En cette Journée Nationale de la Femme Gabonaise, nous mettons en lumière le parcours de Marie Paulette Parfaite OLLAME, Ministre du Commerce et des PME au sein du gouvernement de la transition. Deux ans après sa nomination, elle s’illustre par son engagement en faveur de politiques publiques qui soutiennent les femmes entrepreneures, en particulier celles évoluant en milieu rural.
Le leadership féminin au service de la cité
17 avril 2025
Avril 2025: Parfaite OLLAME, assise à son bureau au ministère du Commerce et des PME à Libreville, Gabon.
Enfant, la plupart des femmes autour de moi n’avaient pas reçu d’éducation formelle. Ma mère ne savait ni lire ni écrire, et beaucoup de mes tantes non plus. Mais ce que je retiens d’elles, c’est leur force et leur caractère. Je les appelle les femmes leaders. Elles ont su imposer leurs idées par leur volonté et leur travail acharné. La vie était dure. Elles n’avaient pas de salaire. Mais je ne les ai jamais entendues prononcer le mot “échec”. Leur présence et leur intuition ont été une bénédiction pour mon enfance. Elles m’ont appris qu’une femme peut accomplir tout ce qu’elle veut.Marie Paulette Parfaite OLLAME, Ministre du Commerce et des PME, Gabon
À 41 ans, écrivaine et enseignante, Marie Parfaite Parfaite OLLAME est devenue Ministre du Commerce du Gabon. Elle se décrit comme l’une de ces « citoyennes ordinaires, venues de milieux modestes », qui ont été appelées, de manière inattendue, à servir dans le Gouvernement de Transition. À la suite des événements du 30 août 2023, onze femmes, dont Parfaite OLLAME, ont été nommées ministres, portant la représentation féminine au gouvernement à plus de 30 % — un tournant historique pour le Gabon.
Mais le leadership ne lui est pas venu naturellement.
J’étais une enfant extrêmement timide – une timidité maladive. Mon introversion faisait peur. Je parlais peu, j’observais tout. Et quand je ne comprenais pas, je me réfugiais dans les livres. J’avais plus d’affinités avec les personnages de roman qu’avec les vraies personnes. J’ai encore peur des projecteurs médiatiques. Je préfère travailler dans l’ombre.Marie Paulette Parfaite OLLAME, Ministre du Commerce et des PME, Gabon
L’école a été la pierre angulaire de son éducation. Sa mère, bien qu’analphabète, ne le montrait jamais. Elle écoutait ses enfants réciter leurs leçons, faisait semblant de lire avec eux, et allait jusqu’à les corriger. Ce n’est que bien plus tard, lorsqu’il fallut une signature pour l’école, que Marie découvrit la vérité. « Ce moment m’a fait réaliser à quel point l’éducation est cruciale. Mes parents insistaient non seulement pour que nous allions à l’école, mais aussi pour que nous y excellions. »
L’enfance de Parfaite OLLAME a été marquée par des contrastes, elle a vu les deux extrêmes du spectre économique. « Quand mon père était policier, nous vivions dans un camp de police, avec accès aux services — même un chauffeur. On se croyait bourgeois. Mais il n’a pas préparé sa retraite. Une fois qu’il a arrêté de travailler, nous avons déménagé dans des quartiers précaires. C’est là que j’ai vu la vraie vie. Il n’y avait pas d’eau courante. Je devais aller la chercher moi-même — moi, la paresseuse ! » (Elle rit.)
Sa mère, auparavant femme au foyer, a commencé à travailler comme femme de ménage pour soutenir la famille. « Nous étions tellement fiers. C’était la première fois qu’on la voyait comme une maman travailleuse. Elle rentrait à la maison et nous racontait ses journées. »
Parfaite OLLAME était la septième d’une fratrie de huit enfants. « Nous étions une grande famille, mais une famille unie. Nos parents étaient toujours présents — et lorsqu’ils ne l’étaient pas, nos aînés prenaient le relais. »
Bonne élève, elle a obtenu ses diplômes en Lettre Moderne (Licence puis Maîtrise en Littérature Comparée) avec mention et prépare une thèse en lettres modernes à l’Université OMAR BONGO ONDIMBA. Elle devient professeure de littérature au lycée pendant 15 ans (de 2009 à 2024). Après son passage à l’Ecole Normale Supérieure de Libreville, elle s’illustre comme enseignante, autrice, et organisatrice culturelle. Elle organise le premier Salon du Livre et des Arts Féminins, réunissant écrivaines et artistes venues du Sénégal, du Cameroun, de la Côte d'Ivoire, et d’ailleurs. « C’était un espace magique où les femmes africaines pouvaient échanger, créer, rêver ensemble d’un avenir pour l’Afrique. ». Un an plus tard, elle devient ministre.
Elle attribue son éveil politique à son parcours littéraire. « C’est dans les cercles culturels que j’ai développé les outils d’analyse que j’utilise aujourd’hui en politique. La culture aiguise l’esprit. C’est là que ma conscience politique est née. »
À travers ses livres et poèmes, Parfaite OLLAME explore les freins sociaux que rencontrent les femmes, leurs désirs, leurs besoins. Son ouvrage le plus reconnu, Écart-Ville, publié en 2019 et désormais intégré au programme scolaire gabonais, en est un exemple.
