Rédigé par Hamza Rekheila : Analyste en communication, PNUD Algérie
Le climat à hauteur d’humain : une communication contextuelle et engagée
26 août 2025
À chaque atelier de formation sur la communication climatique que j’animais devant des publics d’horizons variés, je choisissais toujours de commencer par une question inattendue, mais sincère : « Qui parmi vous a déjà eu des doutes, des hésitations, ou s’est posé des questions sur les causes ou les conséquences du changement climatique ? ». Cette entrée en matière, volontairement engageante, provoquait souvent un moment de silence. Certains souriaient, d’autres échangeaient des regards, hésitant à se prononcer. Et puis, peu à peu, des mains se levaient.
Ce moment de franchise ouvrait toujours la voie à des échanges riches. Car derrière le terme banalisé de « climato-conspirationnisme », il y a souvent des parcours, des influences, des contextes professionnels ou personnels qui méritent d’être écoutés et compris — bien avant d’être jugés.
Derrière cet effort collectif se trouve un cadre stratégique essentiel : le processus d’élaboration du Plan National d’Adaptation (PNA). Lancé par la République Algérienne Démocratique et Populaire, mis en œuvre par le ministère de l’Environnement et de la Qualité de la Vie (MEQV), avec l’appui du PNUD et un financement du Fonds Vert pour le Climat, ce plan n’est pas seulement un document technique, c’est un cadre qui se veut normatif. Le PNA vise à guider les politiques publiques futures vers des trajectoires plus résilientes, plus durables et davantage ancrés dans une dynamique multisectorielle active. Communiquer autour d’un tel processus exige donc une rigueur particulière, car ce que nous portons ici, c’est la promesse d’un changement structurel — pas celle d’un événement ponctuel.
Mais pour que cette promesse soit comprise et portée, encore faut-il savoir comment en parler. Et cette parole s’adapte aux contextes. Dans de nombreux pays développés, les citoyens sont déjà largement sensibilisés aux enjeux du changement climatique et aux exigences de réduction des émissions. Dans notre contexte, la communication climatique gagne en pertinence lorsqu’elle s’ancre dans les réalités perçues localement, notamment la reconnaissance d’un fait souvent exprimé : la contribution historique des grandes puissances à la crise climatique mondiale. Il ne s’agit pas là d’éluder le débat, mais au contraire de montrer que nous sommes prêts à l’aborder pleinement. En dépassant la logique de la culpabilité pour entrer dans celle de la compréhension mutuelle, on crée alors un espace propice à la pédagogie, à la science, et au dialogue constructif.
Communiquer le climat, ce n’est pas vendre un contexte catastrophique ; c’est traduire une réalité. Et cette réalité ne se dit pas de la même manière à Helsinki, à Séoul ou à El Oued. Dans les pays développés, les messages sur le réchauffement global, les gaz à effet de serre ou la neutralité carbone parlent d’eux-mêmes — ils s’inscrivent dans des imaginaires où l’écologie est déjà un cadre de référence. Dans nos pays, en développement, les discours doivent d’abord reconnaître un fond de vérité dans les réticences sont souvent insinuées. Ce n’est pas une base à l’inaction, c’est une clé pour comprendre les résistances. Et sans cette compréhension, il ne peut y avoir de pédagogie efficace.
Une fois ce terrain de respect mutuel installé, la science peut entrer — mais pas toute seule. Elle doit avancer main dans la main avec le contexte, les réalités locales, les mots du quotidien et parfois même avec la sagesse populaire. Plutôt que d’alerter sur une hausse des températures de +1,5°C, il est plus percutant de sensibiliser en disant que : « L’inaction accélérerait l’assèchement du barrage de Koudiat Acerdoune (wilaya de Bouira), ce qui compliquerait l’accès à l’eau pour des dizaines de communes rurales. » Ce n’est pas de l’alarmisme, c’est de la contextualisation, c’est la réalité vraie. Ce n’est pas une courbe sur une diapositive, c’est un risque concret qu’un maire, un citoyen ou un journaliste peut visualiser, relayer et anticiper.
En fin de compte, une communication climatique efficace n’est ni neutre ni technocratique. Elle est profondément humaine et sociétale. Elle commence par une oreille attentive, se poursuit avec des mots adaptés, et ne perd jamais de vue qu’il ne s’agit pas de dire au public quoi penser, mais bien pourquoi cela le concerne directement. Ce n’est qu’ainsi que NOUS pourrons faire notre part — non pas dans l’appréhension, mais dans la lucidité et l’engagement. Et je conclus en précisant que le « NOUS » employé ici est celui de l’implication collective, pas celui de la modestie rhétorique.
C’est précisément dans cet esprit que la COP30, prévue novembre prochain à Belém prend tout son sens : établir un lien entre l’individu, les réflexions communautaires et les négociations à haut niveau. Plus qu’un sommet international, elle devrait être l’endroit où toutes ces discussions, qu’elles soient locales ou globales, se traduisent enfin en actions concrètes, visibles et mesurables.