Anticiper la sécheresse à Madagascar : un tournant vers la résilience climatique

15 août 2025

Dans sa localité, Jaonarison Rehotovo a su transformer une situation difficile en une véritable opportunité de développement grâce à l’élevage de chèvres. Confronté aux aléas climatiques et à la sécheresse, il a commencé modestement avec seulement trois chèvres avant de faire croître son cheptel à 80 têtes en trois ans, en adoptant des techniques innovantes telles que la construction d’un abri à étages et l’amélioration de l’alimentation animale. Malgré les défis, il a fait preuve de persévérance, vendant une partie de ses animaux pour répondre aux besoins essentiels tout en continuant à apprendre et à s’adapter. Aujourd’hui, son expérience témoigne d’une résilience forte et d’un espoir pour le développement rural, avec la volonté de former d’autres éleveurs et de reconstituer son cheptel, illustrant que l’élevage peut être une solution durable face aux difficultés climatiques dans sa localité. (Source FAO)

Une crise climatique de plus en plus fréquente

À Madagascar, la sécheresse est un phénomène climatique naturel marqué par une baisse prolongée des précipitations, entraînant une réduction significative de l’eau disponible. Dans un contexte mondial de changement climatique, ces épisodes deviennent plus fréquents et plus intenses. Depuis 2015, la pluviométrie saisonnière dans le sud du pays a fortement diminué, à l’exception de la saison 2018-2019[1].. La baisse des précipitations, combinée à une élévation des températures, a perturbé les cycles hydrologiques, aggravant les épisodes de sécheresse.

Aussi, en début d’année 2025, le sud de Madagascar, déjà fragilisé par la sécheresse persistante et des niveaux de malnutrition élevés, a subi le passage de deux phénomènes cycloniques successifs qui ont profondément aggravé la vulnérabilité des communautés. Ces tempêtes ont détruit des milliers de foyers, inondé des cultures essentielles et endommagé des infrastructures clés telles que des centres de santé, des écoles. Leurs effets ont été particulièrement dévastateurs dans des zones déjà en situation d’insécurité alimentaire et de malnutrition aiguë : en 2024-2025, on estimait à près de 358 000 le nombre d’enfants de 6 à 59 mois touchés par la malnutrition aiguë, dont plus de 83 000 souffrants de forme sévère, principalement concentrés dans le Grand Sud et le Grand Sud-Est [2].

Grand Sud de Madagascar - La sécheresse prolongée a transformé les paysages et accru la pénurie d’eau

La sécheresse prolongée a transformé les paysages et accru la pénurie d’eau, menaçant les moyens de subsistance.

Le Sud en première ligne face à la famine climatique

Madagascar est aujourd’hui le troisième pays le plus exposé aux effets du changement climatique, après le Bangladesh et Haïti. Entre 2018 et 2022, le sud du pays a subi une sécheresse prolongée, provoquant une insécurité alimentaire aiguë pour 1,14 million de personnes. Parmi elles, près de 14 000 se trouvaient en situation de catastrophe alimentaire, selon l’IPC [3].  (Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire). L’ONU a qualifié cette crise de première famine climatique au monde. La sécheresse a gravement affecté la production agricole (riz, manioc, maïs, légumineuses), provoqué la mort de troupeaux, et fait flamber les prix des denrées. Elle a également fragilisé les écosystèmes et les moyens de subsistance de populations dont 95 % dépendent de l’agriculture, de l’élevage ou de la pêche. Les répercussions sociales sont importantes : hausse de la pauvreté, déplacements forcés, violences accrues (notamment envers les femmes), vols de bétail et conflits communautaires.

Un projet pour transformer la réponse à la sécheresse

Pour préserver la stabilité socio-économique, il est urgent de renforcer la gestion des risques liés à la sécheresse, en particulier dans les régions rurales. Cela nécessite des mesures d’adaptation climatique, une meilleure gouvernance de l’eau et un appui accru aux communautés vulnérables. Mais une des lacunes majeures reste l’absence d’un système national intégré de surveillance de la sécheresse, empêchant la diffusion d’informations précises et le déclenchement d’actions anticipatoires.

