Les femmes au front contre le paludisme et autres maladies dans les communautés

29 août 2022
A Ngozi,la moustiquaire diminue le taux de paludisme dans les communautés

A Ngozi,la moustiquaire diminue le taux de paludisme dans les communautés

©Aaron Nsavyimana/UNDP Burundi

Au Burundi, pour prévenir et lutter contre la maladie la plus tueuse de la population, le paludisme, connu aussi sous le nom de malaria, le pays recourt aux agents de santé communautaire (ASC) encadrés par les techniciens pour la promotion de la santé (TPS) opérant dans les centres de santé (CDS). Ces ASC se démarquent dans la distribution, aux ménages, de moustiquaires imprégnées d’insecticides de longue durée d’action (MIILDA), considérée comme moyen efficace de prévention de cette maladie. Elles contribuent aussi dans la lutte contre d’autres morbidités, telles que la tuberculose et le VIH/SIDA.

Ces moustiquaires sont distribuées dans le cadre du financement du Fonds Mondial (FM) tuberculose, paludisme et VIH/Sida administré par le PNUD et mis en œuvre en partenariat avec le ministère de la santé publique et lutte contre le Sida (MSPLS), à travers le programme national intégré de lutte contre le paludisme (PNILP).

Les ASC jouent un rôle impeccable affirme Anabela Niyonzima, TPS aux CDS des zones Mubuga et Mivo, de la commune Mubuga, province Ngozi. Rencontrée, au CDS Mubuga, elle peint un tableau reluisant de l’apport des ASC dans l’amélioration de la santé de la population et l’allègement du travail du personnel des CDS par la prise en charge d’une quantité non négligeable de malades à domiciles.  Avec les médicaments mis à la disposition des districts sanitaires par le Fonds mondial, ils s’impliquent aussi dans le suivi médical de personnes infectées par la TB et le VIH/SIDA. Se déclarant fière de collaborer avec eux, elle insiste sur leur part primordiale dans la mobilisation et sensibilisation communautaire pour la prévention et le commencement de soins médicaux à temps en cas de maladie.

En première ligne au front pour lutter contre le paludisme

Endémique à travers tout le pays, pour lutter contre ses ravages, ils sont au front en première ligne pour d’abord sensibiliser les communautés sur ses signes précurseurs et sur l’ultime nécessité de se faire traiter le plus rapidement possible aux structures de santé appropriées (CDS). En effet, mal soignée ou prise en charge avec retard, la malaria conduit souvent à des complications et à la mortalité. 

Elle précise que munis de tests de dépistage rapide, ils sont là pour intervenir vitement, surtout pour ceux ou celles qui, d’habitude laissent le temps passer pour voir l’évolution de la maladie avant de consulter le personnel de santé. Cette attitude conduit souvent à la complication et à la mort, précise Anabela. Ils interviennent rapidement la nuit, distribuent des médicaments et assurent le suivi des malades. Selon Anabela, leur travail est merveilleux, seuls les bénéficiaires peuvent en juger l’importance.

A propos de la distribution des MIDDA, leur rôle est irremplaçable. « On ne saura jamais avec exactitude le nombre de moustiquaires nécessaires sans leur apport. Ils en recensent. Après la distribution, leur travail commence, ils enseignent comment tendre la moustiquaire sur le lit, en faire l’usage pour lequel il est destiné, voilà le travail qu’ils abattent après. En période de pulvérisation intra domiciliaires, les voici encore présents pour aider dans cet important travail de lutte contre le paludisme, complète Anabela.

La tuberculose (TB) et le VIH/SIDA étant des maladies encore considérés comme faisant honte dans la communauté, pouvant même conduire à la stigmatisation, ces relais de santé sont là pour être une solution durable à la situation.

Toute personne qui tousse et présentant des signes de TB est approchée avec prudence pour ne pas la heurter. Les ASC la convainquent et l’amènent à la structure de santé pour un test approprié. Il en est de même pour les cas de VIH. Quand les ASC remarquent des changements chez un membre de la communauté, notamment quand la personne tombe intempestivement malade, ils se rapprochent d’elle, l’écoute attentivement et la conseillent de consulter le médecin.

