De Copenhague à Doha : ce que le 2e Sommet mondial pour le développement social représente pour l’Afrique
5 novembre 2025
UN Secretary-General speaking at the opening ceremony, Second World Summit for Social Development, Doha, Qatar.
Les dirigeants du monde entier se réunissent cette semaine à Doha pour le 2e Sommet mondial sur le développement social (WSSD2), trente ans après le premier sommet de Copenhague. Pour l’Afrique, cette rencontre n’est pas un simple moment commémoratif, mais une opportunité cruciale de mobiliser les partenaires autour d’un développement social durable, capable de résister aux transformations rapides du monde.
Pourquoi ce sommet est-il important pour l’Afrique ?
Au cours des trente dernières années, l’Afrique a enregistré des progrès notables : réduction de l’extrême pauvreté, expansion de l’éducation et amélioration des indicateurs de santé. Aujourd’hui, 31 pays africains sont considérés comme des pays à revenu intermédiaire (supérieur ou inférieur). Pourtant, le continent continue de faire face à des défis persistants : chocs climatiques, volatilité économique, chômage des jeunes et inégalités. La question n’est plus seulement de sortir les populations de la pauvreté, mais de garantir une prospérité durable, résiliente face aux crises. Cela exige un changement de paradigme dans les approches de développement.
Le 2e Sommet mondial sur le développement social constitue une plateforme pour que le PNUD et les dirigeants africains présentent une approche différente : un développement systémique, intégré et inclusif, plutôt que fragmenté ou réactif. Cette approche relie protection sociale, opportunités productives, gouvernance et financement au sein d’un ensemble cohérent.
Les enjeux à Doha
- Valoriser l’économie informelle
En Afrique, près de 85 % de la main-d’œuvre travaille dans le secteur informel : commerçants de marché, petits agriculteurs, artisans ou travailleurs indépendants. Ce secteur a longtemps été considéré comme vulnérable et en dehors de la planification économique formelle. Aujourd’hui, gouvernements et partenaires de développement reconnaissent que l’informalité peut être une source de productivité, d’innovation et de croissance. Des outils tels que les plateformes de paiement numérique, l’enregistrement simplifié des entreprises et l’accès au financement permettent aux entrepreneurs de développer leurs activités et de s’intégrer aux marchés régionaux. Grâce à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), le PNUD soutient les femmes entrepreneures pour accéder à de nouveaux marchés, construire des chaînes de valeur transfrontalières et bénéficier d’opportunités commerciales jusqu’ici inaccessibles. Des initiatives comme timbuktoo, le programme panafricain d’innovation et de soutien aux startups du PNUD, montrent comment un appui ciblé permet aux jeunes et aux femmes de passer de la survie à petite échelle à des entreprises à forte valeur ajoutée et évolutives, transformant l’informalité en fondation pour une prospérité durable. - Exploiter les ressources naturelles pour une prospérité partagée
L’Afrique détient 30 % des réserves minérales mondiales et 60 % de ses terres arables, mais cette richesse a historiquement profité à une minorité. Le défi aujourd’hui est de transformer ces ressources en opportunités sociales et économiques pour tous. En reliant les entreprises locales aux chaînes de valeur régionales et continentales via la ZLECAf, en investissant dans le développement des fournisseurs ou en promouvant les projets d’énergie verte, des pays comme le Ghana, la Namibie et le Mozambique tentent d’assurer que les communautés, et non seulement les entreprises, bénéficient de l’exploitation des ressources. La coopération régionale renforcée permet de mutualiser les compétences, d’harmoniser les standards et de créer des marchés plus larges et résilients. Une gestion inclusive des ressources naturelles génère non seulement des emplois et des compétences, mais aussi des recettes publiques réinvesties dans l’éducation, les infrastructures et les services sociaux, posant les bases d’une prospérité partagée et durable. - Financement et gouvernance
Face à la pression sur les budgets publics, les pays africains innovent pour créer des solutions de financement intégrées et durables. Le travail du PNUD sur les notations de crédit aide plus de 30 gouvernements africains (dont de nombreux pays à revenu intermédiaire) à renforcer leur crédibilité fiscale et à accéder à un financement abordable et durable pour des investissements à long terme. Les cadres nationaux de financement intégrés combinent recettes publiques, investissement privé et fonds climatiques pour soutenir des priorités de développement coordonnées. Des instruments communautaires, comme les Awqaf, mobilisent des capitaux locaux pour des projets sociaux tels que écoles, cliniques et initiatives entrepreneuriales. Mais le financement seul ne suffit pas : une gouvernance solide garantit que les ressources atteignent les bénéficiaires. Planification participative, dépenses transparentes et mécanismes de reddition de comptes renforcent la confiance et rendent les systèmes de développement social efficaces et crédibles. - Protéger les populations en temps de crise
La vulnérabilité de l’Afrique aux chocs climatiques, aux fluctuations des prix et aux déplacements rend la protection sociale adaptative essentielle. Les pays exploitent de plus en plus la technologie et l’intelligence artificielle (IA) pour anticiper les risques et agir rapidement. Au Kenya et en Éthiopie, des systèmes d’alerte précoce pilotés par l’IA analysent les conditions météorologiques, les données de marché et les images satellites pour déclencher un soutien avant la survenue des crises. Les plateformes mobiles et les systèmes d’identification numérique garantissent que l’aide parvienne rapidement et de manière transparente aux bonnes personnes. En liant protection sociale, formation et chaînes de valeur locales, les pays transforment l’aide temporaire en autonomisation durable : les foyers reçoivent le soutien nécessaire tout en acquérant les outils pour renforcer leurs moyens de subsistance, augmentant ainsi leur résilience et réduisant le risque de retomber dans la pauvreté.
Les implications plus larges
L’Afrique est le continent le plus jeune du monde, avec plus de 400 millions de jeunes prêts à façonner l’innovation, l’emploi et les marchés mondiaux. La manière dont les systèmes de développement social seront conçus aujourd’hui déterminera si ces jeunes deviennent des moteurs de croissance ou font face à des opportunités limitées. Le Sommet de Doha offre une tribune mondiale pour montrer que la prospérité peut être construite, et non simplement espérée.
Les enjeux sont clairs : si protection sociale, productivité, gouvernance et financement restent fragmentés, les progrès demeureront fragiles. Mais s’ils sont intégrés, l’Afrique peut démontrer un modèle de prospérité résiliente, inclusive et durable, dont d’autres régions pourraient s’inspirer.
À Doha, l’Afrique ne cherche pas seulement du soutien : elle propose des solutions. Le message est simple : il faut bâtir la prospérité comme un système, et grâce à une collaboration renforcée, nous pouvons créer des sociétés inclusives et résilientes où les populations ne se contentent plus de sortir de la pauvreté, mais y restent durablement au-dessus.