Témoins de l'ampleur de la crise climatique

11 décembre 2019


En août 2019, j'ai pris part à une cérémonie inhabituelle et tragique pour commémorer la disparition du glacier Ok, au nord-est de Reykjavik, en Islande.  Âgé de 700 ans, Ok recouvrait une surface de 15 kilomètres carrés il y a 100 ans, mais a entièrement fondu en l'espace d'un court siècle sous l’effet de la crise climatique.

Nous étions quelque 90 personnes à gravir ensemble un sentier rocheux jusqu'à l'endroit où la glace avait disparu, ne laissant plus qu'un sommet de montagne dénudé. Nous avons fait les 5 dernières minutes de la randonnée en silence. Et lorsque nous nous sommes arrêtés, Oddur Sigurdsson, un géologue, le premier à avoir déclaré le glacier mort en 2014, a lu un certificat de décès.

Ont ensuite pris la parole Andri Snaer Magnason, écrivain, Cymene Howe, professeure d'anthropologie à l'Université Rice qui a réalisé un documentaire sur le glacier, et Gudmundur Ingi Gudbrandsson, ministre islandais de l'Environnement. La Première ministre islandaise Katrin Jakobsdottir et l'ancienne présidente irlandaise Mary Robinson étaient également présentes.

Nous avons chanté ensemble et un groupe d'enfants a posé une plaque sur le site, conscients du fait que nous étions en train d’inaugurer une nouvelle tradition et espérant que l’événement marquerait un tournant pour la planète que nous partageons tous.

Le texte gravé sur la plaque, composé par Andri Snaer Magnason, s'adresse aux générations futures, et se lit ainsi : «Ok est le premier glacier islandais à perdre son statut de glacier. Dans les 200 prochaines années, tous les glaciers du pays devraient connaitre le même sort. Ce monument souligne que nous savons ce qui se passe et ce qui doit être fait. Vous seuls saurez si nous l'avons fait. »

The glacier melt series 1999/2019

En 1999, j'ai pris des photos d’un certain nombre de glaciers d'Islande depuis les airs, après m’y être rendu des années durant en randonnée à l’occasion de visites familiales.

Enfant et jeune adulte, je considérais le milieu naturel de l'Islande comme allant de soi, quelque chose d'éternel et de séparé du monde dans lequel je grandissais, au Danemark.  L'Islande était la nature et le Danemark la culture, et je pensais que ces glaciers échappaient à l'influence humaine. Ils étaient impressionnants et exaltants. Ils me donnaient l’impression d’être immobiles et éternels, même si en temps géologique, ils bougent constamment.

Les photos des glaciers que j’avais prises d’en bas s’étant révélées décevantes, j'ai décidé de prendre de nouvelles images d’en haut pour capter pleinement leur étendue. A l'époque, je n'ai pas pensé à noter leurs coordonnées ou l'altitude de l'avion. Je n'avais pas l'intention d'y retourner, et les questions environnementales n'étaient pas au centre de mes préoccupations.

Vingt ans plus tard, je suis retourné photographier les mêmes glaciers à peu près du même angle et à la même distance. J'ai juxtaposé les images de 1999 à celles de 2019 pour créer une nouvelle œuvre d'art, intitulée “The Glacier Melt Series 1999/2019,”  (« Série sur la fonte des glaciers 1999/2019 »), qui témoigne de l’ampleur d’un changement auquel je ne m'étais absolument pas préparé. Tous les glaciers ont considérablement rétréci et certains sont difficiles à retrouver.  En comparant ces photos côte à côte, les conséquences des activités de l’homme sur l'environnement deviennent une réalité douloureuse et palpable.

Ces photos, je l'espère, contribueront à inciter à l'action à une échelle et un rythme qui permeront aux générations futures, non plus d’organiser les funérailles d’autres glaciers, mais de se rassembler pour célébrer leur survie.

Olafur Eliasson est un artiste dano-islandais de renommée mondiale et Ambassadeur de bonne volonté du PNUD.