« Il existe une sorte de mur culturel qui dit aux jeunes femmes : Maintenant que tu es mariée, tu ne peux plus faire ceci ou cela. C’est la raison pour laquelle j’ai écrit Écart-Ville. Quand j'ai moi-même oublié mon rêve d’écrivaine. Il a fallu que je me souvienne de me réveiller. »
Pour Parfaite OLLAME, la politique constructive et la vie associative vont de pair. Elle se souvient avec force du climat politique lors du coup de libération. « Je l’appelle le droit de rêver. Le 30 août a été une libération. On pouvait enfin rêver d’un nouveau Gabon, surtout pour des femmes comme nous. On nous a donné une voix. »
En tant que ministre des PME, elle assiste à l’essor de femmes entrepreneures longtemps restées dans l’ombre. « Des femmes aux compétences remarquables qui, auparavant, étaient invisibles, et sont aujourd’hui reconnues, elles créent des réseaux, elles ont accès à des opportunités, elles évoluent à armes égales. »
Mon message aux jeunes filles : ne bradez jamais vos rêves. Gardez-les précieusement.Marie Paulette Parfaite OLLAME, Ministre du Commerce et des PME, Gabon
Deux ans après sa nomination, elle milite pour des politiques en faveur des femmes entrepreneures, notamment dans les zones rurales. « C’est étrange : au Gabon, on considère que les entrepreneurs ne sont pas actifs économiquement. Il n’existe aucun cadre légal pour les reconnaître. Pas d’accès à l’information, pas d’accompagnement, pas d’émancipation. Elles travaillent dans l’agriculture, la pêche, le commerce – mais tout reste informel. C’est une erreur grave. Sans reconnaissance, pas de régulation, pas de fiscalité, et donc pas de perspectives de croissance. »
Pour elle, ces femmes qui évoluent dans le secteur informel sont une force vive. « Je les admire, pour moi, ces femmes sont les véritables héroïnes. »
Ce regard d'autrice qu’elle apporte à la politique est enraciné dans son vécu, aux côtés de femmes ayant affronté les difficultés avec une résilience discrète. Il est nourri de sa compréhension de la manière dont les êtres humains traversent l’adversité — et de la conviction que les récits porteurs d’émotion et de dignité peuvent inspirer des politiques publiques plus sensibles et centrées sur l’humain.
L’expérience riche et marquée de Parfaite OLLAME lui a donné les moyens de percevoir les services publics au-delà de leur seule dimension technique, comme une réponse aux besoins essentiels pour vivre, travailler et faire progresser l’économie d’un pays. À travers l’art de mettre en lumière l’invisible des parcours individuels, elle a développé une empathie et une sensibilité fine à ce qui façonne l’Homme : ce qui le soutient, ce qui lui donne de l’espoir, et ce qui le rend épanoui.
La véritable force du gouvernement de transition gabonais réside dans sa volonté d’ouvrir l’espace politique à des figures comme Parfaite OLLAME— des personnes dont l’intelligence se mesure non seulement à travers les données, mais aussi dans leur capacité à écouter, à ressentir, et à imaginer une société plus juste.
Le renforcement du leadership féminin en politique a été l’un des axes centraux de l’appui du PNUD au Gabon pendant la période de transition. Ce travail a commencé par une évaluation approfondie des cadres juridiques encadrant la participation politique des femmes, afin d’identifier les opportunités mais aussi les freins. Ensuite, l’attention s’est portée sur les barrières culturelles plus profondes, qui continuent de limiter l’accès des femmes aux postes de décision.
Au niveau électoral, « le Code électoral prévoit des dispositions spécifiques : 30 % pour les femmes et 20 % pour les jeunes. C’est un levier important pour inciter les femmes à s’engager politiquement », explique Alain Ayadokoun, Expert en Gouvernance politique et systèmes électoraux au PNUD.
C’est une discrimination positive en faveur des femmes, mais cette disposition légale liée aux quotas ne suffise pas à elle seule. Il faut également de la volonté, les compétences, et la capacité à exercer ces fonctions. Et ces compétences et l'engagement existent chez les femmes gabonaises. Ce qui nous reste à faire, est de les motiver, d’accompagner, d’encourager et de canaliser ce potentiel pour que ces femmes émergent pleinement. Que les femmes se sentent libres, capables et légitimes à exercer le pouvoir d’état.Alain Ayadokoun, Expert en Gouvernance politique et systèmes électoraux au PNUD
Le PNUD mène des actions de renforcement de capacités pour que les femmes soient non seulement présentes dans les espaces décisionnels, mais aussi prêtes à y jouer un rôle actif.
Le travail domestique non rémunéré, par exemple, souvent assumé par les femmes, a une valeur sociale et économique immense. Ce n’est pas un travail inutile. Les femmes issues de milieux défavorisés, qui ont connu des parcours difficiles, apportent une riche expérience, une diversité de regards, et une résilience précieuse au bien-être social, à l'éducation et au développement de manière générale.Représentant résident du PNUD au Gabon, Luc Gnonlonfoun
A titre d'exemple, le ministère du commerce que dirige Mme Parfaite OLLAME est un partenaire clé dans notre travail sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), l’employabilité des jeunes et la promotion des petites et moyennes entreprises. Dans cette optique, la Ministre a souhaité toujours disposer des chiffres et statistiques désagrégés en genre sur l’exécution, les sous-traitants, les bénéficiaires directs et les emplois créés.
À travers les réformes juridiques, le dialogue culturel et les partenariats stratégiques avec des femmes leaders, le PNUD continue de promouvoir un environnement politique où les femmes sont reconnues, soutenues et pleinement actrices de l’avenir du Gabon.