Vers une politique des capacités comme vecteur de transformation structurelle : la stratégie 2025–2029 du PNUD-RDC

15 mai 2025

Des femmes ingénieurs formées dans le cadre du Plan National d'Aménagement du territoire

Photo PNUD-RDC

La stratégie 2025–2029 de renforcement des capacités du PNUD en République démocratique du Congo (RDC) marque une inflexion profonde dans l’approche du développement institutionnel. Inspirée par l’approche des capabilités (Sen, Robeyns, Alkire), elle repose sur une théorie du changement ambitieuse : développer des institutions réflexives et souveraines en favorisant la montée en puissance des individus, des systèmes et des territoires à agir selon leurs propres priorités de transformation. Le PNUD s’y affirme comme catalyseur, architecte et champion de cette dynamique, grâce à l’appui stratégique de partenaires tels que la Suède – dont le financement flexible est un levier de réactivité – ainsi que de la Corée, du Canada, de la Belgique, des Pays-Bas, de l’Allemagne et de l’Union européenne, qui mobilisent des ressources budgétaires et extrabudgétaires.
 

A woman in a headwrap gestures while writing on a blackboard in a classroom setting.

La formation et renforcement des capacités des femmes au centre des projets communautaires

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Cette stratégie vise une souveraineté capacitaire durable, territorialisée et intégrée.
1.    Repositionner le renforcement des capacités : une rupture épistémologique
Le renforcement des capacités a longtemps été réduit à une réponse technicienne aux lacunes des agents publics. Ce paradigme fonctionnaliste, essentiellement descendante, échoue à construire des institutions véritablement autonomes, responsables et innovantes. En s’appuyant sur l’approche des capabilités (Sen), adaptée aux contextes institutionnels par Robeyns, Stewart et Alkire, le PNUD-RDC propose une lecture alternative : la capacité est une liberté substantielle d’agir, une possibilité de transformation, située dans un contexte politique, économique, humain et symbolique.
2.    La théorie du changement : de la compétence à la souveraineté capacitaire
La stratégie repose sur une hypothèse centrale : il ne peut y avoir de transformation institutionnelle durable sans la capacité des acteurs locaux – individus, structures et systèmes – à penser, conduire et incarner eux-mêmes le changement.
Autrement dit :
⦁ Si les capacités sont construites de manière participative, ancrées dans les fonctions réelles des institutions et articulées à des pratiques réflexives,
⦁ Et si ces capacités sont soutenues par un environnement institutionnel, politique et financier stable et responsabilisant,
⦁ Alors les institutions seront en mesure de produire de manière autonome des innovations structurelles, d’assurer la continuité de l’action publique, et d’exercer pleinement leur rôle au service du développement.
Cette théorie du changement articule ainsi trois niveaux :
⦁ La subjectivation des agents (renforcement individuel des compétences critiques) ;
⦁ La reconfiguration des pratiques (intégration dans les logiques de gestion, de redevabilité, de relecture des normes) ;
⦁ La consolidation des systèmes (réplication, gouvernance apprenante, souveraineté fonctionnelle).
 

Two men working with wood in a workshop, one using a saw and the other smiling nearby.

Des jeunes formés s'appliquent à l'artisanat et autres activités génératrices de revenu dans leurs milieux respectifs

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3.    Une élaboration fondée sur le dialogue stratégique et la co-construction avec les partenaires nationaux
L’une des singularités méthodologiques majeures de la stratégie 2025–2029 réside dans le processus interactif et collaboratif qui a présidé à sa formulation. Loin d’une approche descendante, le PNUD a engagé un dialogue stratégique étroit avec les partenaires de mise en œuvre, notamment les ministères, agences publiques, institutions d’État et structures déconcentrées, afin d’identifier les besoins réels, les goulots d’étranglement structurels, ainsi que les leviers d’impact durable.
Un accent particulier a été mis sur la concertation avec le SENAREC (Secrétariat National de Renforcement des Capacités), reconnu comme guichet unique de coordination du renforcement des capacités au sein de l’administration publique congolaise. Cette collaboration s’est traduite par :
⦁    La validation conjointe des axes prioritaires d’intervention ;
⦁    L’harmonisation des dispositifs avec la Stratégie nationale de renforcement des capacités de l’État ;
⦁    L’intégration des logiques territoriales, institutionnelles et sectorielles ;
⦁    La clarification des rôles entre acteurs publics et partenaires techniques.
 

