S'attaquer au défi de l'emploi des jeunes au Sénégal : une approche portefeuille/systèmes pour transformer l'avenir

Par Catherine Phuong, Représentante Résidente Adjointe pour les Programmes, PNUD Sénégal

18 mai 2025
Group photo of trainees holding certificates in front of a training center building.

Le Sénégal vibre d'une énergie juvénile : près de 75% de sa population a moins de 35 ans. Pourtant, un potentiel immense reste en sommeil, car environ 40% de ces jeunes ne sont ni aux études, ni employés, ni en formation (NEET). Lutter contre le chômage des jeunes n'est pas une simple priorité, c'est un impératif qui a guidé les efforts des gouvernements successifs. De multiples initiatives ont vu le jour, portées par une vision d'emploi, d'entrepreneuriat et de compétences pour la jeunesse, y compris avec le soutien engagé du PNUD. 

Mais un obstacle majeur persiste : la fragmentation de ces efforts. Des interventions éparses, un manque de coordination entre une multitude d'acteurs (ministères, agences gouvernementales, organisations de jeunesse, secteur privé, partenaires au développement) ont limité l’impact de ces programmes empêchant une réduction significative du chômage des jeunes.

Aujourd'hui, une nouvelle voie s'ouvre : l'approche portefeuille. Elle nous invite à transcender les silos, à unir nos forces pour catalyser un changement profond et durable. En début 2024, le PNUD Sénégal a embrassé cette approche audacieuse. Le moment ne pouvait être plus propice : l'arrivée d'un nouveau gouvernement en mars 2024, avec à sa tête un jeune président dont le discours résonne avec la promesse d'une transformation systémique ambitieuse pour un Sénégal à l’horizon 2050.

En interne, une synergie inédite a vu le jour. Des collègues de toutes les équipes (Gouvernance, Croissance inclusive, Environnement et Innovation) ont uni leur expertise. Notre engagement envers la jeunesse était déjà palpable, mais nous aspirions à une action plus intentionnelle, à passer d'interventions isolées à une stratégie intégrée et systémique pour notre programmation jeunesse. Des mois d'analyses approfondies, de consultations nourricières, notamment auprès de jeunes vulnérables dans les recoins du pays, ont affiné notre vision : identifier les leviers de changement que nous souhaitions activer dans le système. Dès lors, chaque projet a été réorienté, chaque nouvelle intervention pensée pour converger vers cet horizon.

Notre approche de la programmation jeunesse s'est métamorphosée, et continue de s'enrichir au gré de nos apprentissages et de nos réévaluations. Nous privilégions désormais des interventions stratégiques, ciblées (et pas nécessairement à grande échelle) qui ont le potentiel d'impulser des mutations profondes et pérennes, brisant les chaînes du chômage. Le prisme du portefeuille nous a révélé la nécessité d'élargir notre champ d'action : au-delà de la formation professionnelle et de l'inclusion économique, il faut investir dans les compétences numériques, cultiver le leadership des jeunes, stimuler leur engagement civique, et même transformer les perceptions qui les entourent. Les murs entre nos équipes sont tombés, laissant place à une collaboration plus fluide et systémique sur les enjeux de jeunesse, une dynamique que nous accueillons avec enthousiasme. Ces derniers mois ont marqué une quête de cohérence accrue entre tous nos projets au sein du bureau national. Là où nous proposions des formations entrepreneuriales  et des interventions parfois isolées, nous tissons désormais des initiatives qui relient l'autonomisation économique à la participation citoyenne et/ou s'ancrent dans les promesses des emplois verts.

Diagram illustrating multidimensional empowerment of youth in Senegal, with connections and categories.

En externe, nous avons partagé et promu l'approche portefeuille auprès de nos partenaires engagés pour la jeunesse. Un atelier d'initiation organisé en octobre 2024 a permis de démystifier cette nouvelle perspective. Un exercice de « sensemaking » a ensuite permis d'aligner nos projets respectifs, de déceler les synergies et de tisser des liens porteurs. Des rencontres régulières nourrissent nos partenaires d'informations sur nos ambitions et nos apprentissages en cours.

Il est encourageant de constater que de nombreuses agences publiques dédiées à l'emploi des jeunes s'engagent aussi à unir leurs forces pour déployer ce qu'elles nomment une approche systémique. Nous observons également une transformation chez d'autres partenaires et explorons activement de nouvelles alliances avec les organisations de jeunesse, des collaborations qui multiplieront nos ressources et amplifieront nos réseaux.

Le changement est une marche progressive, pas un sprint

Nous avons commencé par nous-mêmes au sein du PNUD, et aujourd'hui, d'autres acteurs nous rejoignent dans cette aventure collective. Nous continuons d'expérimenter de nouvelles formes de collaboration, apprenant à chaque pas. Mais l'urgence nous appelle à accélérer notre courbe d'apprentissage. Les coupes budgétaires annoncées dans l'aide au développement ces derniers mois, conjuguées à une situation budgétaire nationale délicate, nous donne une opportunité cruciale : repenser nos méthodes pour maximiser notre impact. La mutualisation de nos moyens devient non seulement souhaitable, mais vitale. Il n'y a pas d'autre voie à suivre.

Pour avancer sur cette voie d'apprentissage, le PNUD assume une mission cruciale : celle de créer un espace de dialogue et de convergence où toutes les parties prenantes, jeunesse comprise, sont encouragées à réinventer leurs façons de travailler ensemble. Il est impératif de maintenir notre cap sur la transformation à long terme que nous ambitionnons, afin que les jeunes deviennent et soient reconnus comme les acteurs clés du développement national. 

Cela nous engage à explorer sans relâche de nouvelles formes de collaboration, de cocréation, d'innovation et d'apprentissage guidés par la puissance de l'approche portefeuille.

A young woman in a hijab passionately speaks at a podium during an event.