Partage d’expériences, échanges sur les dispositifs de renforcement du cadre juridique et institutionnel de lutte contre la corruption selon les standards internationaux

Début d’un dialogue public-privé sur le renforcement de l’intégrité, au cœur de la Conférence de M. Michel Sapin à l’INLUCC

12 septembre 2019

L’Instance Nationale de Lutte Contre la Corruption (INLUCC), la Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie (CONECT) et le PNUD ont co-organisé le 12 septembre 2019 une conférence-débat avec M. Michel Sapin, ancien ministre de l’Economie et des Finances français, sur « la Transparence, la Lutte contre la Corruption et la Modernisation de la Vie Economique », au siège de l’INLUCC.

Organisée dans le cadre du projet « Renforcement de la Gouvernance Démocratique et de la Redevabilité Publique en Tunisie », en partenariat entre l’INLUCC et le PNUD, avec l’appui de l’agence Coréenne de Coopération Internationale (KOICA), la conférence-débat s’inscrit parmi les activités des principales initiatives stratégiques de la Stratégie Nationale de Bonne Gouvernance et de Lutte Contre la Corruption. Il s’agit en effet du renforcement du cadre juridique et institutionnel de la lutte contre la corruption selon les standards internationaux, l’encouragement de la participation citoyenne, celle du secteur privé et des médias, et l’établissement d’une coopération internationale en la matière, ont été clairement identifiés.

Plus d’une centaine de participant.e.s ont pris part à cet évènement, composée notamment de représentant.e.s du secteur privé et membres de la CONECT, d’élu.es, de représentant.e.s d’instances indépendantes, de ministères, institutions et entreprises publics, du marché financier et secteur bancaires (12), de collectivités locales, de la société civile, mais aussi d’ambassades (12) et d’agences et organismes de coopération internationale (13).

La conférence-débat a porté sur l’expérience française en matière de renforcement du cadre juridique de la transparence, la lutte contre la corruption et de la modernisation de la vie économique, à travers la loi Sapin 2. Elle a permis de partager l’expérience de promulgation et le bilan de la loi depuis fin 2016, d’échanger sur les dispositifs de renforcement du cadre juridique et institutionnel de lutte contre la corruption selon les standards internationaux, notamment les mesures de la loi pour la modernisation de vie économique et leur impact sur l’économie.

Le Président de l’Instance Nationale de Lutte Contre la Corruption (INLUCC), M. Chawki Tabib a souligné que l’arsenal juridique en matière de lutte contre la corruption mis en place en Tunisie les dernières années constitue « une véritable révolution » nécessitant cependant une volonté politique plus affirmée pour le compléter avec les textes d’application nécessaires. Pour autant, ceci n’a pas empêché l’INLUCC d’entamer l’application des lois en question, Il a toutefois, du chemin reste à faire en matière de règlementation du lobbying et d’implication du secteur privé dans la lutte contre la corruption. Pour le Président de l’INLUCC, ” La route est droite, mais la pente est forte et nous sommes déterminés à la remonter “.

Le Président de la Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie (CONECT), M. Tarak Cherif, a rappelé de son côté que la corruption, qui a existé en Tunisie avant 2011 et existe après, « représente un des freins les plus lourds qui se posent pour l’investissement local et étranger en Tunisie » et a précisé que la création de richesses et d’emploi dépendent essentiellement de l’investissement et « c’est pour cela qu’il faut instaurer la confiance, et des règles claires ».

Le Représentant Résident du PNUD, M. Steve Utterwulghe, a pour sa part, souligné que la lutte contre la corruption est un élément essentiel pour garantir le développement durable des sociétés proposé dans l’agenda 2030. La corruption touche tous les pays riches et pauvres, sape l’Etat de droit, favorise les crimes, détourne les ressources indispensables du développement durable. Il a rappelé que la corruption a également des conséquences sur d’autres déterminants pour le bien-être économique et social, tels que le développement durable, la santé, l’éducation et l’accès à l’eau. Les ODD étant interdépendants, le succès de l’un dépendant souvent de la résolution de problématiques généralement associées à un autre et dépendent de la mise en place de mesures de lutte contre la corruption et la mise en place de mécanismes de bonne gouvernance. Ainsi, l’accomplissement des ODD est étroitement lié à la lutte contre la corruption, et c’est pourquoi l’ODD 16 qui vise « Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous » et qui agit comme facilitateur de tous les autres ODD, comprend des cibles qui constituent le cadre d’action contre la corruption.