Aussi bien pour les tuberculeux que pour les personnes affectés et infectés par le VIH, leur implication ne se limite pas là. Plutôt leur mission commence. Ils accompagnent les malades, les suivent pour qu’ils prennent régulièrement les médicaments et se chargent de leur approvisionnement, en médicaments, auprès des centres de santé pour faciliter leur traitement à domicile.

Nous sommes fiers de compter de grands résultats

Rebondissant sur la description encensant d’Anabela, d’un ton aisé, Jeanine Ndayishimiye, ASC à Mubuga, forte d’une expérience de 12 ans, cette mère de famille 3 enfants s’honore en parlant de du travail des ASC dans la communauté qu’elle a commencé étant jeune fille.

« Guidés par le cœur de vivre dans un environnement où voir tout l’entourage en bonne la santé est la priorité des priorités, nous, les ASC, c’est sans relâche que nous visitons les familles pour voir si tous les enfants sont vaccinés. Ceux qui n’ont pas eu tous les vaccins, nous les sensibilisons et nous les référons au CSD pour ne pas couper la chaine de vaccination », dit Jeanine.

Elle continue, « nous rendons beaucoup de services à la communauté et nous sommes fiers de compter de grands résultats. Nous sommes ravis de remarquer que les gens nous suivent et recourent de plus en plus au CDS et non à la médecine traditionnelle comment avant. Une personne qui voit sa température monter par exemple, ne pense plus à l’ensorcellement d’emblée comme par le passé. Les gens ont été sensibilisés que c’est un des signes de malaria. Les gens nous écoutent aussi et se font dépister en grand nombre pour le VIH/le SIDA. Nous sommes aussi très écoutés quand nous parlons de l’utilisation de moustiquaires imprégnées. Nous les aidons à mieux le tendre sur le lit et ils constatent eux-mêmes une baisse du taux de malaria dans la communauté. Nous contribuons aussi dans la sensibilisation pour la planification familiale. Aussi notre travail est apprécié par le personnel de santé avec qui nous collaborons très bien. Nous allégeons son travail par nos prestations dans les communautés où il ne peut pas arriver chaque jour à cause de leur charge journalière de travail ».

Jeanine est très ravie de voir que la majorité des ASC sont des femmes (60%). Trois sur cinq ASC sont des femmes. « Elles sont faites pour donner la vie, elles sont toujours prêtes à se donner pour les autres dans ce travail d’assurer une bonne santé pour toutes et tous », affirme Jeanine. Je suis de surcroît fière de mon métier parce que contrairement à l’opinion communément répandue, les femmes ne divulguent pas le secret. Beaucoup de malades viennent se confier aux femmes parce qu’ils sont assurés que leur secret médical sera bien gardé. Comme on le dit en kirundi, nous sommes des bagumyabanga (gardiennes du secret). Pour preuve, même les hommes se confient aux femmes ASC pour le planning familial. C’est intéressant, ça nous valorisant et ça nous arme davantage de courage et de détermination, a -t -elle fait remarquer.

Pleine satisfaction des bénéficiaires

Grégoire Ngerageze, 40 ans, père de 3 ans, habite à quelques 250 mètres du CSD Mubuga. C’est Jeanine qui nous a conduit à son domicile pour témoigner de son travail dans la population. Occupé à faire réviser les cours à une dizaine d’élèves qui affrontent le concours d’entrée au secondaire cette année scolaire, à notre arrivée un bon mercredi du mois d’août, Grégoire arrête subitement son activité et vient, sourire aux lèvres, accueillir l’ASC. Après les salutations d’usage, Grégoire a hâte de savoir l’objet de la visite. «Venez-vous nous annoncer le jour de la prochaine distribution de moustiquaires ? Non rétorque Jeanine. C’est pour constater avec les visiteurs à quel point vous appréciez le don de moustiquaires pour lutter contre le paludisme dans la communauté. En effet, les préparatifs sont déjà terminés et la campagne va bientôt démarrée. 

