Par M. Jacques Assahoré Konan, Ministre de l’Environnement, du Développement Durable et de la Transition Écologique et Mme Blerta Cela, Représentante Résidente du PNUD en Côte d’Ivoire.
La Côte d’Ivoire se place à l’avant-garde du leadership climatique africain (Tribune)
3 décembre 2025
Côte d’Ivoire Bleue : un programme emblématique consistant à faire du littoral ivoirien un modèle mondial de croissance économique durable dans les années à venir.
Imaginez un pays où l’océan Atlantique rencontre des lagunes immenses, où les mangroves abritent des espèces rares et où les plages dorées s’étendent à perte de vue. Ce pays existe : c’est la Côte d’Ivoire. Avec des écosystèmes marins et lagunaires exceptionnels et un patrimoine naturel unique en Afrique de l’Ouest, ce pays est un joyau, pour la biodiversité et pour le développement économique.
Mais ce trésor est fragile, en cause : la surexploitation de la pêche, la pollution des lagunes, la destruction des mangroves et les impacts du changement climatique. Pourtant, ces défis peuvent se transformer en une opportunité historique pour redéfinir non seulement le destin de la Côte d’Ivoire, mais aussi du continent africain dans son ensemble.
Il y a quelques mois, dans une localité du centre du pays ayant perdu plus de 80 % de ses forêts naturelles durant les cinquante dernières années, de jeunes planteurs reboisaient des hectares de forêt dégradée. L’un d’eux confiait : « Avant, on partait chercher du travail ailleurs. Aujourd’hui, c’est la forêt qui nous fait vivre ». Cette scène illustre à elle seule la transformation à l’œuvre dans le pays : un modèle où la protection de l’environnement devient motrice de croissance, d’emploi et de stabilité sociale.
Lutter activement contre les changements climatiques
En octobre 2025, la Côte d’Ivoire a adopté la 3ème édition de ses Contributions Déterminées au niveau National (CDN 3.0), fruit d’un travail et d’un leadership collectif marquant son engagement renouvelé pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 33 % d’ici 2035, et jusqu’à 74 % avec l’appui international. Cette feuille de route établie par le Gouvernement et ses partenaires techniques et financiers – dont le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) - reflète la vision d’un pays qui croit que développement et durabilité ne s’opposent pas, mais se renforcent mutuellement.
Cette vision s’appuie sur des politiques concrètes : porter la part des énergies renouvelables à 46,3 % d’ici 2035, restaurer 1,5 million d’hectares de forêts et protéger la biodiversité, promouvoir une économie bleue et circulaire, en valorisant les ressources marines et les déchets, et inscrire l’égalité de genre au cœur de toute politique clima-tique.
Une approche intégrée qui fait de la Côte d’Ivoire un pays pionnier en Afrique de l’Ouest, capable de conjuguer croissance, inclusion et résilience.
Encourager une croissance économique durable
L'exemple emblématique de cette ambition est le programme Côte d’Ivoire Bleue. Il transpose la vision nationale inscrite dans le Plan national de développement 2026-2030 en action concrète. Son objectif consiste à faire du littoral ivoirien un modèle mondial de croissance économique durable.
Ainsi, Côte d’Ivoire Bleue contribuera à valoriser trois nouvelles Aires Marines Protégées, dont Grand-Béréby, une localité située sur la côte Sud-Ouest du pays, couvrant 30 % des zones marines sensibles d’ici 2035, sécurisant la pêche durable et préservant les écosystèmes. Il permettra aussi de restaurer des mangroves et forêts côtières : 5 000 hectares réhabilités pour absorber le carbone, protéger contre l’érosion et renforcer la résilience des communautés.
Les opportunités économiques sont réelles : avec des investissements stratégiques, l’économie bleue pourrait générer plus d’un milliard de dollars de revenus annuels supplémentaires d’ici 2035 et créer plus de 200 000 emplois directs et indirects dans les zones de littoral. Les filières agricoles durables, comme le café-cacao, contribuent déjà à 15 % du PIB et à 40 % des revenus d’exportation, et l’expansion de l’écotourisme et de l’économie circulaire promet un levier complémentaire pour le développement national.
Le financement innovant est au cœur de ce programme : obligations bleues, crédits carbone, partenariats public-privé, combinant ambition publique et engagement du secteur privé, avec un suivi rigoureux pour garantir un impact réel sur la biodiversité et les communautés locales. L’investissement envisagé s’élève à 378 millions USD.
Se positionner comme leader en Afrique
À la COP 30 de Belém, la délégation ivoirienne, représentée par le Ministre des Affaires Étrangères et de l’Environnement, du Développement Durable et de la Transition Écologique, a défendu une position forte : la transition écologique mondiale ne peut se faire sans l’Afrique ni la Côte d’Ivoire, alors même que les pays du continent, parmi les moins émetteurs, demeurent paradoxalement les plus vulnérables face aux impacts du dérèglement climatique.
Elle y a plaidé pour une reconfiguration stratégique des instruments de financement climatique, en érigeant le marché carbone et l’économie circulaire comme piliers d’une architecture plus inclusive, plus juste et plus efficace.
Dans cette vision, la transition verte n’apparait plus comme une contrainte, mais comme une opportunité stratégique pour moderniser les infrastructures nationales, créer des emplois pour la jeunesse et stimuler une nouvelle dynamique d’innovation.
Si la COP 30 n’a pas marqué un tournant décisif dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris, elle a néanmoins permis à la Côte d’Ivoire d’affirmer sa voix sur la scène climatique internationale. Elle a surtout consolidé une vision désormais assumée : faire du pays un phare de résilience, d’innovation et de prospérité partagée — un territoire où écotourisme et économie bleue sont capables d’améliorer concrètement la vie des communautés. Un territoire où chaque lagune, chaque mangrove et chaque écosystème devient une contribution tangible à un avenir durable, pour les peuples comme pour la planète.
Forte de plus de 25 années d'expérience, Mme Blerta Cela a consacré sa carrière à la gestion, à la conception et à la mise en œuvre de programmes de développement. Avant sa nomination en Côte d'Ivoire en 2024, elle a dirigé la Facilité Régionale de Stabilisation du PNUD à Dakar et a également servi au sein du PNUD à New York, au Bangladesh et en Ukraine, apportant son expertise à des contextes variés et souvent complexes.
M. Jacques Assahoré Konan est le Ministre de l’Environnement, du Développement durable et de la Transition écologique de la Côte d’Ivoire depuis fin 2023. Il pilote notamment des actions pour la protection des espaces naturels, la gestion des déchets et la lutte contre le changement climatique, comme la mise en place d’un marché carbone national, la lutte contre la pollution plastique et le renforcement de la conservation des parcs et lagunes.