À l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement : Relancer la pêche durable au Lac Azingo

Comment une communauté gabonaise s’est tournée vers la pisciculture pour survivre et garantir un avenir durable

5 juin 2025
Lush green island surrounded by calm water and a clear blue sky.

Le lac Azingo, situé dans le site Ramsar du Bas Ogooué au Gabon, est depuis longtemps le pilier de la vie locale. Depuis des générations, la pêche constitue la principale activité économique et un élément central du quotidien à Lambaréné et dans les villages environnants. Cependant, ces dernières années, la pression croissante sur les ressources halieutiques a rompu l’équilibre entre les pratiques traditionnelles de pêche et la préservation de l’environnement, mettant en péril à la fois l’écosystème du lac et les moyens de subsistance des communautés locales.

Une tradition menacée

La pêche au lac Azingo a toujours suivi les rythmes de la nature. La communauté observe deux saisons sèches et deux saisons des pluies chaque année, avec une pause de la pêche durant les périodes pluvieuses pour permettre la reproduction des poissons. Mais face à la montée du chômage et à la rareté des ressources, la surpêche et les pratiques destructrices se sont multipliées. Cela a non seulement épuisé les stocks de poissons, mais aussi mis en danger tout l’écosystème — et l’avenir de la communauté.

« Les périodes de pluie étaient la période de repos biologique des poissons. Ils étaient laissés tranquilles car c’était le moment de leur reproduction. Aujourd’hui, cependant, le chômage et la rareté ont poussé les gens à aller jusqu’à taper sur l’eau pour faire sortir les poissons. »
Marilou OSSAWA, présidente de l’association Inoungouna

Consciente de l’urgence, la coopérative Inoungouna a été créée en 2012 avec pour mission de trouver des alternatives durables protégeant à la fois le lac et ses habitants.

Le virage vers l’aquaculture

Avec le soutien du Programme de Fonds pour l’Environnement Mondial en partenariat avec le Ministère l’Environnement et du Climat et le PNUD, la coopérative a introduit la pisciculture en cages flottantes sur le lac Azingo. Une subvention de 25 000 dollars a permis la construction de quatre cages flottantes et d’un hangar de stockage. Plus de 60 membres de la communauté ont été formés à l’élevage en cage, à la gestion des finances et à l’organisation coopérative. Par ailleurs, la production locale d’aliments pour poissons a été mise en place, réduisant les coûts et renforçant l’autonomie.

L’élevage en cage fonctionne grâce à quatre cages flottantes, chacune abritant environ 380 poissons. Ces enclos spécialement conçus flottent à la surface du lac, retenant les poissons tout en permettant à l’eau fraîche de circuler librement à travers le maillage. Ce système offre aux poissons un environnement propre et oxygéné, dans leur [KB1] habitat naturel, tout en les protégeant des prédateurs et de la surpêche. Les poissons sont nourris régulièrement avec des aliments produits localement, et leur croissance ainsi que leur santé sont suivies de près par des membres formés de la coopérative. Ce dispositif garantit des conditions optimales pour leur développement, tout en facilitant la récolte et la gestion, assurant ainsi une source fiable et durable de protéines pour la communauté.

« Ces villages sont très isolés et peu peuplés, et en réalité, les habitants ne sont pas très sédentaires. Pendant la saison des pluies, par exemple, les poissons se font rares. Comme ils sont principalement pêcheurs, quand le poisson manque, ils n’ont d’autre choix que de retourner à Lambaréné — parfois sans rien faire. Des initiatives comme celle-ci les encouragent à rester dans leurs villages. C’est un projet véritablement transformateur car il leur permet de rester sur leurs terres. Le poisson doit être nourri presque quotidiennement, ce qui exige une présence constante. Cela les encourage à rester, les rend plus autonomes, et puisqu’ils restent au village, ils se tournent aussi vers l’agriculture. »
Karen BAKAKAS, Coordonnatrice nationale du Small Grants Programme (FEM SGP, PNUD)

L’approche de la coopérative est holistique : elle offre une source alternative de revenus tout en mettant l’accent sur la conservation de la biodiversité et le renforcement des capacités. Des mécanismes de suivi et d’évaluation ont été mis en place pour garantir une gestion adaptative, et un réseau régional de soutien facilite le partage des connaissances et des ressources.

