Les « bébés noirs » au Congo Brazzaville : et si l’on abordait le problème autrement ?

28 décembre 2021

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L’Afrique centrale, à l’exemple du continent entier, est une sous-région jeune où l’âge médian ne dépasse pas 18 ans. Cette jeunesse d’Afrique centrale, plutôt que de constituer un handicap, devrait être considérée comme une opportunité pour le développement Socio-économique des pays respectifs, gage d’une paix durable.  La résolution 2250 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies considère « que les jeunes devraient prendre une part active à l’instauration d’une paix durable et œuvrer à la justice et à la réconciliation, et que l’importance démographique de la jeunesse actuelle est un atout qui peut contribuer à instaurer durablement la paix et la prospérité économique… ». Malheureusement, les jeunes des grandes agglomérations africaines servent de cibles/viviers pour promouvoir et susciter l’extrémisme violent, lequel conduit parfois à l’accroissement des conflits et à l’exacerbation de la délinquance juvénile dans les villes et régions. Ils alimentent ainsi l’insécurité déjà existante et ralentissent le développement socio-économique des pays affectés.

Parmi ces nouvelles formes émergentes de délinquance juvénile, le phénomène des « bébés noirs », apparu à Brazzaville depuis quelques années, est devenu un fléau manifeste en République du Congo. Les ‘bébés noirs’ sont généralement des jeunes âgés de 13 à 25 ans, le plus souvent désœuvrés et déscolarisés, munis d’armes blanches, commettant pillages, viols, assassinats et agressions contre les populations. Les violences et exactions commises par ces bébés noirs provoquent diverses réactions des populaires. Dans certains quartiers, les populations ont constitué des milices d’autodéfense et d’autres initiatives à travers des associations de quartier. Les autorités congolaises sont régulièrement accusées par divers observateurs de rester passives face à la recrudescence de ce phénomène. Plusieurs diagnostics et études scientifiques ont été menées antérieurement par différents acteurs locaux et ont abouti à la formulation de diverses approches pour la lutte et l’éradication de ce phénomène. Cependant, ces initiatives n’ont pu développer des mécanismes intégrés de suivi ou une stratégie véritablement adaptée aux enjeux de cette nouvelle forme de délinquance.

Et si l’on abordait ce problème autrement ?

Et si l’on se référait aux faits historiques, pour remonter à la source de ce fléau e afin d’identifier les causes réelles à la base du phénomène des ‘bébés noirs’. A ce jour, seules les approches de solutions correctives ont été appliquées pour traiter la délinquance juvénile et répondre aux questions de sécurité urbaine, sans pour autant penser à prévenir le phénomène en remontant à ses causes réelles.

Et si l’on se référait aux solutions préventives efficaces déjà existantes ?

Aujourd’hui, la réalisation d’une enquête exploratoire représenterait une solution plus que nécessaire pour juguler cette hémorragie à sa source. Cette approche pourrait s’appuyer sur l’analyse des profils socio-économiques des ménages et/ou familles d’origine de ces jeunes auteurs de violence pour comprendre les causes concourant à l’exacerbation de ce phénomène et à sa propagation sur l’ensemble de la ville de Brazzaville voire de l’ensemble des grandes villes du Congo. Par ailleurs, ce type de projet d’enquête viserait la promotion d’une cohésion sociale stable et l’instauration d’un environnement favorable à l’implication de tous les acteurs impliqués dans la prévention et les réponses à l’insécurité relatives à ce fléau juvénile urbain. Ce projet promeut un modèle holistique innovant qui aborderait les niveaux institutionnel, communautaire et individuel pour mobiliser et responsabiliser les institutions, structures, communautés et individus à promouvoir des solutions solidaires durables. Il s’agira aussi de faire un diagnostic des parties prenantes clés engagées dans ce défi, d’analyser leurs capacités opérationnelles, et d’analyser les rôles des différentes institutions et communautés, leurs connaissances, attitudes et pratiques vis-à-vis des violences perpétrées par ces jeunes délinquants, afin d’envisager un renforcement de leurs capacités en lien avec la résolution de ce phénomène.  

Que pouvons-nous faire dans l’immédiat ?

En addition à toutes les activités et initiatives permettant de continuellement mettre à jour et informer sur l'ampleur de la violence, de la délinquance juvénile et de l’insécurité engendrées par ce phénomène des ‘bébés noirs’, l’étape immédiate consistera à la formalisation d’un partenariat interacteurs, en particulier ceux engagés pour les questions de jeunesse. L’objectif premier de ce partenariat sera de tirer les leçons des expériences antérieurs en matière de lutte contre cette forme de délinquance juvénile et s’inspirer des bonnes pratiques sociales et éducatives éprouvées, tant au niveau national, qu’international, en faveur de la jeunesse pour éviter qu’elle ne tombe dans la délinquance. Il s’agira ensuite de recueillir d’autres informations contextuelles pour harmoniser la compréhension du problème et s’accorder sur les points essentiels de la stratégie à développer en vue de garantir l’atteinte des résultats escomptés.

Ce problème n’est pas insoluble.

Par Arold Akpwabot,  Responsable Exploration, Accelerator LAb PNUD Congo