C’est dans ce contexte qu’est né le projet « Opérationnalisation du Système d’Alerte Précoce (SAP) et des Actions Anticipatoires (AA) dans le Grand Sud ». L’objectif : améliorer la coordination des interventions stratégiques et opérationnelles face à la sécheresse. La démarche était d'opérationnaliser un SAP Sécheresse déclenchant des Actions Anticipatoires cadrées et harmonisées, en s'appuyant sur les acquis et les leçons apprises des initiatives passées en la matière à travers le renforcement des capacités opérationnelles de la Direction Générale de la Météorologie (DGM), du Bureau National de GRC (BNGRC) et des Ieads sectoriels, et stratégiques de la Cellule de Prévention et d'appui à la Gestion des Urgence (CPGU) pour la coordination de la collecte, la centralisation et le traitement des données, l'objectif est que les institutions et la population puissent mieux se préparer, anticiper et gérer les risques de sécheresse. 

Clap de fin pour le projet  « Opérationnalisation du Système d’Alerte Précoce (SAP) et des Actions Anticipatoires (AA) dans le Grand Sud »

La Région de l’Anosy, a été le théâtre d’un événement marquant avec l’atelier de clôture du projet « Opérationnalisation du Système d’Alerte Précoce (SAP) et des Actions Anticipatoires (AA) dans le Grand Sud » avec la présence remarqué des Gouverneurs des régions Anosy, Androy et Atsimo Andrefana. Mis en œuvre par le Programme des Nations Unies pour le dévellopemnt (PNUD), l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Programme Alimentaire Mondial  (PAM) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) avec un financement d’ECHO (Protection Civile et Aide Humanitaire de l’Union Européenne), le projet a permis la mise en place d’un tableau de bord de suivi de la sécheresse. 

Uune réponse harmonisée face aux sécheresses récurrentes dans le Sud de Madagascar

Officiels, techniciens et agences onusiennes co-construisent une réponse harmonisée face aux sécheresses récurrentes.

Un outil stratégique : le tableau de bord de suivi de la sécheresse

Ce tableau de bord [4] est un système numérique interactif, conçu pour collecter, analyser et visualiser les données climatiques et hydrologiques en temps réel. Il intègre plusieurs indicateurs clés, notamment :

  • Les niveaux de précipitations ;
  • Les seuils critiques d’humidité du sol ;
  • Les indicateurs de malnutrition et de vulnérabilité ;
  • Les alertes multisectorielles (santé, nutrition, agriculture).

Une démonstration a permis aux participants de tester l’interface, de simuler des scénarios d’alerte, et d’émettre des suggestions pour améliorer son accessibilité et son efficacité. Le développement du tableau de bord s’est appuyé sur une approche participative. Les communautés locales, les techniciens et les décideurs ont été consultés pour évaluer la pertinence des alertes, l’ergonomie de l’interface et son adaptation au contexte local. Cet outil marque un tournant pour Madagascar, qui ne disposait jusqu’ici d’aucun système de surveillance de la sécheresse. Il permet désormais de passer d’une logique de réaction à une logique d’anticipation, déclenchant des actions avant que la situation ne se dégrade.

Le tableau de bord interactif du SAP permet une surveillance en temps réel des risques de sécheresse.

Le tableau de bord interactif du SAP permet une surveillance en temps réel des risques de sécheresse.

Clôture du projet, ouverture vers l’avenir

L’atelier de clôture du projet « Opérationnalisation du Système d’Alerte Précoce (SAP) et des Actions Anticipatoires (AA) dans le Grand Sud » a permis de valider les outils, de présenter le rapport de capitalisation et de formuler des recommandations pour pérenniser le système. Une phase d’expérimentation sera effectuée à partir du mois d’octobre de cette année, une fois l’intégration des paramètres finalisée. Le comité de pilotage a souligné l’importance d’étendre l’usage du tableau de bord à d’autres régions du pays. Le projet SAP AA ECHO s’achève, mais il laisse un héritage technologique et humain fort. Il a jeté les bases d’un système intégré et harmonisé, capable de déclencher des actions précises et rapides face à la sécheresse. 

En capitalisant sur les complémentarités entre agences du Système des Nations Unies, le projet a démontré qu’une anticipation inclusive et coordonnée est possible à Madagascar. Il a renforcé les capacités pour collecter, centraliser et analyser les données, générer des alertes précoces, et faciliter la prise de décision. Grâce à ce système, les populations, les institutions et les entreprises du Grand Sud sont désormais mieux préparées pour affronter les sécheresses, réduire les impacts et bâtir une résilience durable.

Des solutions locales émergent pour restaurer les écosystèmes affectés par la sécheresse

Des solutions locales émergent pour restaurer les écosystèmes affectés par la sécheresse