Nos voisins ne nous prennent plus pour des voleurs !

19 mai 2023

Jocelyne Inamahoro, une Mutwa qui a pu construire sa maison

©UNDP Burundi/Gakuba Landry, 2023

Aaron NSAVYIMANA

De l’ethnie Twa souvent marginalisée par certains Burundais, Inamahoro Jocelyne, 30 ans, mariée à Egide Niyonkuru, mère de 4 enfants, habite Bigina, commune Gitanga de la provine de Rutana. Bénéficaire du projet "Appui à l'autonomisation socio-économique des femmes au Burundi" financé par le PNUD, Jocelyne est membre du groupement "Gumakukivi" "Reste au travail". Le projet fait l'épargne et el crédit sous la supervision de IRC (International Rescue Comitee), exécutant les activités sur terrain et qui encadre les allocataires.

Jocelyne a été choisie parce que vulnérable et de l’ethnie Twa, un groupe social à besoins spécifiques. Le projet ayant dans ses objectifs le relèvement des conditions de vie des plus pauvres, des vulnérables de la société, y compris les rapatriés, les veuves, les Batwa et d’autres groupes à besoins spécifiques tels que les personnes vivant avec handicap et les albinos. 

C'est contre toute attente qu'elle s'est vue sélectionnée pour participer à la vie associative, une grande surprise mais aussi une source de joie et de fierté pour elle comme elle le témoigne.

Comment est-elle entrée au groupement ?

Ce fut un travail tripartite administration locale, CDFC (Centre de Développement Familiale et Communautaire) représentant le ministère du genre et IRC. Jocelyne se souvient : « Tout au début, les animateurs ont contacté les chefs de collines leur demandant de chercher les plus démunies de leurs administrées à aider. A leur tour, ils nous ont approché. Ils sont venus nous chercher chez-nous dans nos ménages et nous ont invité à participer aux réunions organisées. Au départ nous n’étions pas convaincues quand nous avons constaté qu’ils cherchaient les Batwa et autres vulnérables dont les veuves et les rapatriés », souligne Jocelyne. 

Tous les orateurs du jour ont convergé vers un même message, ils nous ont demandé ceci, « Est-ce si on vous donne des fonds pour entreprendre, allez-vous bien les utiliser ? ». Nous avons répondu oui, bien que nous n’étions pas très convaincues, confesse Jocelyne. Et d’ajouter, « Nous nous demandions ce que vont nous rapporter ces enseignements, si ce n’est pas des promesses de plus qui n’aboutiront pas, à y voir de près, nous étions dans notre monde, ils prêchent et nous nous faisions semblant de bien écouter en attendant qu’on voie du concret ».

Cependant, au fur à mesure que les réunions de sensibilisation étaient tenues, Jocelyne et ses amies commençaient à changer d’avis petit à petit. Le grand détonateur pour complètement monter au plus haut degré la confiance des bénéficiaires fut la distribution des téléphones mobiles en prélude au transfert monétaire qui a désormais changé drastiquement la vie de toute la famille de Jocelyne. « Après nous avoir donné des téléphones, nous avons commencé à avoir de l’argent. Nous, les familles de Batwa, nous étions particulièrement contentes car nous sommes souvent oubliées lors de la mise en œuvre des projets de développement communautaire », déclare Joselyne. « Avant, nous menions une mauvaise vie, nous vivions  dans l’ivresse sans penser au lendemain et à nos enfants », renchérit Jocelyne. Elle se réjouit également de la tactique adoptée par le projet visant la sensibilisation des maris afin qu’ils ne contraignent pas leurs épouses à mal utiliser l’argent qu’elles allaient bientôt recevoir. « Ils ont été sensibilisés et personne d’entre eux n’a été une entrave », souligne Jocelyne. 

Suite à cette sensibilisation, Jocelyne et son mari ont décidé de changer de comportement et de voir la vie autrement en arrêtant désormais ensemble les objectifs de développement familial. Le premier et grand objectif fixé fut de construire une maison décente. 

A la lumière d’autres bénéficiaires, Jocelyne a reçu un transfert de 120.000 FBU. Elle a directement entrepris l’élevage de porc qui a mis bas 6 porcins. Avec la vente de ces derniers, Jocelyne a vite entamé la fabrication de briques cuites pour se construire une maison solide à 220.000 FBU. Désormais crédible, elle est allée vers le groupement pour acquérir un crédit de 70.000 FBU nécessaires pour payer les maçons. Elle remercie l’administration communale qui, qui quand elle avait fini d’élever les murs, lui a octroyé les tôles sous forme de soutien. Aujourd’hui, il ne lui reste qu’à finaliser la fabrication de fermetures, portes et fenêtres pour vivre dans une maison décente.

Parallèlement, les bénéficiaires ont, pendant les séances de sensibilisation, appris des leçons sur l’hygiène vestimentaire et corporel, ainsi que la primordiale nécessité d’envoyer les enfants à l’école. « Nous avons acheté des habits pour nos enfants et nous les avons envoyés à l’école ; avant ils restaient à la maison à cause du manque d’habits présentables, tout le monde était en haillons. Non plus, les Batwa ne voyaient aucun intérêt de scolariser leurs enfants », précise Jocelyne.

Jocelyne indique que grâce au projet, il y a une éveille de conscience chez les Batwa qu’ils ne sont pas des citoyens de seconde zone. En les voyant participer aux initiatives d’autodéveloppement, l’entourage a changé la perception qu’il avait d’eux et ces derniers s’intègrent davantage dans la société. 

« Aujourd’hui, nous nous entendons avec les voisins. Ils n’hésitent pas à nous solliciter pour aller cultiver chez eux, moyennant un salaire qui nous permet de venir à bout de nos besoins. D’ailleurs avec la vente de la force de travail chez les voisins je rembourse facilement le crédit », dit-elle.

Et d’insister, « avant, ils ne nous prennent plus que pour des voleurs et c’est vrai car pour nourrir les enfants, ils nous arrivaient de volent dans les champs.  Aujourd’hui, j’ai dit adieu au vol ! », renchérit Jocelyne. 

Depuis que les Batwa ont intégré le groupement, l’évolution se remarque également du côté changement d’habitude de vie. « Maintenant nous cultivons et nos maris plantent les bananiers dans nos lopins de terres nous ne vivons plus de la poterie, nous vivons comme les autres Burundais », ajoute Jocelyne.

Jocelyne est fière de voir les voisins qui les sous-estimaient hier les envier pour les progrès atteints grâce aux opportunités rendu accessibles au travers des activités du projet et grâce à la participation à la vie associative.

Elle souligne que son objectif prochain est de devenir leader de sa zone. « Prochainement, j’entends mobiliser les Batwa comme moi et ceux des autres communautés pour adhérer au groupement pour que personne ne soit laissée de côté sur la route du développement. Grâce à l’épargne, je vais entreprendre le commerce de tomate et de la farine », ajoute-t-elle. 

Elle confie en outre qu’en plus d’inciter les Batwa à scolariser les enfants, le groupement les a sensibilisé pour recourir aux structures de santé modernes en lieu et place de recourir aux charlatans en cas de maladie. « Aujourd’hui, quand je constate qu’un enfant a une température élevée, je l’amène au centre de santé, et ça se passe bien, avant je recourrais aux sorciers », dit courageusement Jocelyne.

Quid, de la poterie ? « En Kirundi on dit que si tu laisses le métier, tu abandonnes les enfants ». Jocelyne témoigne qu’elle continue à fabriquer les pots et que leur vente l’aide à entretenir la famille pendant que lui et son mari cherchent l’argent ailleurs pour le remboursement du crédit.