Etude de cas de la situation des inondations à Kinshasa : Analyse des données pour l’élaboration des politiques publiques

L’intelligence artificielle pour analyser les données d'enquêtes en réel

1 avril 2023
Le quartier mososo innondé après chaque pluie à Kinshasa

Quartier Mososo innondé après les pluies duliviennes qui sont abbatues sur la ville de Kinshasa

Photo AccLab/PNUD-RDC

On estime à 2,9 millions le nombre de personnes déplacées à cause des graves inondations qui ont frappé l'Afrique Centrale et de l'Ouest. La République démocratique du Congo n'est pas épargnée par cette calamité naturelle. En décembre 2022, le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a rapporté qu'au moins 169 personnes étaient mortes à cause des pluies dévastatrices qui se sont abattues sur la capitale Kinshasa. Les districts de Mont-Ngafula et de Ngaliema ont été les plus touchés par ces pluies diluviennes.

Les inondations pendant la saison des pluies dans la capitale de la RDC, Kinshasa, ne sont pas un phénomène nouveau. On observe que lorsqu'il pleut, l'eau ne peut pas s'écouler parce que les gens ont bloqué les voies d'évacuation avec des constructions anarchiques et le blocage des caniveaux. Année après année, ce phénomène s’amplifie, et   suscite un questionnement sur le niveau de préparation de la population et des autorités de la RDC pour y faire face. 

C'est pourquoi le Laboratoire d’Accélération du PNUD en RDC a collaboré avec Standard Insights, (une société de recherche qui s’appuie sur des systèmes intégrant l’intelligence artificielle pour analyser les données d'enquêtes en temps réel via les médias sociaux) afin d'améliorer la prise de décision et la détection des crises. Cette étude préliminaire vise à montrer comment les approches innovantes dans l'analyse de données en temps réel peuvent conduire à une meilleure gouvernance et comment des méthodes non conventionnelles de collecte des données peuvent être utiles pour l'élaboration des politiques et la prise de décision rapide. Cette collaboration a abouti à la conception d'une enquête basée sur les médias sociaux ciblant un groupe démographique d'individus résidant dans les villes de Kinshasa et de Lubumbashi. Un échantillon de 703 personnes vivant à Kinshasa ou à Lubumbashi et âgées de plus de 18 ans a été constitué.

 

Les pluies causent des érosions dans les quartiers périphériques de Kinshasa

Des érosions ménacent la commune de Mont Ngafula à Kinshasa

Photo AccLab/PNUD-RDC

L'analyse de données dans l'élaboration des politiques 

L'objectif de cette enquête préliminaire était de tester comment une analyse de données rapide peut aider à la compréhension d’un défi de développement ainsi que les signaux de vulnérabilité en situation de crise recueillis pendant les inondations à Kinshasa dans une perspective de prise de décision politique fondée sur des évidences. L'analyse de données par l'IA ne peut pas remplacer les décideurs politiques, mais elle peut permettre une approche globale, plus rapide et plus empirique dans le contexte d'une crise à court terme. Le cas de la RDC n'est pas une exception puisque les inondations et autres catastrophes naturelles, exacerbées par le changement climatique, sont courantes dans le monde. Les autorités doivent également prendre des mesures pour s'assurer que la ville province de Kinshasa planifie la gestion des catastrophes naturelles et oriente l'allocation des ressources en se basant sur les contributions des citoyens afin d'être mieux préparé. 

Alignement des questionnaires pour une meilleure visualisation des données 

L'enquête portait sur des questions simples relative à la situation des inondations, notamment dans les zones clés touchées par les inondations, la fréquence des inondations, le degré de préparation de ces personnes aux inondations et l'existence d'une forme d'assurance ou de couverture à cet égard. L’intention était de recueillir des informations exploitables qui pourraient déclencher un débat, un intérêt programmatique au sein du PNUD et au-delà afin d'apprendre et de comprendre de ces défis humains et structurels y relatif, mais aussi de capter la contribution de la population pour une solution durable.

