Bonne gouvernance – Une boussole pour la transformation au Sahel

9 juillet 2025
Aerial view of a coastal city with colorful buildings and a vast ocean background.

Vue aérienne de Banjul, Gambie

Photo: Ugochukwu Kingsley Ahuchaogu

La région du Sahel, riche en ressources naturelles et humaines, se trouve aujourd’hui à un tournant décisif. Dotée d’abondantes richesses – pétrole, gaz naturel, or, phosphates – et d’un immense potentiel en énergies renouvelables, elle pourrait devenir un pilier de stabilité et de prospérité. Pourtant, cette promesse est assombrie par une insécurité persistante, une instabilité politique chronique et des défis environnementaux majeurs.

L'histoire récente de l'Afrique de l'Ouest est marquée par une succession de coups d’État (six entre 2020 et 2024[1]) et des catastrophes climatiques qui ont perturbé les vies et approfondi la pauvreté dans la région. Ce paradoxe sahélien, des ressources abondantes dans un contexte de crises multiples se reflète dans les classements constamment faibles de la région à l’Indice de développement humain, où au moins 4 des 10 pays sahéliens figurent régulièrement parmi les dix derniers.

Reconstruire le Sahel exige un changement de paradigme : il faut passer de logiques centrées sur le pouvoir à des approches centrées sur les peuples sahéliens.
Nadine Rugwe, Conseillère Gouvernance et Consolidation de la Paix, PNUD – Bureau sous-régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre

Par conséquent, l’importance d’une bonne gouvernance ne saurait être surestimée. Elle est la pierre angulaire sur laquelle les pays peuvent bâtir résilience, équité et prospérité. Les mouvements citoyens historiques comme Y’en a marre au Sénégal, Balai Citoyen au Burkina Faso ou Occupy Nigeria témoignent d’une exigence généralisée pour une gouvernance plus inclusive et plus réactive. Face à la complexité des insurrections jihadistes et des déplacements massifs, une coopération régionale robuste s’impose.

Les investissements doivent évoluer : il ne s’agit plus de maintenir le pouvoir, mais de construire l’autonomie et la résilience des communautés. Grâce à l’autonomisation civique, au développement local, à la gouvernance de proximité et à la croissance économique endogène, les populations peuvent expérimenter concrètement ce que signifie la démocratie – le pouvoir du peuple. Car lorsqu’un peuple est privé de ses droits fondamentaux, sa frustration devient un facteur d’instabilité.

Le rapport 2023 du PNUD intitulé « Le chemin vers l’extrémisme violent en Afrique » révèle que, parmi les 48 % de recrues volontaires ayant vécu un événement déclencheur, 71 % ont subi des escalades courtes, ponctuelles et brutales d'abus des droits humains, notamment des abus (32 %), l’assassinat d’un proche (29 %) ou l’arrestation d’un membre de leur famille (10 %). Dans le débat actuel sur la sécurité et la migration, il est crucial de s’attaquer aux causes profondes plutôt qu’aux seules manifestations visibles.

En Afrique, de nombreux débats en cours autour de l'insécurité influencent les populations à quitter leur communauté d'origine, tandis que plusieurs pays développés soulèvent le débat autour de la migration. Bien que les deux phénomènes soient vrais, les causes profondes pourraient être mieux évaluées pour comprendre les déclencheurs plutôt que de traiter les manifestations. Bien que ces dernières soient plus visibles, les causes profondes demeurent plus dévastatrices. Lorsque les populations se voient refuser leurs droits et souffrent d'un mécontentement constant, leur contribution au développement est minimale ou inexistante.

Il est indispensable de rétablir des relations de confiance entre les autorités et les citoyens. Sans un contrat social renouvelé, les efforts de développement et de consolidation de la paix au Sahel risquent de rester lettre morte 

L'appel au changement est fort et clair. Le désir d'amélioration de la gouvernance et de la sécurité, cité par 44 % des répondants soutenant les récentes prises de pouvoir militaires dans le rapport du PNUD « Soldats et Citoyens », reflète une désillusion profonde. Remédier à ce déficit de confiance, renforcer la transparence et assurer des services publics de qualité sont critiques pour construire une relation mutuellement enrichissante qui peut améliorer l'efficacité de l'État et stimuler la stabilité. Les initiatives visant la transformation du secteur public et l'engagement civique sont vitales.

Les politiques centrées sur les populations et les contrats sociaux renouvelés sont cruciaux, mais ils ne peuvent à eux seuls transformer le Sahel. Alors que la région fait face aux effets de la pauvreté et du changement climatique, une approche équilibrée qui combine les mesures de sécurité avec des investissements significatifs de développement pour prévenir et répondre au mécontentement populaire est nécessaire.

Le rapport 2023 du PNUD sur le développement humain dans le Sahel indique que près de la moitié des 362 millions d’habitants n’ont pas accès à l’électricité, alors que la région dispose de l’un des potentiels solaires les plus élevés au monde (13,9 milliards de kWh/an contre une consommation mondiale de 20 milliards de kWh/an). L’accès à l’eau potable et à une éducation de qualité demeure tout aussi préoccupant : un enfant sahélien ne fréquente l’école que trois ans en moyenne, contre 7,8 ans ailleurs dans le monde, tandis que 40 % des Africains n’ont toujours pas accès à une source d'eau potable selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

De plus, un récent rapport de la Banque mondiale a révélé que dans cinq pays du Sahel (Burkina Faso, Tchad, Mali, Mauritanie et Niger), environ 10,2 millions de personnes étaient en situation d'insécurité alimentaire de juin à août 2023. Parmi celles-ci, plus de 900 000 personnes étaient en situation d'urgence, et au Burkina Faso et au Mali, plus de 45 000 faisaient face à la famine. Dans des contextes où les besoins fondamentaux d'eau, de nourriture, d'énergie et d'éducation ne sont pas satisfaits, la trajectoire de développement des pays et de leurs populations ne peut être garantie. Par conséquent, la gouvernance sera remise en question si elle ne répond pas aux besoins essentiels des populations.

Il est donc impératif de centrer les efforts sur les besoins des populations, de promouvoir un leadership responsable et de raviver le chemin du développement. En s'appuyant sur les tendances positives, comme la cessation des changements anticonstitutionnels de gouvernement et l'adoption du Pacte pour l'avenir, le Sahel a une opportunité unique de redéfinir son avenir.

Le Sahel peut libérer tout son potentiel en autonomisant ses populations, en restaurer la confiance dans le leadership, et en s’unissant face à l’adversité. Ce chemin exige des partenariats régionaux et mondiaux significatifs et un engagement collectif à créer des solutions durables et communautaires pour les défis à venir. Se concentrer sur les droits et les besoins des peuples sahéliens ouvrira la voie à la paix et à la prospérité dans la région.

[1] Mali, Guinée, Burkina Faso et Niger