Les violences faites aux femmes en Tunisie 16 jours d’activisme pour mettre fin à la violence faite aux femmes

17 décembre 2020

Les 16 jours d’activisme pour mettre fin à la violence faite aux femmes, se tiennent chaque année du 25 novembre, journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, au 10 décembre, Journée internationale des droits de l’homme. Cette année, l’équipe Justice et Droits Humains du PNUD Tunisie a rencontré trois actrices de la lutte contre les violences faites aux femmes dans le cadre de ses différents projets : Madame Bochra Bel Haj Hmida, avocate et militante féministe ; Madame Saida Mbarek, membre au sein de l’Instance nationale pour la prévention de la torture (INPT) et présidente de la Commission des femmes, de l’enfance, des personnes handicapées et de groupes en situation de vulnérabilité au sein de l’INPT ; et Madame Raoudha Laabidi, présidente de l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes (INLCTP). Quelques jours après la clôture de cette campagne, nous vous proposons un retour en vidéo sur ces trois rencontres inspirantes ainsi que sur les différentes actions mises en œuvre par notre équipe pour lutter contre les violences faites aux femmes.

Depuis son lancement en 1991 par des activistes du Women’s Global Leadership Institute, la campagne des 16 jours d’activisme pour mettre fin à la violence faite aux femmes réunit les individus, institutions et organisations du monde entier autour d’une stratégie commune pour la prévention et l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles. Elle bénéficie aussi du soutien de la campagne initialement lancée en 2008 par Ban-Ki Moon « Tous UNiS pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes », et toujours menée aujourd’hui sous l’égide du Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres. Cette campagne, qui préconise la prise de mesures à l’échelle mondiale pour sensibiliser, encourager les efforts de plaidoyer et partager les connaissances et innovations sur la question des violences faites aux femmes, se décline cette année autour du thème mondial : « Orangez le monde : financez, intervenez, prévenez, collectez ! »

En 2020, ces campagnes sont plus que jamais nécessaires, car la pandémie COVID-19 va de pair avec une augmentation importante de toutes les formes de violence faite aux femmes. Face à ce constat, notre équipe a invité ces trois femmes à participer à notre action de sensibilisation. Nous avons évoqué différentes formes de violence faite aux femmes avec chacune d’entre elles, toujours avec le même objectif : sensibiliser les populations sur les ressources dont disposent les femmes pour faire valoir leurs droits lorsqu’elles sont victimes de violence.  

Dans le cadre du projet Amélioration de l’accès à la justice pour les personnes victimes de discriminations liées au genre et aux orientations sexuelles en Tunisie (plus communément dénommé projet Gender Justice), nous avons rencontré Madame Bochra Bel Haj Hmida, avocate et militante féministe tunisienne, afin d’aborder la thématique des violences en ligne à l’encontre des femmes. Cette problématique a connu une augmentation importante en raison de la pandémie COVID-19. En effet, bien que les hommes comme les femmes utilisent Internet plus fréquemment en raison des mesures de quarantaine et d’isolement, celles-ci sont affectées de manière disproportionnée par les violences en ligne.  Ainsi, d’après une étude du Centre de Recherche, d’Études, de Documentation et d’Information sur la Femme (CREDIF) réalisée fin 2019, 89% des Tunisiennes ont déjà fait l’objet d’agressions sur les plateformes numériques, et notamment sur Facebook. Pourtant, toujours d’après cette étude, 95% des femmes victimes de violences en ligne ne portent pas plainte auprès de la justice.  

Il est donc important de s’assurer que les internautes, les organisations de la société civile et les acteurs gouvernementaux tunisiens sont sensibilisés à ce phénomène et qu’ils connaissent les dispositions juridiques et les procédures appropriées pour les victimes de cyberharcèlement - un travail de sensibilisation qui s’inscrit directement dans les efforts de l’équipe Justice et Droits Humains, et plus précisément du projet Gender Justice, pour que les populations, particulièrement les personnes victimes de discriminations fondées sur le genre et l’orientation sexuelle, soient mieux outillées pour se protéger et revendiquer leurs droits.  Ayant elle-même été victime de cyberharcèlement, Madame Bochra Bel Haj Hamida apporte des réponses précieuses sur la façon dont les femmes victimes de violences en ligne peuvent faire valoir leurs droits, quelques mois après la prononciation inédite par un tribunal tunisien d’un décret de protection en faveur d’une victime de harcèlement en ligne sur la base de l’article 33 de la loi organique n°2017-58 relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes.  

Par ailleurs, dans le cadre du projet d’appui à l’Instance nationale pour la prévention de la torture (INPT) et l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes (INLCTP), notre équipe a également rencontré Madame Saida Mbarek, membre de l’Instance nationale pour la prévention de la torture (INPT), et Madame Raoudha Laabidi, présidente de l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes (INLCTP), afin d’évoquer le rôle important de leurs instances respectives dans la lutte contre les violences faites aux femmes. En effet, avec l’appui du PNUD, ces deux instances contribuent entre autres à protéger les droits des femmes et à prévenir les risques de torture, de traitements inhumains et de traite des personnes auxquels elles font face, et ce tout particulièrement dans le contexte de la pandémie COVID-19.

Par exemple, suite à la mise en place de mesures de prévention supplémentaires, telles que l’interdiction des visites directes, la réduction du nombre de visites indirectes, et l’isolement des nouveaux détenus, les femmes privées de liberté font face à un risque accru de violations de leurs droits humains. Madame Saida Mbarek a souligné les différentes formes de violence auxquelles font face les femmes dans les lieux de détention, qui peuvent être basées aussi bien sur des mauvais traitements que sur leurs conditions de détention souvent médiocres, en raison notamment d’un manque d’accès à des services de santé et d’hygiène appropriés. En réponse à ces violences, Madame Mbarek a présenté la stratégie et les recommandations de l’INPT, et plus particulièrement de la Commission des femmes, de l’enfance, des personnes handicapées et de groupes en situation de vulnérabilité pour garantir la protection et le respect des droits des femmes détenues.  

De la même façon, la pandémie a également privé de nombreuses personnes de leurs revenus et moyens de subsistance, entraînant ainsi un phénomène de précarisation qui touche particulièrement les femmes. Les femmes font ainsi face à un risque accru de traite, notamment sous la forme d’exploitation sexuelle ou d’exploitation dans le travail domestique, alors que, selon le rapport d’activité de l’INLCTP, elles représentaient déjà en 2019 près de 57% des cas de traites enregistrés en Tunisie. Face à ce constat, l’action de l’INLCTP pour lutter contre la traite des femmes, présentée par Madame Raoudha Laabidi, représente un aspect essentiel de la lutte contre les violences à leur égard. Cette action, qui implique notamment l’accompagnement social, juridique et sanitaire des femmes victimes, mériterait d’après Madame Laabidi d’être complété par des efforts de sensibilisation et de protection supplémentaires afin d’éliminer tout risque de traite des femmes. -