« Je suis fière d'avoir monté cette entreprise. »

Les entrepreneuses afghanes surmontent les obstacles et recherchent des investissements.

15 mai 2025
Women in traditional attire gather in a room, seated on the floor, with one woman standing.

Mozghan Mohamadi, mère de cinq enfants, est à la tête d'une entreprise de couture. Elle dirige le centre communautaire réhabilité par l'UE et le PNUD dans le village de Deh-Mirsad, district de Pashtun Zarghun, province d'Herat, en Afghanistan.

Photo : PNUD Afghanistan/Elise Blanchard

Lorsque le gouvernement afghan a interdit le métier d’esthéticienne aux femmes, Shirzoy, originaire de Qala-e-Naw, a perdu l’institut de beauté qui donnait du sens à sa vie. 

« Ça m'a brisé le cœur, je suis tombée en dépression, » s'émeut-elle.

Depuis la prise du pouvoir par les talibans en 2021, les contraintes imposées aux femmes sur le marché du travail les ont marginalisées et ont appauvri l'Afghanistan de 2 milliards de dollars de PIB, selon les estimations du PNUD. Le revenu des ménages par habitant a chuté de près de 50 %.

Avec un taux d'emploi des femmes de seulement 7 % en 2023 et des restrictions croissantes en matière de mobilité et d'emploi, les petites entreprises sont devenues l'une des rares alternatives viables pour 80 % des foyers avec des femmes à leur tête.

Solidarité, autonomisation et soutien

Les entreprises dirigées par des femmes sont des espaces de solidarité, d'autonomisation, de soutien émotionnel et de réseautage.

Grâce au soutien du PNUD, Shirzoy, qui subvient aux besoins de sa famille de sept personnes, a pu repartir de zéro. Elle dirige maintenant une petite entreprise d'artisanat qui fabrique entre autres des tapis tissés.

« Le fait de travailler avec d'autres femmes a amélioré mon bien-être mental. Nous avons même reçu des commandes internationales. Cela m'a donné de l’espoir et la force de recommencer à me débrouiller seule, » confie Shirzoy. 

A woman in a black hijab stands in a vibrant shop, surrounded by colorful tassels and decorations.

Grâce au soutien du PNUD, Shirzoy a pu repartir de zéro après avoir perdu son institut de beauté.

Photo : PNUD Afghanistan

En 2022, lorsque le PNUD a commencé à soutenir l'entrepreneuriat des femmes en Afghanistan, pour aider les structures existantes et favoriser la création de nouvelles entreprises, beaucoup ont trouvé cette démarche inhabituelle. Trois ans plus tard, 80 000 entreprises ont bénéficié de formation, de financements, d'accès à de nouveaux marchés, à l'énergie ou à la numérisation, ce qui a créé 400 000 emplois.

Pour de nombreuses femmes afghanes, pouvoir travailler et entretenir un lien social avec d'autres personnes en dehors de leur foyer change leur vie. Cela favorise la confiance, la guérison, l'indépendance et l'espoir.

Faire partie de la société

« Psychologiquement, c’est tellement important pour les femmes de faire partie de la société, » explique Shabita Omidwar, cheffe d'ARS Saffron, à Herat. Soutenu par une initiative du PNUD financée par l'Union européenne, Shabita a pu moderniser son équipement, embaucher 20 femmes et augmenter leurs salaires.

« Je suis fière d'avoir créé cette entreprise et de pouvoir offrir des emplois à d'autres femmes, » se félicite Shabita. « Comme elles gagnent leur propre revenu, elles n'ont pas à dépendre de quelqu'un, ou à mendier. »

A woman in a blue shawl arranges flowers between flags, displaying cultural pride.

Shabita Omidwar dirige l'ARS Saffron et a reçu une subvention du PNUD et de l'UE.

Photo : PNUD Afghanistan/Elise Blanchard
Women sorting saffron flowers in a well-lit room, some wearing black hijabs and one in blue.

Le soutien du PNUD et de l'UE aide ARS Saffron à étendre ses activités et à trouver de nouveaux marchés.

Photo : PNUD Afghanistan/Elise Blanchard

De nouvelles restrictions, comme la loi sur la moralité de 2024, ont considérablement compliqué les opérations. Mais un sondage réalisé par le PNUD auprès de plus de 600 entreprises dirigées par des femmes met en évidence une grande résilience face à l'adversité. Pour près de la moitié des femmes interrogées, la loi a compliqué leurs déplacements professionnels et a augmenté leurs coûts opérationnels, en exigeant des femmes qu'elles soient accompagnées par un mahram, un escorte masculine. Plus d'un quart des entreprises disent en outre avoir été confrontées à des codes vestimentaires stricts et à la ségrégation des sexes.

Face à ces difficultés croissantes, les femmes entrepreneurs ont de plus en plus de mal à obtenir des financements, mais elles persistent. Une majorité écrasante de 76 % d'entre elles ont déclaré avoir l'intention de poursuivre leurs activités, et seulement 6 % d'entre elles envisagent de fermer boutique.

De quoi les entreprises ont-elles besoin pour croître ? 

La première étape consiste à sortir du « piège micro ». Les cheffes d'entreprises ont en effet beaucoup de mal à obtenir des prêts bancaires et dépendent souvent de microcrédits ou de dettes pour financer leur activité. Nombre d'entre elles ne possèdent pas de garantie et les actifs ne sont souvent pas à leur nom. Elles manquent également de compétences en matière de finances, de marketing et de gestion.

