La Kigwena est notre avenir !

13 juillet 2018

© PNUD Burundi/Aaron Nsavyimana/2018 - Fredaine vit à proximité de la réserve naturelle forestière de la Kigwena. Elle est Vice-présidente de l’association locale ODBM, « Œuvrer pour le bien être des ménages », dont l’objectif premier du projet est d’alléger le travail des femmes.

Par Aaron Nsavyimana

Alléger le travail des femmes

Rumonge – Fredaine Nyandwi est Vice-présidente de l’association locale ODBM, « Œuvrer pour le bien être des ménages » à Kigwena en province Rumonge, au sud du Burundi. Elle y anime un « Projet intégré pour la restauration des ressources naturelles de la réserve naturelle de la Kigwena », soutenu et financé conjointement par le PNUD et le Fonds pour l’environnement mondial (FEM). L’objectif premier du projet est d’alléger le travail des femmes qui ont la responsabilité de s’occuper du bien-être du ménage. « D’ailleurs, notre association est constituée majoritairement de femmes », constate Fredaine.

Comme le reste de sa communauté, Fredaine vit à proximité de la réserve naturelle forestière de la Kibira qui dispense ses largesses aux populations environnantes. Mais La consommation excessive de ses ressources naturelles (faune et flore) a conduit à son pillage systématique et la forêt est mise en danger.

« C’est en travaillant sur le projet de l’association que nous nous sommes rendu compte que nous étions en train de détruire notre vie et l’avenir de nos enfants. Le projet nous a sortis des ténèbres. Il est venu à point pour nous apprendre à exploiter raisonnablement les ressources de la Kigwena et à la préserver pour l’avenir.

Exploiter raisonnablement les ressources, préserver l'avenir

« Le projet nous a encadrés et conseillés dans la création de pépinières près de chez nous, afin d’élever de jeunes arbres que nous allons replanter dans nos propriétés afin de ne plus recourir à la forêt pour nos besoins en bois. La communauté a appris à mieux gérer les arbres qu’elle a plantés dans les champs pour produire le bois de chauffe. Nous n’abattons plus les arbres, comme autrefois, quand nos besoins en bois étaient grands. Aujourd’hui, nous coupons simplement leurs branches pour qu’ils continuent à grandir, et cela suffit à nos besoins de cuisson. De plus, nous avons réduit le recours effréné à la réserve forestière pour constituer nos fagots. Nous avons appris à préserver la ressource ».

« Nous remarquons aussi une prise de conscience de la population. Quand nous préparons les pépinières, les gens n’hésitent pas à nous confier leur terre pour planter des arbres. Très prochainement nous comptons préparer d’autres pépinières pour replanter les collines qui nous surplombent afin de les rhabiller ».

« Dans le même temps nous faisons face à une demande croissante en faveur des foyers améliorés. Une technique nouvelle qu’à l’association nous nous sommes réjouis de découvrir. Nos petits foyers traditionnels consommaient beaucoup de bois pour une faible efficacité. Et comme il incombe aux femmes de préparer les repas de la famille, il nous incombait aussi d’aller chercher le bois en forêt. Une tâche qui nous prenait beaucoup de notre temps, au détriment d’autres activités. Nous les femmes, nous tirons un grand avantage de ces foyers modernes. En effet, après avoir allumé le feu nous ne sommes plus obligées de rester à côté pour le surveiller. Nous pouvons partir vaquer aux travaux des champs et au retour on trouve le repas cuit à point. Il suffit juste de rajouter suffisamment d’eau pour éviter que la nourriture ne brûle.  Si je n’avais pas ce foyer, j’aurais dû garder un de mes enfants à la maison pour m’aider dans la recherche du bois et la cuisson de la nourriture. Au lieu de cela je peux tous les envoyer à l’école ».

« La fabrication de ces foyers modernes par les membres de l’association constitue également une source de revenus supplémentaire pour nos familles. Je maitrise désormais leur fabrication et je perçois 1000 FBU par foyer façonné. Ils constituent aussi une sorte de trait d’union avec nos voisins, surtout ceux dont les moyens sont très modestes, et qui bénéficient des services gratuits de façonnage des foyers ».

 « Dans le cadre des activités de l’association nous avons aussi appris à tracer des courbes de niveaux. Celles-ci nous permettent d’augmenter la rentabilité des champs, car le fumier répandu pour enrichir les sols n’est plus emporté par l’érosion et les sols sont désormais stabilisés. Nous observons également le retour de pluies abondantes parce que nous ne détruisons plus la forêt, même les lianes ont repoussé et étoffent la forêt. Les singes et les babouins ne sont plus perturbés par la présence des gens qui ramassent du bois dans la réserve. Ils ne sont plus dérangés par le bruit de la hache et de la scie qui coupent et mangent le bois. Ils ont retrouvé leur quiétude passée ».

« L’association nous a donné 200 ruches modernes. Les membres utilisent son miel, mélangé à du citron, pour guérir certaines maladies comme la toux et la grippe. Même nos voisins profitent de ses vertus médicamenteuses. Ils nous considèrent comme les promoteurs d’un changement favorable au développement et comme les protecteurs de leur environnement. Chacun voit en nous de véritables alliés de la nature et les riverains de la réserve nous craignent après que nous ayons attrapé trois récalcitrants que nous avons remis à la justice. Plus personne ne s’aventure désormais dans la réserve pour chasser ou couper du bois. Nous avons d’ailleurs placé les 200 ruches en bordure de la forêt pour marquer une ligne infranchissable ».

« Sur le plan personnel, l’association m’a permis de changer la vie de ma famille. Aujourd’hui je paie sans difficulté les frais scolaires, les uniformes, les soins de santé de mes six enfants. Je m’achète aujourd’hui des pagnes de bonne qualité que je n’aurais jamais pu porter auparavant. C’est en partie grâce à notre action, que la Kigwena est désormais protégée à plus de 95 %, et la population manifeste de plus en plus un grand engouement pour adhérer à l’association. Notre prochain grand projet est d’étendre nos activités à la forêt de Mangongo, non loin de Kigwena. Celle-ci est elle aussi menacée depuis que 500 ménages se sont récemment installés sur le site de Mayengo II. Notre association compte aussi se doter d’un moulin pour alléger le travail des femmes. Nous disons merci à nos partenaires ».