Redonner dignité et espoir

La transformation silencieuse des maisons d'arrêt par les toilettes écologiques

8 juin 2025
A group of six people stands together near lush green plants, with a clear sky in the background.

Mini champ d'expérimentation à la maison d'arrêt de Klessoum

UNDP-TChad/Aristide D

Au Tchad, les maisons d’arrêt sont souvent décriées pour leurs conditions de vie précaires : cellules surpeuplées, manque d’hygiène, promiscuité, violence… Dans cet environnement hostile, penser à la dignité humaine peut sembler utopique. Pourtant, un projet novateur piloté par ESEDD et soutenu par le PNUD à travers son Laboratoire d’innovation et le Fonds mondial, est en train de transformer, en silence mais en profondeur, la réalité de centaines de détenus à Klessoum. Ce projet, centré sur l’introduction et l’opérationnalisation de toilettes écologiques, dépasse largement la simple question sanitaire. Il réinvente la fonction même de la prison : non plus un lieu de punition, mais un espace de réhabilitation, de responsabilisation et de formation.
Entre juillet 2024 et juin 2025, 178 toilettes écologiques ont été installées dans les deux établissements. Simples à utiliser, ces kits permettent de séparer les déchets liquides et solides, et d’en faire un compost de haute qualité pour l’agriculture. Mais leur principal impact n’est pas technique : c’est humain.
150 détenus ont été formés à l’usage de ces toilettes, à leur entretien, à la collecte des déchets et à leur transformation en lombricompost. Certains ont appris à élever des vers de terre ; d’autres ont acquis des compétences en maraîchage. Cette formation pratique a eu un effet inattendu mais puissant : un changement de comportement collectif.
 

"J'ai pu trouver un débouché à ma sortie de prison grâce à cette initiative des toilettes écologiques"
Issa Tidjani, ancien détenu
A man in a white traditional outfit with brown accents stands outdoors, smiling confidently.

Ancien détenu devenu représentant de l'ONG ESSED

UNDP-TChad/Aristide D

La grande majorité des participants ont montré une véritable appropriation du matériel. Ils ont cessé de voir la gestion des déchets comme une corvée dégradante, pour la considérer comme une responsabilité utile, une voie vers l’autonomie. La cellule n’est plus seulement un espace de détention, mais devient aussi un lieu de production, de savoir-faire, et même d’espoir.


À travers cette démarche, le projet touche au cœur même de la réinsertion. Il redonne confiance aux détenus, améliore leur santé, diversifie leur alimentation grâce aux cultures sur place, et leur ouvre des perspectives d’avenir. Demain, ces hommes pourront fonder une coopérative, devenir des agriculteurs urbains ou tout simplement, des citoyens actifs d’un changement durable comme en témoigne Issa Tidjani, ancien détenu, aujourd’hui représentant de l'ONG ESEDD, qui fait de cette activité un métier de son retour à la normalité. "La prison au Tchad n'est pas facile, même après avoir purger votre peine, c'est encore difficile de se réinsérer dans la vie. Grace à cette formation sur la transformation des déchets en composte, j'ai pu trouver un débouché à ma sortie de prison. C'est une chance pour moi." confie-t-il. Ce projet, pourtant limité à deux maisons d’arrêt, interroge aussi le rôle de l’État et des politiques pénitentiaires. Il prouve qu’il est possible et nécessaire de repenser la prison non pas comme un gouffre à ressources, mais comme un lieu d’innovation sociale. 


En investissant dans la dignité, on récolte plus que de l’engrais : on sème la paix, la cohésion sociale et l’avenir.