« Cette visite du projet fut une excellente opportunité de se rapprocher des bénéficiaires et des communautés — d’écouter leurs réalités, recueillir leur perception du projet, voir ce qu’ils considèrent comme des succès, et réfléchir ensemble à la meilleure manière de pérenniser les résultats obtenus. Cela a aussi permis de mieux cerner les défis qu’ils rencontrent au quotidien. »
Guilhem RIBAUCOUR Chargé de Projet / Environnement au PNUD

Des résultats concrets

Les effets de ces efforts sont visibles et significatifs. Lors de son premier cycle, la coopérative a produit 380 kg de poissons, dont la moitié a été vendue et l’autre moitié consommée localement. Cette production a augmenté la disponibilité d’une protéine abordable, faisant baisser le prix du poisson de 4 000 CFA à 2 500 CFA le kilo. Le projet a également amélioré les conditions de travail grâce à de nouvelles infrastructures et a encouragé la participation des femmes, renforçant leur autonomie économique.

Les bénéfices environnementaux sont rapidement apparus. La création d’une zone protégée contribue [KB1] à restaurer les habitats aquatiques, à améliorer la qualité de l’eau et à stabiliser les cycles de reproduction des poissons. La communauté est devenue plus organisée et consciente des enjeux environnementaux, favorisant un esprit de solidarité et de responsabilité partagée.

« Mon objectif dans la vie est de faire aimer la pêche à mes enfants pour qu’ils grandissent en la protégeant. Au début, ce fut difficile, mais je les ai formés. L’un d’eux a suivi une formation en pisciculture, un autre en production d’aliments pour animaux. Maintenant, ils aiment ça et rêvent de travailler aux Eaux et Forêts. »
Marilou OSSAWA, présidente de l’association Inoungouna

Les pêcheurs ont été formés à la collecte systématique de données, comme le nombre et les espèces de poissons capturés chaque mois. Cette organisation permet une gestion plus efficace et durable des ressources du lac.

L’esprit de coopération a été renforcé par la création d’un réseau de soutien entre différentes organisations communautaires, favorisant le partage d’expériences et de bonnes pratiques.

La formation a également porté sur la production locale d’aliments pour poissons à partir d’ingrédients disponibles sur place. Cette initiative a réduit les coûts et les difficultés logistiques tout en augmentant l’autonomie et la résilience de l’élevage piscicole. En produisant leur propre nourriture, la communauté contrôle mieux la qualité et la quantité d’aliments fournis aux poissons, assurant ainsi une croissance plus saine et des rendements plus fiables. Cette solution locale a renforcé la coopérative, développé les compétences techniques et créé de nouvelles opportunités économiques.

Perspectives d’avenir

Le succès du projet du lac Azingo ouvre de nouvelles perspectives. Des plans sont en cours pour étendre l’éducation environnementale, améliorer les techniques de transport des alevins et développer davantage la production locale d’aliments pour poissons. D’autres communautés ont déjà commencé à reproduire le modèle de zone protégée et d’aquaculture.

Cependant, des défis subsistent. La faune sauvage, notamment les éléphants, continue de détruire les cultures agricoles, rendant difficile la diversification des sources de revenus en dehors de la pêche. Les réseaux de distribution pour le poisson d’élevage sont encore en développement, et un renforcement continu des capacités ainsi qu’un développement des marchés sont nécessaires pour assurer la durabilité à long terme.

Marilou plaisante :

« La pêche, c’est la seule activité où les éléphants ne s’en mêlent pas. »

Un modèle pour l’avenir

En cette Journée Mondiale de l’Environnement, il est important de souligner comment des initiatives locales peuvent contribuer à restaurer cet équilibre entre développement et protection de la nature L’histoire du lac Azingo témoigne de la force de l’innovation portée par la communauté. En adoptant l’aquaculture et une gestion durable, les habitants ont non seulement restauré leurs stocks de poissons et amélioré la sécurité alimentaire, mais aussi créé un modèle reproductible pour d’autres communautés confrontées à des défis similaires. Leur parcours montre qu’avec un soutien adapté à la pêche durable, des formations et des réseaux solides, il est possible de concilier conservation et besoins économiques — assurant ainsi un avenir meilleur pour les populations et le lac.