Une urgence silencieuse : lutter contre les épidémies en zone de conflit

19 août 2025
A worker stacks boxes while a colleague observes in a sunny outdoor setting.

Le PNUD et le Fonds mondial travaillent de concert pour reconstruire les systèmes de santé et rétablir l'accès aux soins à l'est de la République démocratique du Congo.

Photo : PNUD République démocratique du Congo

Dans les couloirs calmes du centre de santé Mapendo de Kiwanja, dans la province du Nord-Kivu située à l’est de la République démocratique du Congo (RDC), loin d’être tonitruante, l’urgence est murmurante. Les patients n’arrivent pas par vagues mais au compte-gouttes, à intervalle régulier. Ils portent dans leurs bras leurs enfants souffrant de fièvre, d’infections ou de douleurs, et l’inquiétude se lit sur leur visage. Dans cette région marquée par l’instabilité, l’accès aux soins est un défi quotidien.

A woman sits on a bed, holding a baby in a cozy room with wooden walls.

Stella Sifa tient son bébé de douze mois dans ses bras au centre de santé Mapendo de Kiwanja, au Nord-Kivu. À son retour dans son village après six mois de déplacement, elle a constaté que l'eau était devenue impropre à la consommation. Photo : PNUD/Eve Sabbagh

 

 

Cela fait deux jours que Stella Sifa s’est présentée au centre avec son bébé d’un an, affaibli par des vomissements et une diarrhée. Six mois plus tôt, elle était rentrée dans son village de Kako après une période de déplacement, espérant reconstruire sa vie comme beaucoup d’autres. Mais sans eau potable, les maladies se sont rapidement propagées.

 « On nous dit de faire bouillir l’eau, mais on ne trouve pas toujours de bois pour le feu. »

Les maladies se propagent, mais jusqu’où ? La surveillance épidémiologique est perturbée par les déplacements massifs de population, d’autant que les kits de dépistage se font rares, et que les menaces sanitaires émergent souvent sans être signalées à cause du conflit. 

Selon les données locales, les cas de rougeole et de variole simienne (mpox) et les cas suspectés de choléra sont en augmentation, alors que la couverture vaccinale reste inférieure à 60 % dans certaines zones de santé.

Le docteur Christian Bitwayiki, médecin-chef de la zone de santé correspondante de Rutshuru, témoigne :

 « Nous sommes confrontés à une multiplication d’épidémies : le VIH, la tuberculose, des suspicions de choléra, la mpox, la rougeole… Et nous manquons cruellement de ressources. Certains traitements antituberculeux sont épuisés, les enfants vivants avec le VIH ne reçoivent plus de soins et beaucoup de patients développent des infections opportunistes. »

Malgré tout, le personnel soignant poursuit son travail, avec une créativité, une compassion et un dévouement inébranlables.

À cette crise sanitaire s’ajoute une crise de la protection. 

Dans un coin isolé du centre de santé, une fillette de 8 ans suspend des draps en coton. Sa sœur aînée lave ses vêtements dans une bassine à côté d'elle, la surveillant de près.

Elle est atteinte de mpox, transmis par contact sexuel.

Le viol, utilisé comme arme de guerre, participe à la propagation d’infections et provoque des traumatismes. Malgré l’existence de quelques structures offrant une prise en charge médico-psychosociale, la réponse reste insuffisante, et l’impunité persiste.

Les ruptures d’approvisionnement en intrants et médicaments sont aggravées par l’insécurité dans tout l’est de la RDC, entre routes coupées, zones inaccessibles et attaques de groupes armés. Le pré-positionnement des stocks et l’utilisation de couloirs humanitaires sécurisés sont désormais des priorités.

À Goma, la capitale provinciale située à environ 70 km au sud de Kiwanja, des histoires similaires se répètent. François (nom d’emprunt) sillonnait autrefois les quartiers pour encourager les habitants à se faire dépister du VIH. 

