Le changement climatique est sensible au genre. L'action climatique devrait l'être aussi

5 mars 2021

Au Liban, où l’accès à l'éducation est pourtant presque égal, seulement 23,5 % des femmes font partie de la population active, contre 70,9 % des hommes. Au Bhoutan, le travail ménager non rémunéré des femmes équivaut de 10 à 16 % du PIB. Et au Kenya, seuls 10 % des crédits agricoles sont accordés aux femmes, ce qui entraîne des écarts de rendement pouvant aller jusqu'à 20 à 30 % entre les entreprises agricoles suivant qu’elles sont gérées par des hommes ou par des femmes.

Des exemples comme ceux-ci nous montrent que le monde est loin d'avoir atteint l'égalité des sexes. Ces disparités expliquent également pourquoi le changement climatique ne touche pas toutes les personnes de la même manière.  

Les hommes et les femmes, les ménages et les communautés sont confrontés à des effets différents selon leur niveau de vulnérabilité, de préparation et de résilience aux risques climatiques. Les moyens de subsistance, le statut socio-économique, la situation géographique, la religion et le sexe d'une personne peuvent tous avoir une incidence sur sa vulnérabilité au changement climatique. Il est primordial que les pays comprennent ces impacts d’une perspective de genre qui tienne compte des rôles, des responsabilités et des capacités des femmes.

C'est pourquoi, dans le cadre du Programme d'appui aux Contributions déterminées au niveau national (CDN), le PNUD a travaillé en étroite collaboration avec les pays pour entreprendre des analyses de genre. Ces analyses peuvent améliorer notre compréhension des impacts différenciés du changement climatique sur les femmes et les hommes, identifier les acteurs clés et évaluer les politiques et stratégies en matière de genre et de climat aux niveaux national et sectoriel, et soutenir l'intégration du genre par le biais de leurs contributions nationales. Ces analyses peuvent servir de base aux pays pour explorer les dimensions de genre dans l'action climatique nationale et sectorielle, tout en identifiant les lacunes et les opportunités dans les structures de gouvernance institutionnelle, les cadres de planification et les priorités politiques.

Jusqu'à présent, nous avons soutenu des analyses de genre et la présentation des résumés correspondants au Ghana, à Trinidad-et-Tobago, au Kenya, en Ouganda, au Liban et au Bhoutan. De prochains résumés sont attendus au Chili, en Équateur, en Zambie, en Colombie et aux Philippines courant 2021.

Voici quatre façons dont l'analyse de genre contribue à renforcer l'action en faveur du climat :

1. Elle nous aide à comprendre les différents impacts du changement climatique selon le sexe. Dans de nombreux pays, les femmes dépendent des ressources naturelles pour leurs activités de reproduction et de production, ce qui souligne leur vulnérabilité face à l'incertitude climatique accrue. Leur rôle central dans la prestation de soins influence la capacité des femmes à accéder à des opportunités et les pousse plus souvent à prendre un travail informel. À Trinidad et Tobago, seulement 51 % des femmes participent au marché du travail formel, pour 73,7 % des hommes. Les femmes qui travaillent sur le marché du travail formel gagnent généralement moins que les hommes.

Il est important de comprendre ces nuances lors de l'élaboration de stratégies climatiques, car les mesures climatiques qui visent la création d'emplois peuvent également pallier les contraintes auxquelles les femmes sont confrontées pour obtenir un emploi formel et combler l'écart salarial entre les sexes.

2. Elle aide à identifier les acteurs et les capacités clés dans un pays. Pour mettre en œuvre efficacement l'action climatique, il faudra non seulement une coordination interministérielle, mais aussi des institutions bien équipées et maîtrisant les dimensions sensibles au genre du changement climatique. Lorsque nous dressons la carte des acteurs concernés, nous pouvons identifier les lacunes en matière de coordination ainsi que les opportunités, ce qui peut renforcer les mécanismes de gouvernance et, en fin de compte, soutenir une action climatique sensible au genre.

Au Kenya, notre analyse a révélé que même si le gouvernement s'est engagé à intégrer le changement climatique et le genre dans toutes ses institutions, une faible coordination et un manque d'harmonisation posent des problèmes d'intégration aux niveaux national et régional. Les analyses de genre peuvent fournir des recommandations pour renforcer les capacités des acteurs gouvernementaux, en particulier au niveau sous-national, et pour créer une plateforme de coordination en matière de genre et de climat, afin d'améliorer la mise en œuvre d'une action climatique sensible au genre.

3. Elle aide à évaluer les politiques et les stratégies. Pour que l'action climatique sensible au genre soit durable, des politiques et des stratégies de soutien sont également nécessaires. Une analyse de genre peut distinguer les politiques et stratégies de mise en œuvre associées favorables et inclusives relativement au changement transformationnel de genre de celles qui ne le sont pas. Au Liban, le Conseil national de la femme libanaise a travaillé en étroite collaboration avec le PNUD pour réaliser son analyse de genre. Leur analyse a montré que si la Stratégie nationale pour les femmes (2011-2021), qui constitue la feuille de route du Conseil pour promouvoir l'égalité des sexes au Liban, faisait référence au changement climatique, le Plan d'action du Conseil ne le faisait pas. Grâce à l'analyse de genre, le Conseil va maintenant intégrer le changement climatique dans son travail, le faisant passer de la stratégie à la réalité.

4. Elle peut contribuer à la prise en compte systématique du genre. Les analyses de genre préparent le terrain pour l'intégration des questions de genre, en particulier dans les secteurs qui ne sont pas traditionnellement associés aux femmes, comme les déchets, le transport et l'énergie. Au Ghana, l'analyse de genre a débouché sur un plan d'action national pour l'égalité des sexes et une « boîte à outils » pour l'intégration des questions de genre à l'usage des secteurs. Au Liban, le processus d'analyse de genre a influencé la création d'un guide pour intégrer une action climatique sensible au genre au niveau sectoriel. Au Bhoutan, l'analyse a révélé un manque de données ventilées par sexe. La collecte systématique de ces données sera cruciale pour soutenir l'intégration de la dimension de genre dans les efforts d'atténuation et d'adaptation au climat. Et en Ouganda, l'analyse de genre a souligné l'importance d'intégrer les actions du plan d'action national sur le climat et le genre dans les plans et budgets des gouvernements nationaux, sectoriels et locaux.

Les analyses de genre sont un outil puissant pour comprendre les dimensions de genre de l'action climatique. Les composantes d'une analyse de genre n'évaluent pas seulement la position d'un pays par rapport au lien entre le genre et le changement climatique, mais elles fournissent également de nombreux points d'entrée pour combler les lacunes et saisir les opportunités de renforcer l'action climatique sensible au genre.

Les pays qui entreprennent une analyse de genre intègrent davantage la dimension de genre dans les révisions des CDN, les plans de mise en œuvre des CDN et l'intégration sectorielle. Cela représente une avancée concrète sur la voie de l'égalité des sexes.

En savoir plus sur les analyses de genre dans la planification et la mise en œuvre des CDN (en anglais).

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Note de l'éditeur : Le programme de soutien aux CDN du PNUD est financé par l'Union européenne et les gouvernements allemand et espagnol au titre de la contribution au Partenariat pour les contributions déterminées au niveau national.