10 questions à l’ambassadeur Peter Thomson

ONU Développement
6 min readJun 22, 2022

À l’approche de la Conférence des Nations Unies sur l’océan, nous avons rencontré l’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour les océans.

L’océan est notre meilleur allié pour faire face à l’urgence climatique. Il produit 50 % de l’oxygène dont nous avons besoin et absorbe 35 % de toutes les émissions de dioxyde de carbone. Photo : Shutterstock

1. Le mot d’ordre de la Conférence des Nations Unies sur les océans est « Sauver notre océan, protéger notre avenir ». Que signifie ce thème selon vous ?

Réponse : Vous connaissez peut-être mon leitmotiv : « Pas de planète saine sans un océan sain, or la santé de l’océan connaît un déclin incontestable ». Ce mot d’ordre signifie donc pour moi que nous devons agir pour inverser ce déclin, dès maintenant.

2. La Conférence s’attachera à faire progresser la science et l’innovation pour réaliser l’Objectif de développement durable 14 sur la vie aquatique. Quels sont les progrès réalisés en la matière et comment tirons-nous parti de la science et de l’innovation ?

L’ODD 14 vise à conserver et à utiliser durablement les ressources océaniques. Nous faisons des progrès raisonnables en matière de protection de l’océan, et j’ai bon espoir que la 15e Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique adoptera l’objectif 30 x 30 dans le courant de l’année. En revanche, nous sommes moins efficaces en matière de gestion durable, et plusieurs secteurs ont de grands projets d’ouverture de nouvelles zones d’activités océaniques non durables. Si nous voulons vraiment instaurer la durabilité, les décisions futures sur l’utilisation des ressources océaniques doivent être fondées sur une planification de l’espace marin intelligente du point de vue du climat. Elles doivent également se baser sur le principe de précaution et sur une science océanique solide, ce qui explique pourquoi les États membres ont lancé la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques actuellement en cours.

En tant qu’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies pour l’océan, l’ambassadeur Peter Thomson dirige les efforts de plaidoyer et de sensibilisation de l’ONU visant à conserver et à utiliser durablement les ressources océaniques pour le développement durable. Photo : ONU/Eskinder Debebe

3. Quelles sont les principales problématiques à l’ordre du jour de la Conférence sur les océans et pourquoi devrions-nous nous y intéresser ?

La Conférence des Nations Unies sur les océans est organisée à l’appui de l’ODD 14. Les principaux sujets abordés sont donc les 10 cibles de cet objectif, qui vont de la pollution marine à la mise en œuvre du droit international. Les États membres de l’ONU ont choisi un thème pour la Conférence qui porte sur le fait d’intensifier l’action en faveur de l’océan, d’établir le bilan, ainsi que sur la science, l’innovation, les partenariats et surtout, les solutions. Les personnes qui se soucient de l’état de l’océan ont tout intérêt à s’y intéresser.

4. Qu’espérez-vous voir se concrétiser à Lisbonne ? Que considériez-vous comme un résultat positif et encourageant ?

J’espère qu’un ensemble de nouvelles solutions scientifiques et innovantes destinées à relever les défis de l’océan verront le jour. Grâce à ces solutions, au cours des prochaines années, nous nous efforcerons d’inverser le déclin de la santé de l’océan.

La Conférence des Nations unies sur les océans se tiendra du 27 juin au 1er juillet au Parque das Nacoes à Lisbonne, et portera sur l’importance de la science et de l’innovation pour atteindre l’Objectif de développement durable 14 relatif à la vie aquatique. Photo : Shutterstock

5. La Conférence initialement prévue en 2020 a dû être reportée à cause de la COVID-19, et la lutte contre la pandémie a entraîné une augmentation des déchets déversés dans l’océan. Dans l’ensemble, quel a été l’impact de la pandémie sur les progrès et la dynamique de l’action en faveur de l’océan ?

Une toute nouvelle catégorie de pollution plastique — les EPI (équipements de protection individuelle) — a intégré le flot de plastique qui se trouve déversé dans l’océan. Sans l’espoir suscité cette année à Nairobi par l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement (UNEA-5.2) et la résolution adoptée visant à créer un accord international juridiquement contraignant pour réglementer la pollution plastique, il y aurait plus de plastique que de poissons dans l’océan d’ici 2050. Nous, les hommes, avons infligé à la nature ce fléau qu’est le plastique, et il est temps que cela cesse.

