Diffa numérise l’impôt local avec Naneye Yarda

La région orientale du Niger devient la première hors de la capitale à déployer une digitalisation intégrale de la fiscalité municipale, ciblant transparence, efficacité et développement local

26 décembre 2025
Group of people near a doorway; several wearing high-visibility vests, a man in a red beret.

Un collecteur de taxes reçoit un terminal de paiement électronique (TPE) de l'administrateur délégué pour la collecte des impôts à Diffa, Niger

PNUD Niger

La commune urbaine de Diffa a officiellement mis en service le 11 décembre 2025, Naneye Yarda  « Confiance » en haoussa ; un système numérique complet de recouvrement des taxes conçu pour transformer les pratiques manuelles de collecte des revenus, de service aux citoyens et de gestion des ressources publiques locales. 

Ce lancement marque un tournant pour la gouvernance municipale dans l'une des régions les plus stratégiques du Niger. Portée par les autorités locales, avec l'appui technique de l'Agence Nationale pour la Société de l'Information (ANSI) et l'accompagnement du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), cette initiative s'inscrit dans un mouvement plus large de digitalisation des finances publiques locales. 

À Diffa, région confrontée à des défis sécuritaires et économiques persistants, la réforme est présentée comme un levier de confiance, de transparence fiscale et de relance des services municipaux. 

 

Pourquoi la collecte manuelle ne fonctionne plus 

Pendant des années, Diffa, comme de nombreuses municipalités nigériennes a été confrontée à une fiscalité locale marquée par l’opacité et la fragmentation. Les fichiers de contribuables étaient incomplets, parfois obsolètes. Les procédures de collecte reposaient largement sur des circuits manuels, vulnérables aux erreurs, aux contestations et aux détournements. Les citoyens, eux, ne disposaient d’aucun moyen fiable de vérifier le montant dû ni de s’assurer que leurs paiements parvenaient effectivement aux caisses municipales. 

Les conséquences ont été concrètes : fuites de recettes, faible mobilisation des ressources internes et dégradation progressive de la qualité des services publics. Dans un contexte où les communes doivent financer l’éclairage public, la salubrité, les marchés, la voirie ou la sécurité, chaque franc non perçu se traduit par un service différé, voire inexistant. 

« Nous faisions face à d’énormes difficultés », reconnaît le Lieutenant-Colonel Abdou Halilou, administrateur délégué de la Commune urbaine de Diffa. 
« Nous n’avions pas de base de données fiable des contribuables, aucune traçabilité des opérations fiscales, et des processus manuels sujets aux détournements. La commune s’est engagée dans un processus de modernisation de son administration, désormais alignée sur les standards contemporains de gestion municipale. » 

La collecte numérique des taxes, introduite par Naneye Yarda répond à ces faiblesses structurelles. En automatisant le recensement, le calcul et le paiement, la commune cherche à rétablir l'équité fiscale, sécuriser les recettes et améliorer la redevabilité. Pour les autorités, la réforme est moins technologique que politique : elle vise à rendre l'impôt compréhensible et vérifiable, condition essentielle pour renforcer l'adhésion citoyenne. 

Photograph of four officials in traditional attire at a conference table with flags.

Lancement officiel de Naneye Yarda à Diffa le 11 décembre 2025

PNUD Niger

Naneye Yarda : un système, pas seulement un logiciel 

« Naneye Yarda » signifie « confiance » ou « transparence » en haoussa. Le choix du nom n’est pas symbolique : il traduit l’ambition centrale du dispositif, faire de la fiscalité locale un espace lisible, équitable et partagé. 

Contrairement à une simple application, Naneye Yarda est un système opérationnel complet couvrant l’ensemble du cycle fiscal. Le processus commence par un recensement numérique exhaustif des établissements taxables : boutiques, pharmacies, stations-service, restaurants. Des agents équipés de tablettes et d'outils de mesure laser géolocalisent, photographient et mesurent chaque lieu. Le système calcule ensuite automatiquement les taxes selon les barèmes légaux, éliminant la discrétion et l'erreur humaine. Des avis d’imposition sécurisés, intégrant des QR codes infalsifiables, sont générés et distribués de manière ciblée. 

Le paiement peut s’effectuer via des canaux modernes mobile money, cash transfert (Nita, Amana), virement ou chèque avec reçus instantanés. Les autorités municipales disposent de tableaux de bord permettant un suivi en temps réel du recouvrement, des taux de conformité et de la performance des agents. Toute la chaîne, du recensement à la confirmation de paiement, est enregistrée numériquement et auditable. 

« Le dispositif génère un impact significatif », souligne Ousmane Tari Bako, spécialiste de la prospective et du développement des usages numériques à l’ANSI. 
« Il sécurise les ressources publiques, améliore la relation de confiance entre l’administration et les citoyens, et modernise la gestion municipale. La commune urbaine de Diffa s’affirme désormais comme un pôle d’innovation territoriale. »  

Pour les contribuables, le changement est immédiat : plus d’ambiguïté sur les montants dus, plus de reçus perdus, plus d’interactions opaques. Le système uniformise les règles et réduit les tensions entre collecteurs et citoyens. 

