Ma vie a changé, c’est comme si j’avais sauté une rivière, c’est un grand exploit !

23 mai 2023

Joselyne Kigeme, une femme bénéficiaire du projet d'autonomisation des femmes qui tient les cotisation des membres de son groupement

©UNDP Burundi/Aaron NSAVYIMANA 2022

Par Aaron NSAVYIMANA

Mère célibataire vivant avec sa mère inactive suite à la maladie et son fils d’environ 4 ans, Joselyne Kigeme, 21 ans, originaire de la colline Muhweza, sous colline Mutsindo, en commune de Buhiga de la province de Karusi vivait dans la pauvreté absolue avant l’arrivée du projet « Appui à l’autonomisation socio-économique des femmes au Burundi » financé par le PNUD. Elle et sa famille manquaient des moyens nécessaires pour se nourrir correctement et se vêtir. Non plus, faute de moyens, elle ne pouvait guère accéder aux soins de santé.   

A Karusi, l’exécution des activités du projet est mise en œuvre par International Rescue Comitee (IRC), un partenaire du PNUD sur le terrain.  IRC a monté le projet Terintambwe « Fait un pas » qui regroupe, en particulier, des femmes vulnérables dans des groupements d’épargne et crédit. Kigeme est depuis 2 ans membre du groupement Dukundane « Aimons-nous ». 

Choisie parce que vulnérable, aujourd’hui elle témoigne de la métamorphose de sa vie. 

« Ma vie a changé, c’est comme si j’avais sauté une rivière, c’est un grand exploit ! », s’exclame Jocelyne, aujourd’hui à l’abri du manque de la couverture de ses besoins fondamentaux. 

Elle témoigne : « Avant je menais une vie très compliquée. Je remercie du fond de mon cœur les personnes qui ont pensé à amener le projet ici chez nous à Karusi sur la colline Muhweza. Grâce au projet, j’exerce le commerce de la bière de banane et j’ai également entrepris la vente d’avocats et les deux commerces me permettent d’élever mon niveau de vie. Je ne suis plus considérée comme une pauvre ».

En effet, pour aider les femmes vulnérables à sortir de la pauvreté, le projet les a d’abord doté de téléphones mobiles afin de leur faciliter le transfert monétaire. C’est dans ce cadre que Jocelyne a bénéficié de 3 transferts de 40. 000 FBU chacun. 

« Cet argent m’a beaucoup aidé, j’ai acheté un porc. Le porc a donné 8 porcins, j’en ai vendu 6, à 35.000 FBU le porcin. Le septième, je l’ai donné au propriétaire du géniteur et le 8ème  nous l’avons gardé. Cet élevage nous aide beaucoup, ma mère, moi-même, et mon fils. Aujourd’hui, nous vivons comme les autres citoyens, nous ne sommes plus considérés parmi les plus pauvres de notre contrée", souligne Jocelyne. 

Elle et sa famille sont aussi soulagées pour avoir eu l’opportunité de s’acquitter d’un devoir culturel grâce à l’argent récolté de la vente des porcins. « Suite à la pauvreté, dit-elle, on n’arrivait pas à organiser la levée de deuil définitive de mon père, ce qui était mal vu par l’entourage. Avec une partie de l’argent issu de la vente des porcins, nous l’avons organisée sans souci, ce qui nous a permis d’être en harmonie avec les usages de notre société », se réjouit Jocelyne.

Jocelyne qui n’a jamais rêvé posséder un téléphone mobile l’a eu comme outil salvateur. « Je n’ai jamais pensé qu’un jour dans ma vie je pourrais posséder un téléphone portable. Je l’ai eu grâce au projet et il m’a aidé à changer mon destin que je voyais catastrophique. Je me voyais sans horizon, mais, depuis que le projet est là, j’ai un téléphone qui a complètement changé mon style de vie », précise-t-elle.

En effet, après la première tranche de 40.000 FBU, elle a contracté un crédit de 25.000 FBU ce qui lui a permis de commencer le commerce de la bière de banane.  Elle a également initié le commerce d’avocats avec un petit capital 4.000 FBU, qui lui permet de gagner facilement 3.000 FBU par semaine. Avec un bidon de bière de banane, elle manage un gain hebdomadaire 7.000 FBU, un revenu non négligeable pour une personne qui ne part de rien. « Ce gain tombe chaque semaine et avec cet argent, je parviens à acheter de l’huile, du savon et même un pagne. Avant d’entrer au groupement, je ne portais jamais de pagne même après avoir mis au monde mon enfant. Je mettais mon fils au dos et le couvrais avec un petit drap. Sans cet appui, ou pouvais-je trouver l’argent pour acheter le pagne alors que les autres besoins primaires n’étaient pas satisfaits ?», fait-elle remarquer. Elle souligne qu’avec ce revenu hebdomadaire, elle n’a pas de souci pour mettre de côté sous forme d’épargne 2.000 FBU par semaine ce qui augmente ses chances d’avoir un crédit consistant auprès du groupement. La majorité des membres de son groupement n’épargnent que les 500 FBU obligatoires au bout de chaque semaine.

Elle loue le travail des animateurs sur terrain. En plus qu’ils nous ont choisies car étant pauvres et vulnérables, ils nous suivent toujours, nous forment en entreprenariat, organisent des discussions de groupe pour que nous puissions échanger des idées de développement et nous disent chaque fois, « faites quelque chose pour que vous puissiez vous prendre en charge après le départ du projet ». Cela nous encourage énormément.

Elle est aussi fière d’être capable de pouvoir venir en aide aux autres. Elle a notamment prêté 50.000 FBU à sa sœur qui était dans un grand besoin et elle n’est pas pressée pour lui demander le remboursement. « Là, vous voyez que je commence à aider les autres, c’est que ma vie s’est beaucoup améliorée », renchérit Jocelyne avec un regard sourire sur le visage. 

Marie Thérèse Nzeyimana, mère de Jocelyne en tire également un grand profit grâce à l’élevage de sa fille pour améliorer la productivité agricole. Ainsi, poursuit Jocelyne, « Aujourd’hui, j’ai du fumier pour nos champs alors que je n’avais jamais pensé un instant de ma vie avoir un élevage. Ma mère y tire également un grand profit car le fumier en provenance de mon élevage permet d’augmenter la productivité de nos terres qui étaient avant stériles. Dans un avenir proche, je compte acheter un lopin de terre pour mon fils, commencer le commerce de lapins et de chèvres. Et si Dieu le veut, je vais ouvrir un magasin à Karusi ou à Buhiga » conclut Jocelyne.