Hands exchanging a banknote and a receipt in an outdoor setting.

Des partenaires des mutuelles de solidarité ont été formés à la gestion leurs caisses

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5. Une stratégie soutenue par un partenariat pluriel et agile
La mise en œuvre de cette stratégie repose sur une mobilisation innovante des ressources financières. Plusieurs partenaires ont apporté un appui déterminant :
⦁    La Suède, dont le financement flexible est un levier essentiel, permet au PNUD de répondre de manière agile et contextuelle aux besoins émergents, tout en soutenant les réformes de fond.
⦁    La Corée, le Canada, la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Union européenne, le CAFI, etc, apportent des contributions budgétaires et extrabudgétaires ciblées ou mutualisées, élargissant les marges de manœuvre pour développer des programmes structurants, territorialisés et adaptatifs.
Ces partenariats permettent de diversifier les modalités d’intervention, d’amplifier l’effet de levier et d’ancrer la stratégie dans une dynamique de soutenabilité systémique. Les ressources ainsi mobilisées ne servent pas à démultiplier des formations isolées, mais à structurer des écosystèmes capacitants : cohérents, stratifiés et résilients.
 

Group of uniformed army personnel and civilians posing together outside a building.

Les femmes de la Police Nationale Congolaise bénéficient des infrastructures appropriées pour leur formation

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5.    Domaines d’impact : figures de la transformation capacitaire 
a.  Gouvernance démocratique
⦁    Développement des capacités institutionnelles à assurer la redevabilité, la transparence et l’intégrité :
⦁    Renforcement des fonctions intermédiaires ;
⦁    Introduction d’outils d’audit social et d’indicateurs de performance publique ;
⦁    Appui à l’auto-évaluation des structures administratives.
b. Croissance inclusive et autonomisation 
⦁    Les capacités deviennent des leviers de transformation économique :
⦁    Formation à la planification locale inclusive ;
⦁    Budgétisation sensible au genre ;
⦁    Accompagnement de l’économie sociale et solidaire.
c. Transition écologique 
⦁    Développement de capacités à piloter localement les politiques climatiques :
⦁    Appropriation des normes ESS ;
⦁    Mise en œuvre de la finance verte ;
⦁    Territorialisation de l’adaptation.
d. Stabilisation et cohésion Capacités mobilisées pour prévenir les conflits et reconstruire la confiance :
⦁    Formation des relais communautaires à la médiation ;
⦁    Appui à la gouvernance du vivre-ensemble ;
⦁    Renforcement des réseaux OSC pour la paix.
e. Genre 
Le genre devient un axe d’intelligibilité des systèmes institutionnels :
⦁    Déconstruction des asymétries ;
⦁    Capacitation des femmes et des alliés institutionnels ;
⦁    Intégration transversale dans tous les modules.
 

Female police officers in uniforms and helmets march in a formation outdoors.

Des formations sont accordées aux femmes pour renforcer leur capacité au sein de la Police Nationale congolaise

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En somme, la stratégie 2025–2029 du PNUD-RDC ne vise pas seulement à transférer des compétences, mais à instaurer une souveraineté capacitaire : un modèle dans lequel les institutions sont capables de se projeter, de se transformer et de produire leur propre durabilité. Cette démarche s’inscrit dans une vision du développement comme autonomisation collective, fondée sur l’éthique du long terme, la confiance mutuelle et l’imagination institutionnelle.
Dans un environnement complexe, le PNUD continue d’incarner un partenaire stratégique, capable de faire converger les ressources, les savoirs et les volontés politiques pour bâtir des institutions fortes, ancrées dans les territoires, et ouvertes à l’innovation.
 

Texte: - François Elika, Spécialiste de Partenariat et Mobilisation des ressources
           - Aline Yuma, Analyste en Renforcement des capacités