Solange Irankunda, mon prix, je le dois au PNUD

29 mars 2023
Solange Inarukundo devant son stand où elle vend le poisson

Solange Inarukundo devant son stand où elle vend le poisson

©UNDP Burundi/Aaron Nsavyimana, 2023

Par Aaron Nsavyimana

 

Commerçante frontalière de Gatumba (elle exerce le commerce entre le Burundi et la République démocratique du Congo – RDC), mariée et mère de deux enfants, Mme Solange Irankunda vient de décrocher un prix d’un million de francs burundais offert par l’Union Européenne, pour avoir présenté un projet viable et durable.  Solange affirme avoir reçu ce prix grâce à l’encadrement et formation dispensés par AFRABU à travers le projet « Relance des activités économiques », cofinancé par la Coopération Suisse et le PNUD Burundi. 

Mon prix, je le dois au PNUD, dit Solange. Cela grâce aux séances de sensibilisation et formation sur la découverte des opportunités économiques et culture entrepreneuriale.

Ces formations étaient adressées aux femmes exerçant le commerce frontalier de Gatumba (Ouest du Burundi), limitrophe de la RDC, en vue notamment de renforcer leur capacité de gestion et leur résilience aux catastrophes et aux chocs. Cela pour faire face aux effets pervers de la crise de la COVID-19 qui a laissé la majorité d’entre elles dans une pauvreté absolue. En effet, à la suite de la fermeture des frontières, elles se sont résignées à consommer leur capital. Si on avait bénéficié de ces formations avant COVID-19, beaucoup d’entre nous n’auraient pas connu le sort qu’elles ont subi, fait-elle remarquer. Avec son bagage actuel, Solange a pu écrire aisément son projet de commerce du poisson qu’elle a défendu sans faille devant un jury. Intitulé « Urudandazwa rwanje nibwo buzima bwanje, ce qui veut dire, mon commerce c’est ma vie », le projet développe particulièrement son expérience de 6 ans dans la vente du poisson et la formation suivie au projet relance économique qui lui a permis en quelques temps d’augmenter son capital passant de 100.000 Fbu à 300.000 FBU facilement.

Elle souligne également les difficultés souvent rencontrées, liées notamment au manque de matériel approprié pour le transport de poisson. En effet, parfois elle éprouve des problèmes de transport, car elle doit emprunter le transport en commun pour quitter Gatumba et arriver aux marchés comme Sange et Mulongwe de l’Est de la RDC. « Les gens ne me ménagent pas, ils me grondent tout au long du parcours et parfois j’ai 5 bassins de poisson. Les gens disent que ça pue, j’arrive au Congo frustrée. Tout cela par manque de cooler box qui permet un transport sécurisé du poisson, surtout le poisson frais qui risque de se détériorer », indique Solange.

En conclusion, elle a précisé qu’avec ce prix, elle va encadrer les autres membres de sa coopérative d’épargne et accroitre leur business. Elle a affirmé que si elle gagne par exemple 150. 000 FBU aujourd’hui, c’est sûr qu’elle aura au moins 400.000 FBU de bénéfice mensuel.  Elle a en outre ajouté qu’avec un peu de financement supplémentaire, elle peut développer sa coopérative, en associant les 25 membres qui la composent à l’achat d’un véhicule pour faciliter le transport de leurs marchandises. Elle rêve aussi d’ouvrir une grande poissonnerie en achetant le poisson sec qui vient notamment de Kirundo. En effet, en ouvrant ce point de vente de poisson sec aux portes de la RDC, elle gagnerait facilement les commerçants congolais qui s’approvisionnent, comme elle, à Bujumbura.

Revenant sur les avantages apportés par le projet, elle est fière d’avoir gagné beaucoup en numéraire et en estime familial.  Elle déclare, " Si je prends exemple sur moi-même, avant je vendais mais je n’avais pas de profit, parce que j’utilisais l’argent comme ça, sans penser ni à l’épargne ni à sa bonne gestion. Même au niveau du ménage, mon mari me respecte parce qu’aujourd’hui je contribue quelque chose à la vie familiale et je réalise des bénéfices. Avant, mon mari ne voyait pas le fruit de mon travail, le projet de relance économique nous a appris aussi comment nous comporter pour créer un climat de bonne entente dans nos ménages ". 

La conséquence directe de cette sensibilisation sur le changement de comportement fut l’embarquement de son mari dans le système d’épargne en vue de la construction d’une maison. Solange a ainsi pris la résolution de demander à son mari d’affecter tous ses revenus à l’acquisition du domicile familial au moment où elle, s’est assignée la mission, avec ses revenus, de couvrir les besoins familiaux, principalement la ration et d’épauler son mari pour l’achat du matériel de construction et le paiement de la main d’œuvre. « Actuellement, nous sommes très fiers d’avancer ensemble sur ce projet qui fera la fierté de nos enfants », renchérit Solange.

Comme elle a assimilé les enseignements sur comment gérer, épargner et dépenser moins qu’on gagne, Solange est prête à augmenter son capital en fructifiant le prix qu’elle vient d’avoir. Pour commencer, elle va acheter 2 cooler box pour pouvoir vendre le poisson frais au Congo. 

Pour pallier l’insuffisance de crédit, regrette-t-elle, les femmes commerçantes de Gatumba sont obligées de se tourner vers les particuliers qui prêtent l’argent à un taux journalier usuraire de 5%, soit un intérêt de 5000 FBU à verser à la fin de la journée pour un montant de 100.000 FBU prêté le matin.

Un autre problème auquel se heurtent les femmes commerçantes est la variation du cours de change entre le franc bu et le franc congolais.

Solange est néanmoins convaincue qu’en dépit de tous ces problèmes son avenir reste meilleur. « Dans les jours à venir, je serai patronne grâce au PNUD qui m’a appris comment épargner. Je vais commencer à commander les fournisseurs de poisson et mettre plus de mouvement dans les affaires », conclut-elle.

Soulignons que Solange est détentrice d’un diplôme de niveau A2 en informatique de maintenance obtenu en 2017.  A la sortie de l’école, elle a vite embrassé le métier de sa mère de commerce du poisson. Déjà étudiante elle vendait des fruits et légumes avant de se marier en 2018.