M. Steve Utterwulghe a tenu à saluer la Tunisie pour ses efforts considérables en matière de définition d’un cadre d’action réunissant l’ensemble des acteurs concernés et pour sa Stratégie Nationale de Bonne Gouvernance et de Lutte contre la corruption, et l’invite à compléter l’essentiel de son arsenal juridique à travers la publication des textes d’application. Le renforcement du rôle du secteur privé dans la mise en œuvre de cette stratégie nationale reste un défi important assurant la disponibilité du PNUD à apporter l’appui nécessaire pour cela.

M. Michel Sapin a exposé les grandes lignes de la loi Sapin 2 sur la modernisation de la vie économique, notamment de l’encadrement juridique de la protection des lanceurs d’alerte, du dispositif anti-corruption dans les entreprises privées, du rôle de l’Agence Française Anticorruption (AFA) et de l'organisation du lobbying à travers la création d’un registre des lobbyistes. Il a insisté sur la prévention, la sanction et l'innovation juridique comme les trois piliers de la loi pour réduire la corruption. Pour M. Sapin, la lutte contre la corruption est « une bataille renouvelée pour garantir la confiance dans les institutions et les autorités publiques et la confiance économique ». En ce sens, « lutter pour la probité publique, c’est lutter pour la compétitivité des entreprises car il n’y a rien de plus désastreux pour une entreprise sur son territoire que l’absence de probité publique. Il en va de même au niveau international où les craintes de rentrer dans des processus entachés de faits corruptifs sur certains marchés, dissuadent les entreprises de s’y aventurer ». Il a également rappelé que c’étaient les entreprises françaises qui ont émis la demande et soutenu la loi Sapin 2 afin d’améliorer leur accès sur les marchés internationaux.

Quant à M° Farhat Toumi, avocat et membre du Conseil de l’INLUCC. il s’est chargé de faire un rapprochement des éléments précédemment exposés avec le contexte tunisien et de développer une approche critique mettant en garde contre les risques de non appropriation nationale des référentiels internationaux. Alors qu’il s’agit d’adopter les lois tunisiennes en fonction du contexte national, et cela pour une meilleure efficience et alimentation de ces lois.

Il s’en est suivi un débat avec la salle où divers aspects en rapport avec le thème ont été discutés, suite à quoi, une synthèse des diverses interventions et échanges a été présentée par la Coordinatrice du projet « Renforcement de la Gouvernance Démocratique et de la Redevabilité Publique », Mme Thouraya Bekri, articulée autour des leçons tirées suivantes pour le renforcement du cadre juridique et institutionnel de la lutte contre la corruption:

1. le double impératif de la confiance, dans les institutions et celles des investisseurs rendant nécessaires ces lois ;

2. le processus d’élaboration selon une approche participative et une consultation large pour garantir une appropriation des lois;

3. l’impact des lois, leur faisabilité et harmonisation comme études préalables à leur promulgation ;

4. la contextualisation et la domestication des lois selon les référentiels internationaux et les besoins nationaux, avec l’apport de la coopération internationale ;

5. l’innovation et l’audace pour répondre efficacement à des problématiques complexes et mondialisées ;

6. la demande émanant du secteur privé pour prendre part à tendance mondiale de renforcement de l’intégrité, rend l’investissement dans l’intégrité rentable pour les entreprises et les institutions ;

7. la persévérance dans la durée est nécessaire tout en affirmant la volonté politique de répondre aux urgences ;

8. la perception des citoyen.ne.s et investisseurs que le changement a ey lieu est la mesure d’impact et d’efficacité des lois.

Dans leurs mots de clôture, Mrs Chawki Tabib, Tarak Cherif et Steve Utterwulghe ont convergé sur l'importance de la confiance dans les institutions et celle des investisseurs pour une transition démocratique et économique réussies et pour atteindre les Objectifs de Développement Durable de l'agenda 2030.