Les Gardiennes du Calme : Chroniques de la Stabilization dans l'Extrême-Nord

October 31, 2025

L'air de Mora, dans l'Extrême-Nord du Cameroun, était lourd, non seulement de la chaleur du Sahel, mais aussi du poids des espoirs que portaient les femmes réunies. Pendant trois jours, une soixantaine de leaders communautaires, venues de localités marquées par la crise de Boko Haram, ont participé à un atelier organisé par le PNUD « Redynamisation des comités des femmes pour la paix dans les départements du Mayo Tsanaga et Mayo Sava pour le renforcement de la cohésion sociale ». Ce n'était pas une simple formation, mais un appel à acquérir des armes faites de mots, de leadership et de compassion, car dans cette région, la paix est un geste pratique posé par des gestes concrets et des voix courageuses.

UNDP CMR Regional Stabilisation Facility (RSF) - Redynamisation des comités des femmes pour la paix dans les départements du Mayo Tsanaga et Mayo Sava pour le renforcement de la cohésion sociale- Far North region of Cameroon

Photo: UNDP Cameroon

Parmi ces bâtisseuses de paix se trouvait Awati Ellen, 33 ans, venue de Kolofata. Mariée et mère de quatre enfants, elle ne cherchait pas de diplômes, mais des outils pratiques. Ses attentes étaient claires : « Nous voulons une formation solide sur la négociation, le leadership, la communication, l’organisation de réunions et la gestion des conflits dans nos communautés. » Son association œuvrait déjà pour « la sensibilisation à la paix, au vivre-ensemble, à la cohésion sociale et aux dialogues communautaires. » Mais face aux tensions persistantes, elle avait besoin de méthodes plus affinées.

Photograph: Group of women in colorful headscarves seated around a table, discussing papers. — UNDP CMR Regional Stabilisation Facility (RSF) - Redynamisation des comités des femmes pour la paix dans les départements du Mayo Tsanaga et Mayo Sava pour le renforcement de la cohésion sociale- Far North region of Cameroon

Photo: UNDP Cameroon Dassi Nelda

Elle fut particulièrement marquée par les modules sur la gestion des conflits, le plaidoyer et la négociation. Elle raconte une situation fréquente : « Au point d’eau, les déplacés sont souvent rejetés par la communauté hôte, accusés d’être sales. Cela dégénère rapidement en disputes et parfois en bagarres. » Grâce à la formation, Awati sait désormais comment intervenir : « Mon rôle est d’apaiser, de dialoguer, et si nécessaire, de faire appel aux autorités pour trouver un terrain d’entente et lutter contre la discrimination. » Transformer un lieu de tension en espace d’équité, voilà l'impact direct de la formation.

À quelques kilomètres de là, à Limani, la voix de Ngoudjoubai Marceline, 47 ans, résonnait avec une portée encore plus large. Sa mission s'étend au-delà du village jusqu'au Nigeria voisin, rendant l'expertise de la RSF vitale. Son association lutte déjà contre les mariages précoces et les VBG, ayant réussi à inculquer « le bien-fondé de l’éducation de la jeune fille »." Marceline a trouvé dans l'atelier les outils précis pour affronter des conflits complexes et transfrontaliers. Elle explique que ces acquis constituent « une arme pour le bon fonctionnement de notre organisation, qui a de lourdes responsabilités dans notre société actuelle », face aux luttes frontalières et aux conflits entre réfugiés et populations hôtes.

Photograph: attendees in colorful headscarves listen to a speaker at a long table in a hall. — UNDP CMR Regional Stabilisation Facility (RSF) - Redynamisation des comités des femmes pour la paix dans les départements du Mayo Tsanaga et Mayo Sava pour le renforcement de la cohésion sociale- Far North region of Cameroon

Photo: UNDP Cameroon Dassi Nelda

Le programme du PNUD à Mora n'a pas seulement enseigné la gestion de crise ; il a validé et renforcé le rôle essentiel de ces femmes, transformant leur courage instinctif en expertise stratégique. Pour pérenniser ce travail, les femmes leaders ont transmis un message unifié au PNUD : elles demandent la sécurité humaine, l’autonomisation des femmes, et la promotion de la paix par des moyens concrets. Cela inclut l’obtention de badges d’identification, des appareils sonores pour amplifier leurs messages, un appui financier, du matériel agricole pour la conservation des récoltes (haricots, oignons), et une aide au reboisement. Elles souhaitent également recevoir des attestations de formation pour valoriser leurs compétences et renforcer leur légitimité.

Leurs voix, porteuses de tolérance et d’espoir, résonnent désormais plus fort que les querelles. Elles dépassent Kolofata et Limani, et tracent les contours d’une paix durable, façonnée par des femmes debout.