« On me faisait confiance », raconte-t-il. « Les gens venaient. Ils voulaient connaître leur statut. »

A person with short, textured hair sits in an office, viewed from behind.

François (nom d’emprunt) est un patient séropositif qui fréquente le centre de soins de soutien Bwanya à Goma, dans le Nord-Kivu. Il mène également des actions de sensibilisation et de dépistage du VIH dans sa communauté à risque en attendant que les tests soient de nouveau disponibles.

Photo : PNUD/Eve Sabbagh

Aujourd’hui, les kits sont une denrée rare. Mais François continue de se mobiliser, répondant aux questions, écoutant, rassurant. « Certains me demandent : ‘Pourquoi se faire dépister s’il n’y a pas de traitement ?’ Je leur réponds qu’il faut se préparer au moment où les médicaments reviendront. On ne baisse pas les bras. »

Claudine (nom d’emprunt), également à Goma, incarne aussi cet espoir. Vivant avec le VIH depuis plus de dix ans, elle porte ce secret avec force et dignité. « Ma famille ne sait pas. Mes collègues non plus », confie-t-elle. « La stigmatisation est encore très forte. »

Jusqu’à récemment, son traitement lui permettait de rester en bonne santé. Mais, faute de médicaments, sa santé se détériore à nouveau. 

« Malgré tout, je dis aux gens : ‘Faites-vous dépister !’ Il faut garder espoir. Croire que demain sera meilleur. »

Close-up of a woman’s braided hair from the back, wearing a red plaid shirt.

Claudine (nom d’emprunt) vit avec le VIH depuis des années, mais personne autour d’elle ne le sait. Avec la pénurie de médicaments, elle sent son immunité décliner et tombe régulièrement malade. Elle craint pour sa vie.

Photo : PNUD/Eve Sabbagh

En juin, une avancée majeure a été réalisée avec l’appui du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (Fonds mondial) et en collaboration avec les autorités sanitaires, lorsque 23 tonnes de médicaments et de kits de dépistage ont pu être livrées dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Cette opération, rendue possible par une meilleure coordination logistique, a permis aux établissements de santé de reprendre les traitements vitaux et les services de prévention, redonnant ainsi espoir aux communautés.

Des agents de santé communautaires comme François et Claudine ont pu être réengagés, et les formations et les ressources renouvelées. Les établissements de santé tels que le centre Mapendo de Kiwanja recevront bientôt davantage de médicaments et de matériel. La coordination s’améliore, lentement mais sûrement.

A man in a white lab coat stands in a warehouse filled with stacked boxes.

Un agent de l’Association régionale d'approvisionnement en médicaments essentiels (ASRAMES) supervise le déchargement de fournitures médicales. Ce centre à Goma continue de fonctionner aussi régulièrement que possible malgré la crise qui frappe la ville et les provinces du Nord et du Sud-Kivu, mais les pénuries de médicaments et de tests augmentent les risques d’épidémies dans toute la région.

Photo : PNUD/Eve Sabbagh

Pour assurer la durabilité, le PNUD et ses partenaires travaillent sur :

  • Le renforcement des capacités locales en gestion des stocks et prévision des besoins.
  • La diversification des routes d’approvisionnement.
  • L’intégration de la réponse santé avec les secteurs de l’Eau, Assainissement et Hygiène pour tous (WASH) et de la protection.
  • La mise en place d’indicateurs de performance pour suivre la disponibilité des intrants.

 « Nous ne pouvons pas laisser ces personnes souffrir en silence », souligne le Dr Jean-Claude Wema, coordinateur du projet du Fonds mondial et du PNUD à Goma.

 « C’est non seulement une question de médicaments, mais aussi de dignité, de justice et d’une confiance à rétablir. »

Le PNUD et le Fonds mondial travaillent main dans la main avec les communautés, les agents de santé et les survivants dans l'est de la RDC pour reconstruire les systèmes de santé, rétablir l'accès aux soins et prévenir la prochaine crise avant qu'elle ne frappe.