 

Un engagement politique et administratif assumé 

La transformation numérique exige un leadership fédérateur et une volonté politique ferme. À Diffa, le déploiement de Naneye Yarda s’est appuyé sur un cadre juridique précis, notamment l’arrêté communal n° 22 CU/DA du 24 juillet 2025, instituant un comité dédié à la mise en œuvre et au suivi des projets de digitalisation. Ce comité rassemble services municipaux, chefs de secteur, opérateurs économiques, associations de commerçants et partenaires techniques. 

« Le succès de cette innovation dépendra de la collaboration de l’ensemble des acteurs », insiste le Lieutenant-Colonel Abdou Halilou, administrateur délégué de la Commune Urbaine de Diffa. 
« Équipes communales, commerçants, syndicats et citoyens doivent s’approprier l’outil. » 

Ousmane Tari Bako, représentant l’ANSI salue un choix politique fort : « Adopter des outils de traçabilité, c'est faire le choix courageux de la transparence. Cela renforce la confiance entre l'administration et les citoyens et sécurise durablement les ressources publiques. » 

Lors de la cérémonie de lancement, Kamil Kamaluddeen, Représentant résident du PNUD Niger, a replacé la réforme dans une perspective plus large : 
« Naneye Yarda n’est pas simplement une plateforme numérique. C’est un outil de transformation profonde de la gouvernance locale. Très concrètement, cela signifie des services municipaux mieux financés, des marchés mieux organisés, des rues mieux éclairées et, à terme, un environnement plus sûr et plus digne pour chaque habitant de Diffa. » 

Photo of a home office desk with two monitors, a keyboard, and printers.

Equipements administratifs du système de digitalisation Naneye Yarda à Diffa

PNUD Niger

Citoyens et collecteurs au cœur du changement 

L’adhésion communautaire constitue l’un des piliers du projet. À Diffa, commerçants et artisans ont été associés à des séances d’information détaillant les procédures, les modes de paiement et les voies de recours. Pour beaucoup, la simplification est tangible : un seul avis clair, un paiement traçable et la fin des négociations informelles. 

Du côté des agents municipaux, la transition est tout aussi structurante. 
« Avant, nous passions du temps à justifier des montants contestés », explique Issoufou, collecteur de taxes depuis dix ans. « Aujourd’hui, chaque opération est enregistrée, le système calcule automatiquement. Tout est visible. Cela nous protège autant que les contribuables. »  

 

Ce que l'expérience de Niamey enseigne 

Diffa ne s'aventure pas en terrain inconnu. Naneye Yarda a été lancé à Niamey en 2023, avec des résultats mesurables. Entre 2024 et 2025, la digitalisation a permis de mobiliser 1,6 milliard de FCFA, soit près du double des recettes précédentes sur un périmètre comparable. Au-delà des chiffres, la capitale a vu émerger une base de données fiscale fiable et une amélioration notable de la relation avec les contribuables. 

« Ces résultats montrent qu'une administration modernisée, plus traçable et moins exposée aux pertes, constitue un pilier de la confiance publique », a rappelé Kamil Kamaluddeen lors de la cérémonie. 

L’expérience a également mis en lumière des risques : résistances institutionnelles, communication insuffisante, formation inadéquate ou défaillances de connectivité. Diffa a intégré ces leçons. Les agents ont été soigneusement recrutés et formés. Les partenariats de paiement sont opérationnels. Les campagnes de communication sont déployées. L'infrastructure technique a été testée. 

Amadou Issoufou, agent de recouvrement récemment formé, résume le changement : 
« Au début, j’étais sceptique. Aujourd’hui, je vois que le système protège tout le monde. Personne ne peut m’accuser d’irrégularités. Et les citoyens savent que les règles sont les mêmes pour tous. 

Group of men, women, and children posing outside a beige building with arched doorway.

Photo de famille du Lancement officiel de Naneye Yarda

PNUD Niger

Vers une fiscalité locale durable 

Diffa vise une couverture territoriale de 100% des établissements taxables, la distribution de plus de 90% des avis d'imposition, et une précision des données dans une marge d'erreur inférieure à 5%. Les projections financières suggèrent une augmentation des recettes fiscales de 120%, avec une expansion de la base de contribuables de 60%. Le retour sur investissement est attendu dans les 18 mois. 

La réussite à long terme dépendra de l’ancrage institutionnel de la réforme : formation continue, capacités techniques locales et appropriation citoyenne. 
« La durabilité du système reposera sur son maintien actif par les services communaux et sur l’implication des jeunes de Diffa dans l’assistance technique et l’évolution de la plateforme », souligne Kamil Kamaluddeen. 

Si Diffa réussit, Naneye Yarda pourrait devenir un modèle de gouvernance fiscale locale au Niger : un exemple concret de la manière dont la technologie peut restaurer la confiance publique, financer les services essentiels et moderniser l’action municipale.  

Le PNUD a réaffirmé sa disponibilité pour étendre la solution à l'échelle nationale, dans un contexte où la mobilisation des ressources internes est devenue une priorité stratégique.