Reconquérir les terrains perdus au VIH

ONU Développement
7 min readDec 6, 2021

Le VIH reste une priorité de santé publique en République du Soudan du Sud avec une prévalence estimée à 2,2 % chez les adultes et seulement 23 % des personnes vivant avec le VIH sous traitement. La pandémie de COVID-19 et les chocs socio-économiques qui en résultent ont créé de nouveaux défis. Même face à ces difficultés, le travail se poursuit pour assurer la continuité du VIH et des services de santé.

Le monde peut mettre fin au VIH, à la COVID-19 et aux autres pandémies à condition de s’attaquer aux inégalités en matière de santé. Les personnes, et en particulier les communautés affectées, doivent être au centre de la préparation et de la réponse aux pandémies. Le partenariat du PNUD avec le Fonds mondial apporte un soutien essentiel aux personnes vivant avec le VIH et aux communautés qui les soutiennent.

Pour commémorer la Journée mondiale de lutte contre le sida, nous avons parlé à des familles de la plus jeune nation du monde, qui a déjà connu deux guerres civiles, pour savoir comment elles sont devenues des exemples vivants d’espoir.

Queen Lezzera and Julia — vivre la sororité

4 novembre 2021. Juba, Soudan du Sud. Queen Lezzera et sa fille, qui est séronégative. Photo : PNUD Soudan du Sud/Peter Kongmalavong

« J’ai été diagnostiquée en août 2013 et je pensais que j’allais mourir. Le pire, c’est que la communauté a commencé à colporter des ragots, ce qui a rendu le parcours d’acceptation de mon état déprimant et difficile. Huit ans plus tard, je suis encore vivante et j’ai une fille, qui est séronégative. Avec le coronavirus, je n’ai pas eu peur. J’ai suivi les directives de santé publique en me lavant les mains, en respectant les mesures de distanciation sociale et en portant un masque. Je pouvais continuer à mener ma vie librement et sans crainte. Le traitement était toujours facilement accessible, même pendant le confinement. » — Queen Lezzera

4 novembre 2021. Juba, Soudan du Sud. Julia Jastin tenant dans ses bras sa fille, qui est séronégative. Photo : PNUD Soudan du Sud/Peter Kongmalavong

« Ma liberté était plus importante et c’est pour cette raison que j’ai révélé fièrement ma séropositivité. » — Julia Jastin

Le partenariat PNUD-Fonds mondial a travaillé avec le National Empowerment of Positive Women United (NEPWU), l’unique réseau de femmes et de filles vivant avec le VIH au Soudan du Sud, par des groupes de soutien de mère à mère (M2M) liés à 39 sites de prévention de la transmission mère-enfant. En 2020, il a permis à 1 500 femmes enceintes d’être orientées vers des soins prénatals, 540 vers des services de maternité, 84 vers des services postnatals et 123 vers un traitement antirétroviral. Les membres du groupe ont été formés pour aider les femmes qui recherchent des services liés au VIH dans les établissements, pour sensibiliser la communauté et pour aider les personnes sous traitement à s’y tenir.

Simon and Lucia —combattre la stigmatisation et les discriminations

4 novembre 2021. Juba, Soudan du Sud. Lucia est leader communautaire pour les personnes vivant avec le VIH.

Simon et Lucia sont des leaders bien connus au sein de la communauté. Lucia vit avec le VIH depuis 13 ans. Grâce au soutien du NEPWU, elle a développé ses compétences en matière de leadership et de facilitation pour devenir un agent du changement dans la lutte contre la stigmatisation liée au VIH.

« La stigmatisation et la peur de révéler son statut empêchent les gens de bénéficier d’un traitement précoce contre le VIH. Désormais, lorsque je vois quelqu’un tousser ou être malade, je l’emmène se faire dépister. Et s’il s’avère qu’il est positif, je partage mon témoignage jusqu’à ce qu’il accepte de prendre ses médicaments. Je vais même leur rendre visite tous les jours, puis toutes les semaines, pour prendre de leurs nouvelles. C’est mon devoir de les aider à se réinsérer dans la société et à prendre leurs médicaments. » — Lucia

4 novembre 2021. Juba, Soudan du Sud. Simon considère le soutien de ses amis comme essentiel à la réussite de son traitement.

Simon John a été diagnostiqué en 2019, bien qu’il pense avoir contracté le VIH beaucoup plus tôt. Sa santé s’est détériorée et son cercle d’amis a commencé à disparaître.

Il savait que les médicaments étaient disponibles, mais il avait aussi besoin de soutien pour se sentir moins seul.

Lorsque ce soutien est arrivé, Simon s’est rendu compte qu’il fallait faire davantage pour apprendre aux membres de la communauté à soutenir leurs amis et leurs voisins qui vivent avec le VIH.

« L’accès aux médicaments n’est pas un problème. C’est vraiment à l’individu de prendre l’initiative de traiter sa séropositivité. L’encouragement que je peux donner, c’est que quelqu’un doit être là pour vous lorsque vous êtes testé positif. Les amis doivent être là, et les gens doivent être là pour vous encourager à prendre les médicaments. » — Simon John

Vaincre la solitude et l’isolement

« L’isolement et la solitude vous tuent plus que le VIH, émotionnellement parlant. » — Julia Jastin.