A Qala-e-Naw, Susan tient un restaurant spécialisé dans les mantus et les ashaks (raviolis traditionnels afghans) et prend des commandes pour des mariages et des fêtes. Elle a essayé d'obtenir un prêt auprès d'une banque, mais au vu des conditions, elle n'a pas pu se le permettre.

A woman in a black hijab and mask sits in a brightly lit kitchen while two others prepare food.

Au vu de conditions très raides, Susan n'a pas pu se permettre de contracter un prêt bancaire pour son restaurant.

Photo : PNUD Afghanistan

« Je suis fière du chemin parcouru, mais l'un de mes principaux défis reste le manque de capitaux. L'un de mes rêves est d'ouvrir un restaurant à Herat City pour proposer de la cuisine aux personnes venues de l'étranger, » explique Susan. 

La plupart de ces entreprises, comme celle de Susan, sont basées à domicile. Aider ces entreprises à se développer peut aussi briser l’étau qui se resserre sur la santé mentale des femmes afghanes.

« Nous devons travailler librement »

Dans le district rural de Pashtun Zarghun, un centre communautaire pour femmes récemment réhabilité forme plus de 170 femmes à la couture, au tissage de tapis et à la broderie afin de leur permettre d'accéder à l'indépendance financière. 

« Pour beaucoup d'entre nous, c'est la première fois que nous avons un endroit où travailler librement. Ici, les femmes parlent, partagent leurs problèmes, rient ensemble. C'est thérapeutique. »
- Mozghan Mohamadi, directrice du centre, mère de 5 enfants
Several women in traditional attire sit together, one holding a baby, in a cozy indoor setting.

Les entreprises dirigées par des femmes sont des espaces de solidarité, d'autonomisation, de soutien émotionnel et de réseautage.

Photo : PNUD Afghanistan/Elise Blanchard

La demande dépasse la capacité d'accueil du centre, qui aurait besoin de plus de capital, de matériel et d'équipement. 
 

« Encore plus de femmes ici espèrent travailler, créer leur entreprise et gagner de l'argent pour pouvoir voler de leurs propres ailes », poursuit Mozghan.

L’aide aux entreprises plus importantes, dont beaucoup emploient déjà des centaines de femmes, est le second grand enjeu de l’entrepreneuriat féminin en Afghanistan. Le financement, les programmes de formation et les initiatives qui visent à améliorer l'accès au marché sont alors capitales. Les formations professionnelles peuvent permettre aux femmes et aux jeunes filles qui ont peu d'autres possibilités d'apprentissage d'acquérir des compétences pratiques. Les entreprises détenues par des femmes constituent quant à elles des plates-formes précieuses pour le tissage de réseaux et la résolution de problèmes.  

Hands gathered around a brightly colored design book on a patterned rug.
Photo : PNUD Afghanistan
A young girl in a headscarf reads a book, with classmates in the background.
Photo : PNUD Afghanistan

Question d’énergie

L'accès à l'énergie joue aussi un rôle essentiel. Dans un pays où l'électricité est chère et peu fiable, l'énergie photovoltaïque aide les femmes entrepreneurs à réduire leurs coûts et à augmenter leur productivité. Les entreprises peuvent rester ouvertes plus longtemps et offrir de meilleures conditions de travail, avec une ventilation et un chauffage plus performants.  

À Kaboul, Safe Path Prosperity produit des produits hygiéniques pour les femmes : un service vital dans un pays où plus de 90 % des femmes doivent faire sans. Grâce au soutien du gouvernement japonais, le PNUD a installé des panneaux solaires qui ont permis à cette entreprise d'étendre ses heures d'ouverture et de réduire ses coûts énergétiques.  

« Notre mission est simple mais transformatrice : créer des opportunités d'emploi dignes pour les femmes et les filles qui sont vulnérables, socialement et économiquement, en Afghanistan. Nous ne nous contentons pas de faire fonctionner des machines, nous montrons aux femmes et aux jeunes filles afghanes la voie de la résilience économique. »

- Arezo Osmani, cheffe d'équipe

L'un des aspects les plus difficiles du travail d'Osmani est de dire « non » aux femmes qui viennent chaque jour à la recherche d'un emploi, ce qui prouve l'énorme demande pour des emplois dignes et porteurs de sens.  

Le travail du PNUD auprès des entreprises dirigées par des femmes, avec le soutien de nos donateurs et de nos principaux partenaires, a eu un impact énorme à partir d'un apport financier relativement faible. Outre les centaines de milliers d'emplois immédiats qu'il a créés, il a amélioré les conditions de vie de près de 2,7 millions de personnes. Les femmes afghanes ne demandent pas l'aumône –  seulement une réelle chance de réussir.

Contre toute attente, ces entreprises génèrent des revenus, des emplois et créent des vies plus riches et plus épanouissantes pour les femmes et les filles. L'élargissement de l'accès au financement, l'obtention de garanties pour les prêts, l'offre de conditions préférentielles sur les marchés internationaux et la mise en place d'un soutien peuvent accompagner les entreprises dirigées par des femmes tout au long de leur trajectoire, afin de façonner un avenir plus prospère pour l'Afghanistan.