Femmes garagistes : vers une rupture avec les métiers réservés

9 juin 2021

© PNUD Mauritanie / Ahmed Mohamed Salem Kerkoub - Mme Saadani Bint Abeidna dans son garage automobile à Nouadhibou.

Plusieurs freins à l’entreprenariat féminin !!!

La réparation automobile est un travail difficile et souvent qualifié de travail d'homme. Cela est particulièrement vrai en Mauritanie, où les emplois et les compétences nécessaires pour effectuer un tel travail sont largement dominés par les hommes, et où l'activité physique et l’invasion des métiers occupés en majorité par les hommes des femmes est fortement stigmatisée par la société en raison des traditions qui empêchent les femmes de se livrer à des activités jugées masculines et inappropriées au sein de la société mauritanienne.

La part de la main-d'œuvre féminine dans la population active a légèrement augmenté, passant de 29,5 % en 1910 à 31,5 % en 2020. Malgré cette légère augmentation, plus de 50,8% des femmes restent au chômage et ne cherchent même pas d'emploi. La plupart des femmes actives effectuent des tâches qui ne sont pas rémunérées et ne génèrent pas de revenus. Dans ce sens et selon le ministère de l'Emploi, de la Jeunesse et des Sports, le taux d’emploi est de 27,22 % pour les femmes alors qu'il atteint 59,71 % pour les hommes en 2017.

Selon les derniers indicateurs de genre en Mauritanie (2014), le ratio des femmes en position de direction dans les entreprises est remarquablement faible : 4,5 % par rapport au total des entreprises. L’égalité entre hommes-femmes dans les postes de direction reste un objectif loin à réaliser !

Des initiatives innovantes et courageuses entreprises par les femmes mauritaniennes 

Compte tenu des difficultés rencontrées par les femmes pour accéder aux marchés du travail locaux, plusieurs initiatives entrepreneuriales innovantes ont émergé. Des femmes mauritaniennes essayent d’apporter des changements dans le domaine de l’entreprenariat et ce à travers des initiatives innovantes et « non traditionnelles ». Le cas de Saadani Bint Abeidna est parmi ces exemples.

Saadani Bint Abeidna est la première femme à avoir créé son atelier de réparation automobile à Nouadhibou et à intégrer un secteur considéré comme exclusivement réservé aux hommes.

Bint Abeidna est née en 1990, mariée et mère de trois enfants. Elle est diplômée d’un BTS en maintenance de véhicules à moteur. Elle a activement suivi des formations professionnelles dans plusieurs entreprises pour améliorer ses compétences et pour augmenter ses chances d’intégrer le marché de l’emploi. Cependant, malgré ses qualifications, ses recherches d'emploi sont restées sans succès. Elle a alors décidé, de ne pas baisser les bras et de poursuivre son ambition d'être autonome en travaillant pour gagner sa vie.

Pour ce faire, elle a lancé son propre projet, le premier garage de réparation automobile, devenant ainsi la première femme gérante d’un garage à Nouadhibou, la capitale économique du pays.

Elle a rencontré plusieurs obstacles pour lancer son atelier de réparation de véhicules. Le premier obstacle était d'ordre financier qui l'a amenée à vendre ses propres avoirs pour financer le projet. Le deuxième, qui est le principal obstacle, était de nature sociale, car elle a dû faire face aux pressions pourdéfendre son projet hors normes sociales admises dans la société mauritanienne. Malgré ces défis, Bint Abeidna a décidé d'aller de l'avant et de briser la stigmatisation sociale et de se frayer un chemin vers une nouvelle réalité où les femmes ont la possibilité de s'engager dans des Activités génératrices de revenus (AGR) souvent considérées comme exclusivement réservées aux hommes.

Il s’agit d’une nouvelle réalité qui s'impose lentement et qui annonce des changements potentiels dans la société mauritanienne. Ceci aura certainement un impact substantiel à l'avenir sur la composition structurelle du tissu socio-économique en Mauritanie. Une nouvelle réalité où la femme jouera un rôle clé dans la promotion de l'économie locale et nationale et contribuera à l’évolution de la société mauritanienne.

La nécessité d’appuyer ces initiatives !

L'Accelerator Lab du PNUD en Mauritanie, explore la possibilité de dupliquer ces nouvelles initiatives qui conduiront potentiellement à un changement significatif et auront des retombées positives par rapport aux différents défis de développement. C'est dans cette perspective que l'Accelerator Lab étudie cette nouvelle tendance comme étant « Weak Signals » et qui devrait faire des femmes un acteur important en matière d'inclusion économique et sociale. Par conséquent, l'équipe Accelerator Lab a contacté Bint Abeidna et a fait un entretien avec elle pour avoir plus d'informations sur les défis rencontrés, les éléments de réussite ainsi que la duplication et l'extension possibles de cette expérience pour en faire profiter d’autres groupes de femmes vulnérables et les équiper par les moyens et supports nécessaires pour faciliter leur participation dans des activités génératrices de revenus et pour surmonter la stigmatisation sociale et les obstacles à leur succès.

« J’invite toutes les femmes ayant des idées de projets à y aller, ne laissez pas les obstacles vous empêcher de réaliser vos rêves. Il est temps pour vous d’être indépendantes financièrement et de devenir des managers de vos propres entreprises », déclare Bint Abeidna.

Elle rajoute « Je vous exhorte à obtenir l'éducation et la formation nécessaires pour améliorer vos compétences et le savoir-faire pour avoir plus de chance d’atteindre vos objectifs, ne devenez pas dépendant des autres… » poursuit-elle.

L'exploration de cette nouvelle orientation dans la dynamique de l’entreprenariat est d'une grande importance pour le Accelerator Lab du PNUD Mauritanie et s’aligne étroitement avec les Objectifs de développement durable (particulièrement ODD 5 et ODD 8). Plusieurs collaborations potentielles peuvent être envisagées par rapport à l'idée que les femmes se font une place dans des activités économiques considérées, souvent, exclusivement destinées aux hommes.