LocationsLa digitalisation et ODD : la jeunesse au service de l’agenda 2030
20 décembre 2022
Le Nord Kivu est une province en proie à des nombreux défis humanitaires, environnementaux et sécuritaires complexes depuis plus de 20 ans. La succession d’affrontements armés avec son lot de déplacés, l’activité du volcan Nyiragongo et la pandémie du virus Ebola sont autant d’évènements qui ont fait de cette région une priorité d’intervention pour les partenaires humanitaires et de développements. Cela se traduit par une myriade de programmes, de projets et d’interventions variées qui génèrent des apprentissages, des bonnes pratiques et des données variées sur lesquelles nous n’avons pas de marqueur ODD susceptible de mesurer nos progrès face à l’agenda 2030.
Très peu d’initiatives concertées ont été enregistré à cet effet par les acteurs du développement ainsi que les autorités provinciales. C’est le pari qu’a voulu relever le PNUD par le financement du ministère des Affaires Etrangères de la République de Corée du Sud pour le renforcement du rôle des autorités provinciales et locales dans la coordination des interventions humanitaires, de stabilisation et de développement dans la province du Nord-Kivu comme pilote et à l’échelle nationale sur le long terme.
Une approche intégrée avec la jeunesse comme moteur.
Les acteurs humanitaires et de développement comme les autorités nationales et provinciales sont tous unanimes sur la nécessité d’une meilleure coordination des interventions. Cela passe obligatoirement par une approche intégrée, axée sur l’exploitation des données non conventionnelles, la mise en commun des sources et surtout la possibilité d’analyser, d’orienter et d’éclairer les futures interventions pour un meilleur impact en faveur des bénéficiaires. En effet, des données précises sont essentielles pour surveiller les progrès réalisés sur la voie des Objectifs de développement durable et pour orienter les politiques publiques dans le but de garantir que les ressources soient utilisées de manière optimale.
C’est cette mission que s’est assigné l’équipe du PNUD en concevant une plateforme interactive de gestion de données du développement et de la pacification pilote au nord Kivu. L’ambition est de créer une dynamique de partage et d’analyse susceptible d’apporter de la cohérence dans les interventions de l’Etat et des partenaires au développement dans les provinces en alignement sur les ODD et les différents instruments de planification au niveau national, provincial et local. Pour alimenter cet écosystème de données, le PNUD a créé une dynamique de participation des jeunes nommé JERODD (Jeunes rapporteurs des ODD) afin d’accompagner les acteurs dans la collecte des données et la planification des interventions de développement. Les jeunes universitaires s’engagent sur base du volontariat à appuyer l’alimentation de la plateforme en données en lien avec les ODD localisés. Le PNUD envisage les former en rudiments sur le suivi et évaluation ainsi que le leadership pour créer un pool de personnes ressources disponible pour les acteurs mais aussi de donner à la jeunesse l’opportunité de participer, par des propositions concrètes, à la résolution des défis du développement de leurs provinces.
Une base de données dynamique pour appuyer l’aide à la décision
Pour renforcer la certification des données collectées, le PNUD a construit et équipé un bâtiment abritant un centre de traitement de données collectées et de suivi-évaluation des interventions des partenaires sur le terrain au sein de la division provinciale du Plan. Cette infrastructure servira de relai qualité dans la remontée des informations collectées sur terrain et certifiées par les PTF avec la participation du monde universitaire pour affiner les analyses.
Ce niveau de traitement apporte une innovation dans la collecte des données avec une participation multi-acteurs dans la validation. A l’aide des outils numériques, notamment les tablettes et téléphones intelligents, la remontée des informations se fait en temps réel via le réseau des jeunes rapporteurs de ODD « JERODD » en sigle. Ainsi, les données intègrent systématiquement le tableau de bord, alimentent le module d’analyse de données intégrées ainsi que la cartographie géoréférencée des interventions. Cette déclinaison de fonctionnalités sur la plateforme offre aux partenaires et aux autorités locales une variété de ventilation analytique susceptible de couvrir des besoins d’interprétations spécifiques à chaque attente des acteurs dans le cadre de leurs interventions présents et futures.
Tableau synthétique de l'initiative JERODD
Cette plateforme a été conçu par une approche de cocréation avec les partenaires, les autorités provinciales et nationales, le monde universitaire ainsi que les regroupements des jeunes pour la collecte, suivi et rapportage des interventions liés aux Objectifs du Développement Durable. Cette mise en commun vise à garantir l’appropriation et la soutenabilité d’une base données numérique accessible et régulièrement mise à jour par les acteurs avec l’accompagnement des autorités locales. Sur base de ce modèle, le PNUD ambitionne de déployer une plateforme spécifique pour les provinces du Tanganyika, du Kasaï central, du Kongo central et Kinshasa.
L’assurance qualité des données, une préoccupation
En alliant la participation des parties prenantes variées pour la soutenabilité de la base de données, le souci majeur est d’assurer un niveau de qualité satisfaisant pour tous les acteurs qui sont ainsi coresponsable de la pertinence des données collectées et leur validation pour l’intégration. Pour y parvenir, le model opérationnel du centre de traitement intègre trois niveaux de certification de données notamment :
- La collecte des JERODD, jeunes universitaires intégrés au 1er niveau de collecte des données sur terrain et auprès des partenaires au moyen d’un questionnaire électronique, le géoréférencement des réalisations ainsi que le ciblage des ODD
- L’analyse des données collectées par les partenaires concernés au niveau de leurs espaces de données dédiés sur la plateforme
- Le traitement au niveau des experts sectoriels rattachés aux ministères provinciaux et au ministère national du plan pour une appropriation et cohérence d’alignement des interventions sur les différents plans (PDP, PAP et PDL)
Collaboration de raison avec le laboratoire d’accélération
Le Protocole d’apprentissage du laboratoire d’accélération accorde beaucoup d’importance à l’utilisation des données non conventionnelles pour insuffler de l’innovation dans la compréhension des enjeux de développement présents et futurs. La plateforme PIGDP avec son écosystème multi acteurs, sa base de données géoréférencée et l’approche d’intelligence collective vers une coordination efficiente des interventions, en fait un parfait cas d’école. Notre intérêt est d’autant plus grand que la structure de la plateforme intègre une interface d’identification des défis de développement que les acteurs et les JERODD vont alimenter. Cela fera d’eux une extension de la fonction de cartographe des solutions innovantes ainsi que celle de l’exploration pour la remonter des informations exploitables dans les futurs cycles d’apprentissages.
Nous envisageons des activités prospectives qui aboutissent à la formulation des fiches exploratoires des défis de développement susceptibles d’enclencher un intérêt d’intervention spécifique. Cette démarche collaborative, dans un écosystème de données, se marie bien avec la mission du laboratoire d’accélération. Que dire de la capitalisation future des métadonnées générées par l’écosystème de la plateforme ? il est tout à fait envisageable d’exploiter cette manne dans une démarche d’analyse prédictive assistée par l’intelligence artificielle au service de la coordination du développement, de la gestion de l’aide et de la planification en RDC.
Serge Kusinza, Head of Exploration