Chaque ménage a reçu des bons en fonction de lits dont dispose sa maison et une carte ou fiche qu’il utilisera pour avoir d’autres moustiquaires distribuées notamment aux mères en consultations prénatales ou lors de la vaccination des enfants. En fonction des chambres de sa maison, Grégoire a eu 3 reçus et a droit à 3 nouveaux MIILDA.

Grâce aux ASC, la population a ouvert les yeux, constate Grégoire. Les faux tradipraticiens ne peuvent plus les tromper. Tout malade se dirige maintenant à la formation sanitaire la plus proche. «Ils nous sensibilisent beaucoup sur la nécessité de se faire soigner dans un établissement de soins tout en parlant de comment entretenir la santé, prévenir et soigner la maladie », témoigne Grégoire.

Après un petit moment, il nous invite dans sa maison pour nous montrer la moustiquaire que sa femme a eu lorsqu’elle a amené au vaccin de 9 mois, son fils qui fête son 3ème anniversaire en décembre prochain, nous sommes au mois d’août.

Pour Grégoire, les ASC jouent un rôle indéniable pour lutter contre la malaria dans la communauté. En plus de la sensibilisation de proximité, le suivi qu’ils font pour voir si les moustiquaires sont utilisées correctement, l’appui pour bien les placer sur les lits, aident les gens à les utilisent de manière convenable et en permanence.

« Chez moi par exemple, personne ne peut dormir s’il n’est pas sous moustiquaire car elle est venue mettre fin à beaucoup de problèmes dans ma famille », indique Grégoire. « Avant la distribution de moustiquaires, je tombe malade au moins une fois les 3 mois. Aujourd’hui, il n’y a plus de malaria dans ma maison. Mes enfants ne sont plus atteints de cette maladie. L’arrivée de ces ASC est comme une bénédiction divine pour mon foyer. Ils me permettent d’épargner l’argent que j’utilisais pour faire soigner la famille pour lancer d’autres projets de développement familial. Avant, le paludisme était devenu une source de pauvreté pour la famille. Je suis aussi heureux de constater que dans mon entourage la maladie qui est en nette chute », atteste Grégoire.

Les ASC nous sont également d’un apport capital en ce qui concerne la conservation et l’observation des mesures d’hygiène et assainissement. De la propreté de la cuisine, des lieux d’aisance à la propreté corporelle et vestimentaire, ils nous entretiennent sur ces sujets, ce qui nous préservent des maladies liées à l’insalubrité comme le choléra, la diarrhée, etc., confie-t-il.

 Les PREGASSC évaluent

A quelques 200 km de Mubuga, Marie Goretti Ndabarushimana, président du groupement des agents de santé communautaire (PREGASC) de Masaka (CDS Masaka), ASC depuis 2011 et PREGASC depuis 2020, se réjouit du travail réalisé en collaboration avec le TPS en charge du volet santé communautaire.

Chargée de la coordination du travail des ASC, elle, comme ses pairs joue un rôle important dans la chaîne de commandement au niveau de base. En plus de participer aux réunions entre PREGASC, TPS et titulaire de CDS, elle réunit les ASC pour se rendre compte d’éventuels problèmes et y trouver solution. Elle estime que sans le travail des ASC, la santé des communautés ne serait jamais à l’état où elle se trouve aujourd’hui.

« Leur engagement me donne la force de participer à leur côté dans les collines pour la sensibilisation de la population sur des sujets vitaux comme la consultation prénatale, la prise en charge de cas à domicile du SIDA et TB, la relance des cas d’abandons de vaccination, le planning familial et le dépistage des cas de malnutrition », note Marie Goretti.

Particulièrement, elle juge avec satisfaction la prise de conscience de la population à tirer avantage de la consultation prénatale précoce (CPN) qui s’accompagne de la distribution du fansidar pour prévenir le palu sur grosse, qui augmente les cas d’anémie, d’avortements et de mort-nés.