 

les pluies duliviennes paralysent tout à Kinshasa

Les innondations bloquent la population de Kinshasa

Photo REUTERS

Apprentissages et Prospective. 

Une étude menée par Deloitte en 2019 a déterminé que l'intelligence artificielle sous toutes ses formes peut favoriser de puissantes innovations dans le secteur public dans des domaines aussi divers que la sécurité nationale, la sécurité alimentaire et les soins de santé et, à long terme, faire en sorte que la ville de Kinshasa planifie mieux, se dote de ressources suffisantes et prépare à faire face aux catastrophes naturelles.

 Chiffres clés : L’enquête révèle que 58% des personnes interrogées sont confrontées à des inondations, notamment dans les communes de Kalamu (53%) et de Mont-Ngafula (41%) qui sont les plus touchées, suivies par celle de Limete (40%). Il est surprenant de constater que seulement 15 % des personnes interrogées affirment ne pas être confrontées à des problèmes d'inondation. C'est un indice sérieux que ce défi à Kinshasa toucherait plus de 60% de sa population pour laquelle il n'y aurait pas d'aide publique ni de politique d'assainissement pour y répondre.

Perspectives de préparation : L'enquête a également révélé des signaux intéressants sur le niveau de préparation des populations. Il apparaît que 58 % des personnes interrogées n'ont pas d'assurance mais seraient intéressées d’en avoir, alors que seulement 3,5 % l'ont mise en place. Il pourrait s'agir d'un indicateur social pour des études comportementales susceptibles d’aider à déterminer le niveau et le type de sensibilisation adaptés à ce contexte pour l'appropriation de la culture de l'assurance. Des politiques publiques incitant le secteur privé à proposer des produits adaptés, parallèlement à d'autres approches, devraient être envisagées. 19 % affirment être préparés en cas d'inondation, tandis que 37 % envisagent de quitter leur lieu de résidence actuel pour se mettre à l’abri.

Dans le feu de l’action : 37% des répondants utilisent des moyens rudimentaires comme les sacs pour se protéger d'une inondation et 17% choisissent de s'abriter chez des voisins Ce qui révèle le niveau élevé de précarité qui affecterait plus de 50% de la population si la tendance actuelle se poursuivait. Nous pouvons facilement imaginer comment un ensemble de données générées par une approche de science citoyenne ajouterait de la valeur aux futures mesures à mettre en place dans chaque lieu touché en fonction de la gravité, de l'urgence et du contexte.

 

Construction d'une digue pour canalyser les eaux des pluies

Des érosions ménacent des communes et donc la construction des murs de soutement est capital

Photo Com/ PNUD-RDC

En augmentant l'échantillonnage et le type d'informations à collecter pour les décideurs, l'analyse des données peut aider les gouvernements à aborder les défis de manière compréhensive, avec des évidences plutôt qu'étroite. La dimension 

En augmentant l'échantillonnage et le type d'informations à collecter pour les décideurs, l'analyse des données peut aider les gouvernements à aborder les défis de manière compréhensive, avec des évidences plutôt qu'étroite. La dimension opinion mining  et la science citoyenne Qui lui est appliquée peut contribuer à favoriser l'innovation en matière de politiques publiques dans la gestion des crises. Le laboratoire a l'intention d'utiliser l'analyse de données et l'analyse de sentiments pour affiner les connaissances du PNUD RDC sur la prévention de la violence électorale et la participation citoyenne des jeunes en lien avec l'atteinte des ODD. Nous serions ravis de recevoir vos contributions sur le sujet dans la section de commentaire ci-dessous. L’intelligence collective c’est l’ouverture à la contribution du plus grand nombre pour adresser des défis complexes. 

Tatianna Lukama Binda

Serge Kusinza

Olivier Bampendi