Le PNUD appuie la redynamisation des commissions foncières pour contribuer à une gestion apaisée et durable du foncier agricole

19 décembre 2022
Cofo Mali

Assemblée générale d'information et de sensibilisation des communautés sur les Cofos et les textes régissant le foncier agropastoral dans le village de Kerepelé, Nioro du Sahel, 2022.

© AZHAR

Au Mali, l’exploitation des ressources naturelles a toujours entrainé des conflits entre les acteurs des systèmes de production. Alors que l’économie rurale et la stabilité sociale reposent en grande partie sur les activités productives rurales, les difficultés de cohabitation entre les acteurs des systèmes de production constituent de plus en plus une menace à la cohésion sociale et à la paix. La gestion du foncier agricole s’est en outre toujours butée à la dualité entre le droit positif et le droit coutumier dans un contexte de forte compétition. Bien que récurrente, cette conflictualité s’est amplifiée avec l’extension de la crise sécuritaire dans les régions du centre du Mali avec la réduction de l’autorité de l’État et la crise de confiance entre les communautés, les légitimités traditionnelles et les mécanismes de prévention et de gestion des conflits fonciers.

Eu égard à cette situation et en vue de contribuer à une gestion apaisée et durable du foncier agricole, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), ONU Femmes et la section Affaires Civiles de la MINUSMA ont décidé d’appuyer - dans le cadre du Programme d’Appui à la Stabilisation du Mali à travers le renforcement de l’État de droit (PROSMED) financé par l’Ambassade du Pays Bas et le Fonds pour la Consolidation de la Paix (PBF) - la redynamisation du fonctionnement des commissions foncières (Cofo) communales, villageoises et de fractions en partenariat avec les ONG AMEDD et AZHAR et sous l’égide du Secrétariat Permanant chargé de piloter la Loi d’Orientation Agricole[1].

Les Cofos sont des institutions créées par la Loi d’Orientation Agricole[2] dans la perspective d’une meilleure régulation du foncier agricole. Elles comptent parmi leurs attributions celle de procéder à la conciliation des parties à un litige foncier agricole, préalablement à la saisine des juridictions compétentes. Elles sont composées de représentants des autorités traditionnelles et coutumières mais aussi des femmes et des jeunes.

Mise en œuvre d’octobre 2020 à mars 2021, le première phase d’appuis du PROSMED a permis de renforcer les capacités techniques, matérielles et organisationnelles des membres de 335 Cofos communales, villageoises et de fractions dans les régions de Bandiagara, Douentza, Gao, Ménaka, Mopti, San et Ségou. 3 954 membres de ces Cofos ont été formés sur leurs rôles et responsabilités conformément aux dispositions des textes qui régissent le mandat des Cofos, mais aussi sur les outils spécifiques de transaction et de gestion du foncier agricole au Mali. En aval, le projet a sensibilisé 928 329 personnes sur les mécanismes formels et informels de gestion des conflits avec focus sur les Cofos, et la complémentarité entre les activités des Cofos et la justice classique en matière de gouvernance foncière au Mali.

Cette première phase d’appuis a permis aux communautés de résoudre de nombreux conflits latents. M. Mahamane Sissoko, 1er Adjoint au Maire et membre de la Cofo communale de Kokry (Cercle de Macina, région de Ségou) a affirmé qu’« avant l’arrivée du projet, la mairie enregistrait au minimum dix conflits par mois liés aux fonciers particulièrement entre les producteurs et les éleveurs. Mais aujourd’hui, grâce aux actions du projet, les commissions foncières ont été mise en place et renforcées et la mairie reçois seulement les copies des Procès-Verbaux (PV) de conciliation pour information. Aujourd’hui dans notre commune la stabilité sociale est revenue grâce au mécanisme de gestion des conflits à travers les Cofos. Aujourd’hui tous les conflits fonciers sont gérés au niveau des villages par les Cofos. La justice classique existe toujours et à travers le mécanisme d’homologation elle donne valeur juridique à la décision prise par la Cofo. On a aussi constaté que le juge qui a la charge du cercle de Macina rejette les dossiers des plaintes directes à l’absence de l’avis des Cofos ».

Les activités de plaidoyer pour la prise en compte du droit des femmes dans la gestion des espaces et ressources naturelles réalisées dans le cadre du POSMED, ont en outre permis d’intégrer 1 117 femmes et 761 jeunes dans les Cofos communales, villageoises et de fractions des localités cibles et ont porté à une augmentation de 12% de l’accès des femmes à la terre dans certaines zones couvertes par le projet.

Mme. Mata Koné, productrice et membre de la Cofo de Sébougou (Région de Ségou) souligne que, « aujourd’hui grâce aux actions du projet du PNUD nous pouvons dire qu’il y a l’inclusion et la participation des femmes dans les instances décisionnelles foncières dans les familles. Ce n’est plus comme avant. Auparavant, les femmes ne pouvaient même pas aborder les questions foncières. Maintenant, les autorités coutumières et villageoises sont conscientes de la prise en compte de notre avis dans la gestion du foncier agricole. Je suis très satisfaite parce qu’en plus de l’accès sécurisé aux terres agricoles, les femmes rurales sont impliquées et participent maintenant dans la prise des décisions, dans la gestion foncière dans notre commune. Les actions de formation de mes membres sur les processus d’octroi des terres sécurisées à travers les Cofos, les plaidoyers et l’aménagement des espaces agricoles au profit de certaines membres de mon groupement ont permis à plus 100 femmes membres d’être propriétaires de leur espace qu’elles utilisaient depuis quelques années. Aujourd’hui j’ai 0.25 ha hectare à mon nom propre que j’exploite sur les 12 mois de l’année pour couvrir mes besoins personnels et ceux de ma famille ».

Le PROSMED a démarré en juillet 2021 une deuxième phase d’appui qui va permettre de redynamiser 341 commission foncières additionnelles dans les régions de Kayes, Nioro, Nara, Koutiala, Segou, San, Mopti, Bandiagara, Douentza, Gao et Ansongo.

 

[1] Loi N°06-045 du 05 Septembre 2006 portant Loi d’Orientation Agricole.

[2] Les Cofos trouvent leur fondement juridique dans plusieurs instruments législatifs et réglementaires dont le code domanial et foncier, la LOA, le Décret de 2009 déterminant les attributions des Cofo communales et locales, la Loi du 11 avril 2017 portant sur le foncier agricole et le Décret de 2018 relatif aux Cofo villageoises et de fractions.

Assemblée generale d'information dans le village de Fabou, commune de Bema, Cercle de Diema, région de Kayes, 2022.

© AZHAR

Journée de sensibilisation et d'information des communautés du village de Guemou, commune Diema sur les textes et lois régissant le foncier agropastoral, 2022.

© AZHAR

Mahamane Sissoko, 1er adjoint au maire de la commune de Kokry, cercle de Macina lors de l’atelier de plaidoyer sur l'accès sécurisé des femmes et des jeunes au foncier Agricole, 2021.

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Mme. Mata Koné, productrice, membre de la Cofo villageoise de Sébougou.

© AMEDD