Les pays africains sont les principaux défenseurs d’un financement du développement sensible au genre

ONU Développement
8 min readApr 28, 2022

En utilisant des cadres de financement spécialisés, les gouvernements visent à intégrer l’autonomisation des femmes dans les décisions de financement nationales.

Les jeunes femmes entrepreneurs participent à des initiatives visant à lever les obstacles structurels à leur autonomisation économique. Photo : PNUD Angola/Cynthia R Matonhodze

Les femmes sont le moteur du développement durable. Dans leurs gouvernements, leurs foyers, leurs entreprises et leurs communautés, elles sont des agentes du changement.

Quel est le problème ? Dans le monde entier, et surtout en Afrique, nos systèmes financiers, nos budgets nationaux et nos investissements privés affectent les hommes et les femmes de manière distincte.

Selon le FMI et la Banque mondiale, l’économie de l’Afrique subsaharienne s’est contractée de 1,7 % en 2020, plongeant 23 millions d’Africains supplémentaires dans l’extrême pauvreté. Les pertes d’emplois sont généralisées. Au Gabon, au Malawi, en Ouganda et en Zambie, plus de 80 % des ménages ont signalé une perte de revenus en 2020. Au Kenya et au Gabon, plus de 60 % des personnes interrogées ont perdu leur emploi pendant la pandémie.

Ces statistiques se traduisent par des impacts très réels pour les femmes : le ralentissement économique et les pertes de revenus affectent leur autonomie économique. Ces revenus sont souvent utilisés pour nourrir les familles, et leur fournir des soins de santé et d’autres aides sociales. En fin de compte, les femmes sont les plus durement touchées par la baisse du revenu discrétionnaire pour les produits et services ménagers essentiels.

Plus d’un milliard de femmes dans le monde n’ont toujours pas accès aux services financiers formels.

En 2020, la COVID-19 a fait basculer 23 millions d’Africains supplémentaires dans l’extrême pauvreté. Les pertes d’emplois sont généralisées. Au Gabon, au Malawi, en Ouganda et en Zambie, plus de 80 % des ménages ont signalé une perte de revenus au cours de la même année. À droite, des vendeurs du marché de Nakasero à Kampala, en Ouganda, se conforment aux mesures de distanciation sociale. Photos : PNUD Malawi et PNUD Ouganda/Hadijah Nabbale

En Afrique subsaharienne, 37 % des femmes ont un compte bancaire, contre 48 % des hommes, un écart qui n’a fait que se creuser au cours des dernières années. Cette disparité est due à l’accès limité des femmes à l’éducation, à la technologie, à l’information et aux services de santé, ainsi qu’à leur forte participation à des activités économiques informelles, à des emplois non rémunérés ou mal payés, et à la montée de la violence sexiste.

Au sein des gouvernements, les stratégies de financement qui font fi de la dimension de genre peuvent avoir une influence négative sur les revenus des femmes, tandis que les mécanismes de financement, au contraire, qui tiennent compte de cette dimension sont rarement utilisés pour atténuer les effets de la pandémie sur les femmes ou pour inciter le secteur privé à s’engager en faveur de leur autonomisation. Les allocations budgétaires pour les femmes et les filles sont largement insuffisantes, et la possibilité de suivre les dépenses est entravée par le manque de capacités institutionnelles et de données sexospécifiques sur les flux de développement.

Les femmes et les adolescentes peinent à influencer l’agenda financier car leur participation à l’allocation budgétaire aux niveaux national et municipal, ainsi que leur accès aux postes de décision, sont limités. Au cours des 25 dernières années, l’Afrique a enregistré des gains modestes dans la proportion de postes de décision politique occupés par des femmes, passant de 9,8 % en 1995 à 24,4 % en 2020.

Ces contraintes sociales, économiques et politiques nuisent aux droits et au bien-être des femmes et des filles africaines. L’absence d’une participation égale à l’écosystème financier limite leur capacité à contribuer et à bénéficier pleinement des ressources financières consacrées au développement durable et au redressement après la COVID-19.

Les femmes et les adolescentes peinent à influencer l’agenda financier car leur participation à l’allocation budgétaire aux niveaux national et municipal, ainsi que leur accès aux postes de décision, sont limités. Photo : PNUD Angola/Cynthia R Matonhodze

Comment les cadres nationaux intégrés de financement peuvent-ils aider ?

Les gouvernements africains conçoivent et mettent en œuvre un large éventail de réformes, de projets, de programmes, d’instruments de financement, de plates-formes et de systèmes d’incitation pour s’attaquer aux obstacles structurels à l’émancipation économique des femmes. Les gouvernements africains ne cessent d’innover. Les exemples ci-dessous en témoignent.

Les cadres nationaux de financement intégrés (INFF) aident les gouvernements à assurer la cohérence entre ces innovations et les décisions de financement du développement national au sens large. Ils aident les gouvernements à cibler les besoins des femmes et à intégrer l’égalité des sexes dans les processus et systèmes de financement où la question du genre a historiquement été négligée. Ils y parviennent en améliorant la représentation, les politiques et les données.

Il est essentiel d’intégrer les besoins, les réalités et les demandes des femmes et des filles dans les domaines de la finance, du commerce, de la dette, de la gouvernance, de la technologie et de l’innovation. Pour permettre la participation pleine et égale des femmes et leur leadership dans l’économie, l’allocation des ressources et l’investissement dans les institutions d’égalité des sexes et les groupes de femmes aux niveaux local, national, régional et mondial doivent être prioritaires, spécifiques et cohérents.

