Soyez inspiré.e.s, mais restez humbles !

La lutte contre le racisme, une mission centrale dans les programmes du PNUD

21 mars 2023

Le 21 mars marque la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale. Elle a été proclamée en 1966, six ans après que la police de Sharpeville, en Afrique du Sud, eut tué 69 personnes lors d'une manifestation pacifique contre les lois relatives aux laissez-passer de l'apartheid. Depuis lors, l'apartheid en Afrique du Sud a été démantelé et une série de normes internationales ont été adoptées pour réaffirmer que les droits de l'homme et les libertés fondamentales sont inhérents à tous les êtres humains, de manière égale.

Malgré les progrès réalisés dans la création de cadres interdisant la discrimination raciale et la mise en place de mécanismes de veille et de responsabilisation, le racisme est toujours répandu.

En tant que femme rom originaire d'une petite ville hongroise, Szekszárd, j'ai toujours su que j’étais privilégiée d’avoir des parents qui pouvaient m'offrir une bonne éducation et la possibilité d’aspirer à une vie meilleure. Cependant, lorsque j'ai été licenciée à l'âge de 21 ans, précisément en raison de mon origine rom, j'ai pris l'engagement à vie de résister et de m’opposer au racisme. À l'âge de 30 ans, j'ai été nommée Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les questions relatives aux minorités et, quelques années plus tard, je suis devenue membre et Rapporteure du Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale (CERD).

J'ai toujours été profondément troublée par l'examen des données désagrégées sur la pauvreté (lorsqu'elles existent) et des rapports sur l'exclusion politique, sociale et économique des groupes de population et par le fait que ce sont systématiquement les minorités, les peuples autochtones, les descendants d'Africains, les castes répertoriées et les autres groupes racialisés, et en particulier les femmes de ces communautés, qui se retrouvent au bas de ces statistiques, et ce depuis plusieurs décennies et de manière constante. 

La publication du PNUD intitulée "L’indice global de pauvreté multidimensionnelle 2021 : lever le voile sur les disparités selon l’appartenance ethnique, la caste et le genre" met en en lumière de nombreuses tendances similaires. Elle montre par exemple que dans sept des onze pays d'Amérique latine examinés, les groupes indigènes sont les plus pauvres ou que cinq personnes sur six en situation de pauvreté multidimensionnelle en Inde vivent dans des ménages dont le chef est issu d'une tribu répertoriée, d'une caste répertoriée ou d’autres classes défavorisées.

Dans le cadre du développement, l'objectif de développement durable 10.3 s'engage à assurer l'égalité des chances et à réduire les inégalités dans les résultats atteints, notamment par l’élimination des lois, politiques et pratiques discriminatoires et en promouvant des législations, des politiques et des actions appropriées à cet égard. Cependant, lorsque des populations sont laissées de plus en plus l’écart délibérément, il devient de plus en plus difficile de tenir notre promesse de ne laisser personne de côté.

Le racisme entrave les progrès dans tous les domaines où nous intervenons, de la prévention des conflits à la consolidation de la paix, des déplacements à l'accès à la justice, de la déforestation à la santé, de l'égalité des genres à la gouvernance. En ma qualité de Rapporteure spéciale, j'ai produit un rapport pour le Conseil des droits de l'homme intitulé "Assurer l’intégration des questions relatives aux minorités dans le programme de développement pour l’après‑2015", démontrant comment les personnes appartenant à des minorités étaient marginalisées. Dans ce rapport, j'ai analysé la situation des minorités pour les onze domaines des consultations mondiales réalisées à l’échelle mondiale sur la vision des peuples pour le programme de développement de l'après-2015. J'ai formulé des recommandations sur la manière de rendre les objectifs de développement durable (ODD) être plus inclusifs. Cependant, les minorités n'ont même pas été nommées et les ODD, les cibles et les indicateurs sont restés "étonnamment silencieux sur l'éradication du racisme systémique et de la discrimination raciale et ethnique qui constituent des obstacles mondiaux au développement humain et à la réalisation des droits de l'homme tout au long de la vie". 

 

"Le racisme entrave les progrès dans tous les domaines où nous intervenons, de la prévention des conflits à la consolidation de la paix, des déplacements à l'accès à la justice, de la déforestation à la santé, de l'égalité des genres à la gouvernance."

J'ai rejoint le PNUD en octobre 2022 en tant que Conseillère principale sur la lutte contre le racisme afin de contribuer à transformer le PNUD en une organisation véritablement antiraciste. Malgré les lacunes que présente le cadre des ODD, je suis fermement convaincue qu'il porte l'espoir et la promesse de changements et de progrès pour les groupes les plus marginalisés. De plus, le PNUD peut être fier des nombreuses initiatives menées pour renforcer les communautés racialisées. Nos évaluations indépendantes le prouvent. Nous avons protégé et promu les droits des minorités ethniques au Bangladesh et y avons renforcé les réseaux de jeunes autochtones et minoritaires. En Irak, le PNUD et ses partenaires ont renforcé les compétences et la résilience émotionnelle et ont contribué à la stabilité économique des minorités yazidies, chrétiennes et kurdes. Au Viêt Nam, nous avons travaillé avec nos partenaires pour garantir jusqu'à 90 % de la participation des minorités ethniques aux activités de sensibilisation juridique. En Bolivie, avec nos partenaires, nous avons mené des dialogues avec les peuples indigènes exclusivement et nous avons mis en place des laboratoires dans 23 communautés indigènes vulnérables avec succès.

Inspiré.e.s par ces initiatives prometteuses, nous devons rester humbles face à l'immensité de la tâche qui nous attend. Il n'existe pas de formule magique pour corriger les mentalités racistes, pour mettre fin au racisme aujourd'hui et parvenir demain à un monde égalitaire. Nous devrons adopter une approche progressive, commencer à élaborer des stratégies collectivement, des politiques et des réponses appropriées aux différents défis que le racisme nous pose. Soyons honnêtes : il peut y avoir des difficultés, en particulier à l’échelle des pays, lorsque nous mettons en évidence le racisme systémique, institutionnel et structurel et que nous proposons des solutions. Affronter et traiter le racisme est souvent politiquement sensible, source d’émotion au niveau des individus et fondamentalement difficile. C'est pourquoi nous avons tou.te.s le devoir, collectivement et sans équivoque, de reconnaître, nommer, aborder, questionner, investiguer, défier, affronter, corriger, punir et empêcher les manifestations du racisme autour de nous.

Cette année, nous célébrons le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH), adoptée le 10 décembre 1948. Les commémorations nous rappelleront que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits et que nous sommes "doués de raison et de conscience et [devons] agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité". En effet, la DUDH nous demande de défendre, uni.e.s, l'égalité des droits et les libertés fondamentales inhérents à tous les êtres humains, sans distinction de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. 

Mon rapport d'évaluation sur les efforts actuels du PNUD en matière de lutte contre le racisme dans les stratégies, les approches et les projets donne un aperçu de ce qui a été fait jusqu'à présent avec une série de recommandations sur ce que nous pouvons faire en plus. Rejoignez-moi dans ce voyage noble et stimulant pour mettre fin au racisme et aux discriminations raciales dans les programmes de développement. Ensemble, nous pouvons trouver et promouvoir des moyens novateurs et durables pour mettre fin à l'exclusion séculaire des communautés marginalisées et racialisées, pour leur apporter la promesse de progrès et l'espoir d'un avenir meilleur.