La menace pour la santé de l’océan provoquée par la pandémie de COVID-19 a exacerbé le problème des déchets plastiques marins et des microplastiques dans l’océan. Photos : Shutterstock

6. En parlant de la pandémie, pouvez-vous nous en dire plus sur le rôle de l’océan pour notre santé et pour notre bien-être ?

L’océan produit non seulement 50 % de l’oxygène de la planète, mais il procure aussi une alimentation saine à des milliards de personnes. Concernant la transition vers des énergies renouvelables, l’océan peut générer l’énergie dont nous avons besoin grâce à l’éolien offshore et à la puissance des vagues et des marées. De même, la décarbonisation du transport maritime mondial par la transition vers l’hydrogène vert peut présenter d’énormes avantages sur la santé humaine. Une approche plus durable de l’approvisionnement en denrées alimentaires d’origine aquatique, notamment grâce aux algues et à une aquaculture véritablement durable, donnera naissance à de nouvelles formes d’alimentation.

L’océan est gravement dégradé à cause de l’activité humaine. Il se réchauffe et s’acidifie. Photo : Shutterstock

7. Quel rôle l’océan, et la Conférence, ont-ils à jouer dans la résolution des crises relatives au climat et à la biodiversité ?

Le lien entre l’océan et le changement climatique est incontestable. L’océan est le plus grand puits de carbone de la planète et il a absorbé plus de 90 % de l’excès de chaleur attribué aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre. Les taux d’acidification de l’océan, qui correspondent à la dissolution du CO2 dans l’eau de mer, sont actuellement environ 10 fois plus élevés que tout ce que nous avons connu au cours des 300 derniers millions d’années. Les effets de ce processus sur les écosystèmes marins tels que les récifs coralliens sont dévastateurs, ce qui est très inquiétant pour l’avenir de la biodiversité marine, puisque ces récifs abritent environ 25 % de toute la vie marine. Pour y remédier, il faut aborder le problème à la source, c’est-à-dire faire baisser nos émissions de gaz à effet de serre à des niveaux acceptables, et cela en cessant d’utiliser des combustibles fossiles pour subvenir à nos besoins énergétiques. C’est possible.

L’énergie éolienne en mer est essentielle à la transition mondiale vers des énergies renouvelables. Photo : Shutterstock

8. Quels enjeux relatifs à la santé de l’océan vous préoccupent le plus ?

Ce qui me consterne le plus, c’est que la plupart d’entre nous continue à vivre comme si nos actions n’avaient aucune conséquence sur les générations futures. Si nos modes de vie actuels ne changent pas, nous serons confrontés à un réchauffement planétaire de 2 à 3 degrés Celsius au cours de ce siècle. Il en va de la vie de nos enfants et de nos petits-enfants, qui connaîtrons un monde frappé par les incendies, les famines, les inondations et les pandémies. La justice intergénérationnelle exige que nous effectuions les transitions nécessaires dès maintenant.

9. Qu’est-ce qui vous rend optimiste quant à la capacité du monde à s’unir pour résoudre ces problèmes ? Dans quels domaines avons-nous fait le plus de progrès ?

Je ne suis ni optimiste ni pessimiste. Je pense que nous devons plutôt faire preuve d’un pragmatisme à toute épreuve et faire ce qu’il faut pour le bien commun. Nous savons tous ce que cela signifie : la détermination, le sacrifice et l’équité doivent vaincre l’apathie et la cupidité. Ils laisseront le progrès et la prospérité en héritage.

10. Pour conclure, pouvez-vous nous raconter un de vos souvenirs ou une de vos expériences les plus marquantes en rapport avec l’océan ?

Je vais éviter de vous parler des centaines de fois où j’ai eu le mal de mer. J’aimerais plutôt évoquer les moments de bonheur que j’ai passés en bord de mer avec ma famille et mes amis, à nager, à faire de la plongée, de la voile, à surfer et à apprendre à mes enfants à nager. J’espère pouvoir faire tout cela avec eux de retour aux Fidji en octobre.

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