Économie bleue: Ambitions et défis révélés à la Conférence de Nice
15 août 2025
La troisième Conférence des Nations Unies sur l’Océan, qui s’est tenue à Nice du 9 au 14 juin 2025, a offert à l’Union des Comores une tribune stratégique pour défendre ses intérêts maritimes et promouvoir une économie bleue durable. Petit État insulaire en développement (PEID), l’archipel ne compte que 2 236 km² de terres émergées mais bénéficie d’une vaste zone économique exclusive de plus de 160 000 km² – une richesse maritime soixante-dix fois supérieure à sa superficie terrestre. Pour marquer la présence comorienne à cet événement, Salim Abdallah Youssouf, économiste national du PNUD, avait publié un blog dédié aux perspectives de l’économie bleue du pays, soulignant l’urgence de transformer ce potentiel maritime en moteur de croissance inclusive et résiliente.
Aux côtés du gouvernement comorien, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) avait accompagné la réflexion stratégique sur l’économie bleue. L’objectif était de convertir ce potentiel maritime en moteur de croissance durable et inclusive.
Parmi les secteurs identifiés, l’aquaculture, quasi inexistante jusqu’ici, pourrait générer plusieurs millions de dollars par an si des projets pilotes voyaient le jour. Quant au tourisme côtier, il ne représentait alors que 2 % des recettes du tertiaire, malgré les atouts naturels exceptionnels de l’archipel : récifs coralliens, plages volcaniques et dauphins.
Les mangroves (1 200 ha), herbiers marins et récifs coralliens jouent un rôle écologique important : ils protègent le littoral, stockent du carbone bleu et soutiennent la subsistance de plus de 20 000 ménages. « Chaque hectare de mangrove stocke jusqu’à 1 000 tonnes de CO₂, soit dix fois plus qu’une forêt tropicale », rappelait Salim Abdallah Youssouf, économiste national du PNUD.
Pourtant, ces zones avaient déjà perdu 15 % de leur surface en vingt ans sous l’effet de la pollution, du défrichement et de l’extraction anarchique de sable. Sans action, 30 % du littoral risquaient d’être touchés par l’érosion d’ici 2050.
Selon M. Salim, moins de 1 % du budget national était alors consacré à la mer. L’absence de stratégie cohérente, le manque d’infrastructures portuaires et de financements adaptés pour les pêcheurs, un cadre fiscal peu incitatif et des données scientifiques insuffisantes constituaient autant d’obstacles. « Sans gouvernance maritime solide ni planification spatiale, la ressource se disperse et les financements bleus nous échappent », avait-il averti.
Pour surmonter ces défis, l’économiste avait proposé six priorités d’action. Il recommandait en premier lieu d’élaborer une stratégie nationale intégrée pour l’économie bleue, assortie d’un plan de financement sur dix ans. Il soulignait également la nécessité de créer des pôles de transformation halieutique et des fermes aquacoles pilotes afin de retenir la valeur ajoutée localement et de dynamiser l’emploi. La mise en place d’une planification spatiale maritime et l’extension des aires marines protégées figuraient aussi parmi les leviers essentiels pour une gestion durable des espaces côtiers. L’économiste plaidait par ailleurs pour la création d’un fonds d’investissement bleu, mobilisant à la fois des capitaux publics et privés, ainsi que pour le renforcement de la recherche océanographique et des capacités statistiques, indispensables à la valorisation du capital naturel. Enfin, il insistait sur l’importance de développer la coopération régionale, notamment pour la surveillance des eaux et la lutte contre la pêche illicite.
À Nice, la délégation comorienne avait également porté une voix forte sur la scène internationale. Elle avait plaidé pour la création d’un guichet financier dédié aux PEID, l’intégration du carbone bleu dans les Contributions déterminées au niveau national (CDN) et la reconnaissance des projets pilotes côtiers comme leviers de développement concrets.
Cette démarche visait à bâtir une coopération équitable et mutuellement bénéfique, soulignant que la préservation des océans était aussi un enjeu stratégique pour les chaînes de valeur mondiales. Selon les projections présentées par le PNUD, l’économie bleue pourrait représenter 15 à 20 % du PIB comorien d’ici 2045, à condition que les investissements suivent et que les communautés littorales soient intégrées à la gouvernance. « C’est un projet de transformation économique mais aussi de justice sociale », avait conclu M. Salim. « Si nous agissons vite et bien, l’horizon bleu deviendra notre nouvelle frontière de prospérité partagée. »