Digitalisation de l’enseignement supérieur : entre ambition collective et réalité en construction

8 juillet 2025
La conférence-débat 'Parlons Développement' a rassemblé étudiants, enseignants et institutions autour des enjeux de la digitalisation universitaire à Madagascar.

La conférence-débat 'Parlons Développement' a rassemblé étudiants, enseignants et institutions autour des enjeux de la digitalisation universitaire à Madagascar.

Après une première édition consacrée à l’insertion professionnelle des jeunes, Parlons Développement revient pour un deuxième rendez-vous, dédié à un enjeu stratégique pour Madagascar : la digitalisation de l’enseignement supérieur.

Dans un pays où plus de 64 % de la population a moins de 25 ans, et où l’université représente un levier essentiel de transformation sociale, l’intégration du numérique dans l’enseignement va au-delà d’un simple choix technique. C’est un défi de modernisation, un vecteur d’inclusion, et une opportunité pour préparer les générations futures aux exigences d’un monde connecté.

Un contexte porteur, mais des défis persistants

Malgré l’existence de politiques comme le Plan Stratégique du Numérique (PSN 2023–2028), les universités malgaches restent confrontées à des contraintes structurelles : faible connectivité, équipements limités, fragmentation institutionnelle et disparités d’accès. Organisée le 8 juillet, la conférence a servi d’espace de dialogue pour confronter les visions et identifier les leviers d’une transformation numérique ancrée dans les réalités du pays. L’objectif ? Faire émerger des propositions concrètes, co-construites avec les premiers concernés : les étudiants.

Un dialogue ouvert entre acteurs

Réunis dans l’amphithéâtre de la Faculté des Sciences, étudiants, enseignants, responsables d’université, acteurs du secteur numérique et partenaires au développement ont échangé autour de la question centrale : Dans quelles mesures la digitalisation peut-elle révolutionner l’expérience universitaire ?

M. Rivoarison Randrianasolo, Président de l'Université d'Antananarivo, défend la digitalisation comme accélérateur de qualité éducative.

M. Rivoarison Randrianasolo, Président de l'Université d'Antananarivo, défend la digitalisation comme accélérateur de qualité éducative

Dans son discours, M. Rivoarison Randrianasolo, Président de l’Université d’Antananarivo, a rappelé que la digitalisation constitue « un levier fondamental de transformation, capable d’améliorer significativement la qualité de l’enseignement, de faciliter l’accès au savoir, et de préparer nos étudiants à relever les défis d’un monde en mutation constante. »

Dr Edward A. Christow, Représentant Résident du PNUD, rappelle que la transformation numérique s’appuie sur les jeunes générations.

Dr Edward A. Christow, Représentant Résident du PNUD, rappelle que la transformation numérique s’appuie sur les jeunes générations.

Pour Dr Edward A. Christow, Représentant Résident du PNUD à Madagascar, cette transformation ne peut se faire sans les jeunes : « Le développement ne se décrète pas, il se construit avec les citoyens – et notamment avec les jeunes. ». Une vision partagée par le Directeur Général du FOFIFA, représentant le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESUPRES), qui a invité la communauté universitaire à s’emparer des opportunités offertes par le numérique en repensant les façons d’apprendre, de transmettre et de collaborer.

Les quatre panels organisés durant la matinée ont permis d’aborder différents aspects : infrastructure, contenu pédagogique, rôle des enseignants, gouvernance numérique. Pour Felixie Rafalimanana, de l’Unité de Gouvernance Digitale, la réussite de la digitalisation repose sur une planification rigoureuse : « Il faut une stratégie claire, un plan de mise en œuvre, un dispositif de suivi-évaluation… mais surtout une volonté réelle à tous les niveaux. »

Rija Rahajarizafy, Manager de l’Orange Digital Center, a mis entre autres l’accent sur le rôle central des enseignants dans cette transition : « Le numérique est un outil. Mais c’est l’enseignant qui équilibre la dynamique universitaire. »

De son côté, Miarintsoa Neilla Andrianasolo, membre du Comité de Digitalisation de l’Université, a rappelé que le numérique offre non seulement un accès élargi aux ressources pédagogiques et scientifiques, mais permet aussi de valoriser la recherche, moderniser les services administratifs et renforcer les compétences des étudiants pour leur insertion professionnelle.

Tahina Razafinjoelina, Président du Conseil d'administration de l’IT University a quant à lui apporté son expertise en tant que professeur et acteur du secteur. 

A panel discussion with five speakers on stage, seated behind a table, with an audience in front.

Experts et universitaires débattent des défis concrets : infrastructures, pédagogie numérique et gouvernance

Entre ambition et réalité

Les interventions ont également mis en lumière les écarts entre les ambitions nationales et les réalités locales. Si certaines initiatives sont encourageantes — digitalisation des bibliothèques, développement de plateformes d’apprentissage, partenariats avec le secteur privé — de nombreux défis demeurent : accès inégal à Internet, manque de matériels et disparités des compétences numériques.

Plusieurs étudiants ont partagé leurs préoccupations. Lanto, en Sciences Naturelles, s’interroge :

« Sommes-nous vraiment prêts ? La transition numérique ne doit pas être imposée sans accompagnement. »

D’autres ont plaidé pour une approche plus inclusive et une meilleure écoute des besoins spécifiques des universités régionales.

Une volonté d’agir ensemble

Malgré les défis identifiés, l’événement a montré une volonté commune d’avancer. Tous les acteurs présents — institutions publiques, établissements d’enseignement, entreprises du numérique et partenaires techniques — ont souligné la nécessité de co-construire un agenda de transformation réaliste et pérenne.

En plaçant les étudiants au coeur du débat, cette édition de Parlons Développement a permis de mieux comprendre leurs attentes, de faire émerger des propositions concrètes et de renforcer les synergies nécessaires pour une digitalisation inclusive.

Ce dialogue intersectoriel marque une étape clé dans la réflexion autour du numérique dans l’enseignement supérieur. Reste désormais à transformer les idées partagées en actions durables, adaptées aux réalités malgaches.