instaurer des mécanismes incitatifs de participation large : Il est difficile de conduire l’innovation sociale sans mobiliser les forces sociales pertinentes selon le sujet abordé. Il en ressort que la diversité des parties prenantes implique une diversité d’attente. Il est donc nécessaire que chaque partie prenante trouve un intérêt dans le processus de l’innovation sociale. Ce sont les incitatifs. L’avantage des incitatifs est qu’ils sont différents des espérances. Celles-ci ne sont pas satisfaisables. Les incitatifs permettent à chaque acteur de progresser et non de se rétribuer. Dans notre modèle, les universités ont de nouvelles perspectives pour les enseignements, les jeunes développent des compétences, le Ministère questionne ses politiques, les acteurs locaux repensent leurs modalités opérationnelles…

(v)         Communiquer stratégiquement : Conduire l’innovation sociale vers les ODD engage la relation communicationnelle avec l’ensemble de l’écosystème, les communautés et le système des nations unies lui-même. Cela signifie que la communication doit être orientée « résultat » et non « action ». Cette approche a l’avantage de porter à chaque étape des sujets nouveaux de discussions et de capitalisation, tout en donnant à chaque partie prenante des raisons objectifs d’approfondir les défis vers les ODD.

(vi)        Best value for money : Faire beaucoup avec peu. Tel est le principe. D’autant plus les mécanismes développés sont domestiqués par les acteurs en présence. L’Accelerator a su avec ses partenaires créer les conditions d’une orientation efficiente des ressources, de sorte qu’aucun investissement de correction n’existe. Tous les engagements financiers sont destinés à passer d’une étape à une autre dans le processus d’innovation sociale.

En définitive, la naissance d’un modèle d’innovation sociale dans la perspective des ODD peut résulter d’un processus expérimental qui à l’origine ne soupçonnait pas l’étendu des gaps à prendre en compte. A condition qu’un certain nombre d’éléments écosystémiques, méthodiques et stratégiques soient réunis

Nos remerciements à la Primature, au Ministère en charge de l’Enseignement supérieur et de l’Innovation, à nos infatigables soldats du réseau « Be In », à nos universités partenaires, à l’ONUSIDA et au FNUAP, à tous ces travailleurs informels, tous ces groupements féminins, toutes ces chefferies traditionnelles, toutes ces autorités locales et toutes ces communautés, qui à travers le pays ont compris notre démarche et nous ont aidé à atteindre les résultats qui sont les nôtres. 

Si vous souhaitez continuer la discussion sur la conduite de l’innovation sociale dans la perspective des ODD, n’hésitez pas à nous contacter à acclab.gn@undp.org