PNUD - le Burundi se dote d'un centre de traitement agoniste aux opiacés pour une prise en charge appropriée des usagers de drogues injectables

3 septembre 2025
PNUD - le Burundi se dote d'un centre de traitement agoniste aux opiacés pour une prise en charge appropriée des usagers de drogues injectables

Des bénéficiaires du Centre TAO "Mpumuriza"

©UNDP Burundi/Ninteretse Daniella, 2025

 

Par Daniella NINTERETSE

La consommation des drogues est un problème mondial sur la santé et le bien -être de la population. Les consommateurs de drogues sont plus exposés au risque d'infections par des virus tels que le VIH/SIDA, les hépatites B et C. La stigmatisation et l'exclusion sociale multiplient ces risques. Le Rapport mondial sur les drogues 2023 met en évidence la demande de traitement des troubles liés à la drogue largement insatisfaite. Seule une personne sur cinq souffrant de troubles liés à la drogue était sous traitement pour usage de drogues en 2021, et les disparités d'accès au traitement s'accentuaient d'une région à l'autre.

Les jeunes sont les plus vulnérables à la consommation de drogues et sont également les plus  touchés par les troubles liés à la consommation de substances psychoactives dans plusieurs régions. En Afrique, 70 % des personnes en traitement ont moins de 35 ans.

La plupart des sociétés ont tenté d'enrayer la consommation de drogues illicites en adoptant des politiques répressives : en criminalisant les consommateurs, en les envoyant en prison ou pire. Cependant, de telles politiques se sont révélées inefficaces et ont souvent causé de graves dommages aux personnes concernées, à leurs familles et à la société dans son ensemble.

Au Burundi, la problématique de la consommation des drogues est une source de méfaits transversaux sur le consommateur lui-même, sa famille, son environnement social et impacte négativement sur le développement socio-économique du pays. En effet, la situation géographique du pays le met en situation précarité pour la circulation et la consommation de drogues.

En effet, étant donné  sa situation géographique, le Burundi constitue un des pôles de consommation et d’exportation des drogues. Il se retrouve en effet au carrefour des routes de circulation des drogues au sein de la région. En plus de la voie aérienne, les trafiquants passent par le lac Tanganyika et la frontière Burundi-RDC à l’Ouest et par les frontières terrestres du côté du Burundi et de la Tanzanie.

Malgré la faible séroprévalence du VIH au sein de la population générale burundaise, on observe de taux de séroprévalence encore élevés au sein des populations les plus exposées. En effet, selon l’IBBS (l’enquête de surveillance biologique et comportementale intégrée) 2021, la prévalence du VIH chez les femmes les plus exposées (professionnelles de sexe) est estimée à 31.0%, celle des hommes les plus exposés (Hommes ayant des rapports sexuels avec les Hommes) est estimée à 5.9% et celle des usagers des drogues injectables est estimée à 14.1%. 

Comme c’est un phénomène relativement nouveau et peu documenté au Burundi, les organisations de la société civile assument une fonction de subsidiarité auprès de l’Etat. En effet, les structures étatiques ne pouvant pas détecter et traiter de manière exhaustive toutes les préoccupations des citoyens, ces organisations les appuient en mettant à l’agenda des politiques publiques, des thématiques qui sont peu ou pas traitées. 

Face à ce défi, le Burundi a choisi de ne pas fermer les yeux, mais d’agir. Il a été décidé de mettre en œuvre une approche scientifique, humaine et respectueuse des droits humains qui est l’usage du traitement agoniste aux opioïdes pour une prise en charge appropriée des usagers de drogues.

C'est dans ce cadre que le ministère de la santé publique en collaboration avec ses partenaires locaux et internationaux, ont commencé en 2017 des réflexions dans le but de développer des programmes pour la réduction des risques liés à l’usage des drogues au Burundi. Lors de ces réflexions, le ministère de la Santé Publique, les organisations de la société civile, les partenaires techniques et financiers, les forces de l'ordre et le leadership gouvernemental ont reflété une acceptabilité ainsi qu’une demande forte de lancer un programme pilote visant à introduire le Traitements par Agonistes aux Opiacées (TAO) dans le contexte burundais, en tant que composante essentielle de santé publique dans la lutte contre le VIH et le VHC (virus de l’hépatite C). 

Le Fonds mondial sur le front pour mettre fin au fléau de la drogue 

En vue d’apporter sa pierre à l’édifice, le Fonds mondial de lutte contre le Sida, Tuberculose et Paludisme a inscrit  le TAO en  priorité dans son soutien global de santé au Burundi, et est prêt à soutenir un programme pilote dans sa  subvention du 7ème cycle de financement (GC7) étendue sur la période 2024 – 2026. 

C’est ainsi que les parties prenantes ont défini une feuille de route pour l’implantation d’un projet pilote de Traitements Agonistes aux Opiacées (TAO) avec l’appui financier du Fonds Mondial et l’appui technique du PNUD et de l’Expertise France. 

Cette feuille définit les actions prioritaires pour la mise en œuvre de ce projet pilote qui sont  l’élaboration de directives nationales visant l’encadrement et la prestation des TAO, ainsi que la mise en place d’un  guide clinique et d’un plan de formation. 

Dans cette optique,  le ministère de la santé publique et le secrétariat exécutif permanent du CNLS ont cosigné les premières directives nationales sur les TAO pour le Burundi. Cette signature a été suivie par  la commande des médicaments TAO a été effectuée par le PNUD en collaboration avec l’ABREMA après l’obtention de l’autorisation d’importation auprès de l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS).

 Deux centres ont été mis en place, un centre clinique qui a été érigé dans les enceintes du service de YEZU MWIZA des jésuites et un centre communautaire qui a été confié à Burundi Association of People who Used Drugs (BAPUD). 

Le centre communautaire qui est doté des pairs éducateurs a pour mission : recrutement des UD (usagers de drogues), counseling, accompagnement des UD jusqu’ au centre TAO, suivi des bénéficiaires de TAO dans leurs communautés.

Le centre clinique, n’est pas un simple centre distribution de médicaments, il  offre un programme complet qui vise à :

  • Réduire ou cesser la consommation de substances.

  • Améliorer l'état physique et la qualité de vie des bénéficiaires.

  • Traiter les affections somatiques ou psychiatriques associées.

  • Prévenir les infections transmissibles (VIH, hépatites).

  • Réduire les risques de surdose.

  • Faciliter la réinsertion sociale et professionnelle.

  • Restaurer les liens familiaux et sociaux.

L’introduction de TAO permettra de réduire la morbi mortalité liée aux overdoses et de favoriser l'accès aux soins intégrés, incluant la santé physique, la santé mentale et le soutien à la réinsertion sociale. Aujourd’hui, le centre a déjà enrôlé sous traitement 150 bénéficiaires prévus pour la phase pilote, il est prévu aussi une mise à l’échelle nationale (ouvrir deux autres centres à l’intérieur du pays) sur base des résultats de l’évaluation de la phase pilote et de la disponibilité des fonds.