Il est essentiel d’intégrer les besoins, les réalités et les demandes des femmes et des filles dans les domaines de la finance, du commerce, de la dette, de la gouvernance, de la technologie et de l’innovation. Photo : PNUD Bénin/Aude Rossignol

Ces mesures peuvent comprendre l’amélioration de l’accès au financement pour les entreprises dirigées par des femmes, le développement ou le renforcement des politiques de financement sensibles au genre, la promotion d’un secteur privé socialement responsable pour l’autonomisation des femmes, l’application d’une perspective de genre aux politiques de gestion de la dette, la promotion d’une budgétisation sensible au genre, la garantie de la cohérence des processus nationaux de planification, d’évaluation des coûts et de budgétisation avec les objectifs d’égalité des sexes, et la mise en place d’outils et de plateformes participatives pour renforcer l’engagement des femmes dans les processus de budgétisation nationaux et sous-nationaux.

Les dirigeants africains s’engagent en faveur d’un financement sensible au genre

Malgré les défis, les pays africains se sont imposés en tant que principaux défenseurs du financement sensible au genre sur le continent et dans le monde. Les pays africains ont été parmi les premiers à adopter l’approche des cadres nationaux de financement intégrés, dès 2019. L’Afrique représente environ la moitié des plus de 70 nations qui développent et mettent en œuvre de tels mécanismes.

Avec le soutien d’un réseau de partenaires, l’équipe Financement des ODD et coopération Sud-Sud du Hub de financement durable du PNUD en Afrique aide les gouvernements à intégrer l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes au financement du développement — à la fois par le biais des cadres nationaux de financement intégrés et en tant que projets autonomes.

Au Gabon, au Nigeria et au Malawi, le gouvernement met en œuvre une budgétisation sensible au genre pour s’assurer que les engagements politiques liés à la réduction de la pauvreté et à l’égalité des sexes se reflètent dans les allocations budgétaires. D’autres pays africains développent leurs propres initiatives pour lutter contre les disparités de genre dans leurs systèmes fiscaux et leurs stratégies de financement. Des exonérations fiscales sont proposées en Sierra Leone pour une série de facteurs liés à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes.

Pour améliorer l’accès des femmes au financement, les laboratoires accélérateurs (Accelerator Labs) du PNUD, en collaboration avec Jumia Ouganda, ont développé une plateforme en ligne pour mettre en relation les consommateurs et les micro-, petites et moyennes entreprises (dont 85 % sont détenues par des femmes actives). La plateforme Negocia, au Cabo Verde, met en relation de jeunes femmes entrepreneurs avec des investisseurs et fournit un accès à des fonds de démarrage pour des entreprises alignées sur les ODD.

Photos : PNUD Zambie/Moses Zangar, Jr.

Au Rwanda, le gouvernement a créé un Fonds de développement des entreprises axé sur les femmes et les jeunes ; et en Zambie, le Fonds de garantie des prêts du Fonds d’équipement des Nations Unies (FENU) fournira la majorité de ses 600 000 dollars de garanties et d’assistance technique aux femmes. Au Botswana, la Bourse projette d’émettre des obligations sensibles au genre et pousse à l’adoption de critères visant à réduire les pratiques préjudiciables aux femmes sur le lieu de travail.

Surfer sur la vague

« La COVID-19 a fait prendre conscience que les hommes et les femmes ont été affectés de manière distincte par la pandémie », a déclaré Nabila Aguele, conseillère spéciale du ministre des Finances, du Budget et de la Planification nationale du Nigeria, lors d’un récent entretien.

Cette prise de conscience a ouvert de nouvelles possibilités de réforme politique. « Nous surfons sur cette vague et la réception a été vraiment excellente », s’est réjoui Nabila au sujet des récentes avancées du pays en ce qui concerne l’alignement de l’inclusion et de l’égalité des sexes sur ses politiques fiscales et son système de gestion des finances publiques.

D’autres pays africains surfent également sur cette vague. Et ils ne sont pas seuls à la tâche. Outre le Centre pour le financement durable en Afrique du PNUD, des partenaires comme ONU Femmes, l’OCDE, la GIZ et la CEA aident les pays à tirer parti de l’urgence renouvelée d’aligner le financement du développement et les plans de relance sur l’égalité des sexes. Lors du Forum 2022 du Conseil économique et social de l’ONU (ECOSOC) sur le financement du développement, en avril 2022, le PNUD, le Département des affaires économiques et sociales (DESA) et l’OCDE lanceront conjointement la Plateforme INFF pour répondre au besoin croissant d’assistance technique et de partage des connaissances entre les pays.

Malgré les défis, les pays africains se sont imposés en tant que principaux défenseurs du financement sensible au genre sur le continent et dans le monde. Photo : Shutterstock

Au cours des prochaines années, les pays africains passeront de l’élaboration de stratégies de financement intégrées à la mise en œuvre des réformes des politiques, des réglementations et des instruments indiqués dans ces stratégies.

Les cadres nationaux de financement intégrés permettent de s’assurer que les contrôles, l’analyse et l’engagement en matière de genre, ainsi que les données ventilées par sexe, alimentent les décisions de financement dans les sphères publiques et privées. Ils offrent une occasion unique de tirer parti de la dynamique mondiale, d’intégrer la dimension de genre dans le débat et d’orienter les systèmes financiers africains vers l’égalité.

« Ce sont de belles vagues sur lesquelles surfer », a conclu Nabila.

Par Orria Goni, conseillère en financement des ODD et en coopération Sud-Sud, Luckystar Miyandazi, spécialiste régionale en fiscalité, Ankun Liu, analyste de programme, Ana-Maria Beldiga, stagiaire en financement des ODD et coopération Sud-Sud, Centre de financement durable du PNUD en Afrique, et Lucy Martin, responsable de la communication, mécanisme INFF.

Ce blog est également disponible sur le site de la plateforme de connaissances du Cadre de financement national intégré (INFF). Pour en savoir plus, veuillez consulter le site https://inff.org/.

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