Au Soudan du Sud, les femmes qui révèlent leur séropositivité à leur partenaire sont souvent abandonnées, ce qui fait d’elles des mères célibataires. Queen Lezzera et Julia Jastin se sont liées d’amitié et ont trouvé de solides réseaux de solidarité féminine pour prévenir la transmission de la mère à l’enfant. Nombreuses sont celles qui, comme elles, ont continué à développer des compétences en matière de leadership grâce aux partenariats gérés par le Fonds mondial et le PNUD pour lutter contre la stigmatisation liée au VIH.

Les mesures de confinement contre le coronavirus à Juba n’ont pas empêché les mères de recevoir des médicaments et des traitements contre le VIH. L’enjeu le plus important a été de les aider à s’occuper de leurs enfants et à générer des revenus.

4 novembre 2021- Juba, Soudan du Sud. Frazer Deng, chauffeur de taxi moto, appelle les hommes à faire un test de dépistage du VIH. Photo : PNUD Soudan du Sud/ Peter Kongmalavong

L’économie du Soudan du Sud repose en grande partie sur l’agriculture et le secteur informel. Frazer Deng, qui vit avec le VIH depuis 12 ans, a de nombreux petits boulots. L’un d’eux est celui de chauffeur de taxi moto. Lorsqu’il a été diagnostiqué, la crainte de ne pas pouvoir gagner de l’argent l’a conduit à des pensées suicidaires.

« La première année, c’était très difficile et trouver un emploi était une priorité. Au fond de moi, je pensais qu’il valait mieux me suicider et vivre dans l’au-delà. Heureusement, j’avais quelqu’un pour me soutenir, et j’ai décidé de prendre un nouveau départ et de me libérer de tout le stress pour accepter de prendre mon traitement. C’est la raison pour laquelle je suis en vie aujourd’hui. » — Frazer Deng

4 novembre 2021- Juba, Soudan du Sud. Abau Olivier, qui vit avec le sida, assise devant la Commission du Soudan du Sud sur le sida. Photo : PNUD Soudan du Sud/Peter Kongmalavong

Abau Olivier, qui vit avec le VIH depuis 15 ans, se souvient clairement à quel point il était impensable que sa vie puisse être transformée. Aujourd’hui âgée de 50 ans, elle a adopté un fils de quatre ans qui vit avec elle et son fils biologique. En 2005, le VIH était considéré au Soudan (à l’époque) comme une condamnation à mort. Personne ne voulait s’approcher d’elle, pas même sa propre sœur.

« Lorsque j’ai été dépistée, j’étais alitée. On me portait sur un lit, je ne pouvais pas marcher et j’étais faible. Tout le monde savait que j’allais mourir, et je savais moi-même que je ne m’en sortirais pas. Aujourd’hui encore, si vous allez dans mon village, tout le monde se souvient du jour où j’étais malade. Même les petits enfants s’en souviennent. » — Abau Olivier

Abau est vendeuse sur les marchés, activité qui joue un rôle important dans l’économie informelle du Soudan du Sud. Sa santé et ses affaires sont florissantes.

« J’encourage toutes les personnes qui ont été testées positives récemment et je leur dis : « Tout ira bien ». »

Mettre fin aux pandémies

En 2020, environ 190 000 personnes au Soudan du Sud vivent avec le VIH et environ 45 533 reçoivent un traitement. On estime que 3 499 vies ont été sauvées en dix ans.

L’entrepôt du Fonds mondial à Juba fournit des kits de dépistage à environ 52 400 personnes chaque mois. Outre le dépistage et le traitement contre le VIH, il réalise des tests et distribue des médicaments contre la tuberculose et la COVID-19, et fournit des équipements de protection individuelle.

Mais l’expérience au Soudan du Sud a prouvé qu’il n’est pas seulement essentiel de disposer d’un traitement, mais qu’il est également crucial de créer un climat dans lequel les gens peuvent révéler leur diagnostic et savoir qu’ils seront soutenus.

23 octobre 2021. Juba, Soudan du Sud. Un collaborateur en charge de l’inventaire montre une feuille d’inventaire à l’entrepôt du Fonds mondial pour les médicaments antiviraux. Photo : PNUD Soudan du Sud/Peter Kongmalavong

Le Fonds mondial est le pilier de la distribution, de la recherche et du suivi des médicaments antiviraux au Soudan du Sud. Chaque processus est essentiel pour les patients qui ont surmonté la stigmatisation liée au fait de vivre avec le VIH et qui reçoivent le traitement qu’ils méritent.

À toutes les étapes de la pandémie de VIH, de la lutte contre le désespoir au triomphe contre les obstacles en menant des vies dynamiques et réussies, les Sud-Soudanais ont montré qu’ils sont désireux de travailler avec des organisations internationales, mais surtout, qu’ils sont encore plus désireux de construire des réseaux locaux qui les soutiennent, eux et leurs voisins.

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