Faire germer les graines de la gouvernance

Rétablir les principales fonctions du gouvernement au lendemain des crises

10 novembre 2018


Lorsqu’on songe aux contextes de crise, quel est le premier exemple qui vient à l’esprit ? L’Afghanistan, le Soudan du Sud ? Le Yémen, la Libye ou encore le Myanmar ? Qu’en est-il des pays qui ont été confrontés à des catastrophes naturelles majeures ces dernières années, comme les Philippines, le Népal ou l’Indonésie ? Que dire enfin des pays en transition tels que la Colombie ou le Libéria ? Bien qu’elles soient toutes différentes, le point commun à l’ensemble de ces situations de crises est que les principales institutions de gouvernance s’efforcent de respecter le pacte de l’État avec la population, afin de servir les citoyens les plus vulnérables en période de forte instabilité.

De nos jours, le monde se heurte de plus en plus à des confluences de crises aux aspects multiples, mêlant catastrophes naturelles, pandémies, conflits violents et crises financières, et qui frappent tous les pays sans exception, riches et pauvres confondus. Ces événements ont des conséquences durables, notamment pour les millions de personnes parmi les plus vulnérables de la planète et coûtent des milliards de dollars en dommages et en pertes de potentiel. L’année dernière et pour la première fois depuis 25 ans, la violence et les conflits ont atteint un point culminant en provoquant le déplacement forcé de plus de 65 millions de personnes à travers le monde. Aujourd’hui, 1,5 milliard d’hommes et de femmes vivent dans des pays touchés par des situations de fragilité. Cela concerne 43 % des personnes pauvres de par le monde, un chiffre en constante progression qui devrait représenter plus de 80 % des pauvres de la terre dans les 10 à 12 prochaines années.

Le Programme 2030 reconnaît qu'il est impossible de parvenir à un développement durable sans renforcer les capacités des institutions afin que celles-ci gagnent en efficacité, en réactivité et en responsabilité et qu’elles deviennent aptes et habilitées à fournir les services publics nécessaires aux personnes les plus démunies. Lorsqu’elles sont fonctionnelles et efficaces, les principales institutions de gouvernance jouent le rôle d’un accélérateur catalytique susceptible de générer des effets multiplicateurs positifs pour tous les Objectifs de développement durable. Cependant, la réhabilitation des principales institutions du gouvernement est souvent ignorée au lendemain d’une crise, laissant l’État vulnérable aux dépendances à la trajectoire qui se révèlent de plus en plus difficiles à inverser après la crise.

Du 11 au 13 novembre, des dirigeants mondiaux dont les chefs d’État et de gouvernement de 84 pays se réunissent à Paris à l’invitation du président de la République française, Emmanuel Macron, dans le cadre du Forum de Paris sur la Paix, pour discuter de l’importance du renforcement des capacités et de l’efficacité des institutions dans la quête d’une paix durable. Le Forum de Paris sur la Paix nous offre à tous autant que nous sommes, organisations internationales, États, gouvernements locaux, ONG, entreprises, universitaires, groupes religieux ou simples citoyens, une occasion unique pour partager nos expériences et proposer des solutions innovantes destinées à lutter contre ce « problème pernicieux ». Le PNUD est un fier partenaire de cette entreprise et partagera à cette occasion son expérience, forte de plus de 60 ans d’interventions dans les contextes de crise de par le monde. Notre expérience montre que pour rétablir la résilience des institutions dans un contexte de crise, il faut disposer d’au moins quatre catalyseurs interconnectés, garants du succès de l’opération :

  • Un leadership politique fort est nécessaire pour donner la priorité à la reconstruction des fondements des capacités institutionnelles immédiatement après que la crise a frappé le pays. Les dirigeants doivent préconiser les changements indispensables au rétablissement d’institutions fonctionnelles dans le cadre du relèvement rapide et réunir les acteurs nationaux et infranationaux pour surmonter les oppositions inhérentes à la transformation de ce qui n’a pas fonctionné de par le passé.

  • Des incitations au changement positif sont nécessaires, tant au niveau des institutions (p. ex. via le recours à des systèmes de suivi permettant d’accélérer les réformes critiques requises pour remédier aux services perturbés) qu’au niveau des fonctionnaires et notamment les prestataires de services de première ligne (p. ex. par la définition d’objectifs de performance et l’octroi de récompenses non financières en matière de rendement). L’efficacité à long terme du relèvement et de la reprise de la fourniture de services à la suite d’une crise repose en fin de compte sur la performance de fonctionnaires motivés.

  • Des ressources ciblées et durables, même si elles ne sont pas une panacée, sont nécessaires pour stimuler les initiatives nationales et sous-nationales en faveur du relèvement des institutions, notamment par le biais de solutions régionales élaborées par les pairs, de partenariats public-privé, de la coopération Sud-Sud et d’autres formes d’investissements durables dans la reconstruction des capacités institutionnelles.

  • Un engagement actif des citoyens contribue considérablement à transformer en confiance la méfiance inhérente de la population à l’égard des performances du secteur public en temps de crise. Une telle démarche sert à faire tomber les barrières qui séparent l’État des citoyens en engageant les institutions à partager leurs actions en temps réel directement avec le public afin de montrer de quelle manière elles fournissent un soutien essentiel. Cela peut aussi aider à promouvoir la transparence et les incitations au changement.

C’est une « mission critique » pour le PNUD. Nous devons poursuivre nos efforts et nous nous y emploierons, afin de mieux servir les personnes touchées par les pires crises qui frappent le monde. Cela implique de faire germer les graines de la bonne gouvernance dans les institutions désorganisées en amont, dès le premier jour, afin qu’elles puissent se reconstruire de manière plus résiliente et être à même de fournir des services essentiels aux citoyens qui en ont le plus besoin.