Quand l’Afrique anglophone rencontre l’Afrique francophone : Regards croisés de la déforestation en Côte d'Ivoire et en Ouganda

2 avril 2020

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Blog Conjoint Côte d’Ivoire-Ouganda

"Quand l’Afrique anglophone rencontre l’Afrique francophone : Regards croisés de la déforestation en Côte d'Ivoire et en Ouganda"

Au cours des dernières décennies, l'avenir des forêts est devenu une préoccupation mondiale. Selon la World Wildlife Foundation, notre planète perd 18,7 millions d'hectares de forêts chaque année, ce qui équivaut à 27 terrains de football chaque minute.

Nos équipes Accelerator Lab de l'Ouganda et de la Côte d'Ivoire se sont récemment réunies à Abidjan pour échanger et partager leurs expériences sur la déforestation afin de jeter les bases d’une collaboration multi-pays à travers des sessions de sensemaking et de cartographie de solutions. Il faut dire que la déforestation est un défi urgent pour les deux pays, malgré les différences socioculturelles, environnementales et linguistiques.

Notre intérêt commun sur la déforestation est né lors d'un atelier de renforcement des capacités initié pour présenter l'approche du réseau Accelerator Lab pour relever les défis complexes du développement. L’Accelerator Lab Ouganda a pu partager des enseignements rapides et l’équipe de Côte d’Ivoire a pu apprendre comment les méthodologies propres au réseau Lab peuvent être utilisées pour comprendre les complexités de la déforestation.

Encadrer la déforestation : différences et points communs entre l’Ouganda et la Côte d'Ivoire

La déforestation a un impact important sur la vie sociale, économique, politique et environnementales de l'Ouganda et de la Côte d'Ivoire. Si rien n’est fait pour lutter contre la dégradation des forêts et la perte du couvert forestier, les conséquences risquent d’être désastreuses pour les deux pays.

En Ouganda, par exemple, notre engagement avec les parties prenantes dans une série de réunions de renseignement collectif et les missions d'enquête ont permis d’identifier plusieurs sources de pressions sévères exercées sur les forêts, principalement l’agriculture intensive résultant de l'augmentation de la population; la demande urbaine de plus en plus croissante de charbon de bois et de bois de chauffe; l’exploitation industrielle incontrôlée de bois; et l'échec des politiques, entre autres.

Si la déforestation se poursuit au rythme actuel, l'Ouganda risque de perdre ses forêts au cours des 40 prochaines années.

Les effets négatifs de la déforestation aggravent le changement climatique, la dégradation des sols et la réduction de la biodiversité. Pire encore en Ouganda, la diminution du couvert forestier a entraîné un déficit en bois de chauffe, d'où une augmentation des coûts et un fardeau pour les femmes et les enfants qui sont obligés de parcourir de longues distances pour en ramasser. Il faut dire que 90% des Ougandais utilisent le bois de chauffage et le charbon de bois comme principales sources de combustible pour faire la cuisine, selon la National Environment Authority (NEMA, 2018).

L’économie ougandaise et le bien-être de ses populations sont étroitement liés aux avantages que procurent les forêts. Si la situation n'est pas inversée, l'effet induit risque d’être catastrophique : aggravation de l'insécurité alimentaire, maladies et conflits, et ralentissement ou régression de la trajectoire de développement du pays.

Dans la même perspective, la Côte d'Ivoire souffre non seulement des effets du réchauffement climatique à travers la dégradation de ses côtes et de l'avancée de la mer, mais aussi de la perte du couvert forestier qui a été accélérée ces dernières années.

Dans cette collaboration naissante entre les deux pays, nous avons découvert des facteurs similaires et particuliers de déforestation. 57% des forêts de Côte d'Ivoire ont disparu entre 1990 et 2015 (Bureau National d'Etudes Techniques et de Développement (BNETD) ; 2016). Cette baisse est due en grande partie à la culture lucrative du cacao dont la Côte d'Ivoire est le plus grand producteur mondial. En effet, 75% de la déforestation provient de la culture intensive des produits d'exportation.

Un autre facteur du rétrécissement du couvert forestier est l'exploitation du bois destiné à l'exportation, principalement vers les pays européens et utilisé pour le revêtements de sol et sous forme de contreplaqués et de débités. Ces exportations contribuent à 40% du PIB de la Côte d'Ivoire, selon les explications données par la Directrice Générale des Forêts et de la Faune, le Colonel-Major Zouzou Mailly Elvire Joëlle. Aujourd'hui, la Côte d'Ivoire dispose de moins de 03 millions d'hectares alors que cette couverture était de 16 millions dans les années 1960, conséquences de la surexploitation des forêts, ce qui en fait une question urgente sur laquelle le gouvernement voudrait apporter des solutions appropriées.

"Le ministère s'est lancé dans une stratégie de reboisement et, à partir de cet atelier, nous avons été initiés à la méthodologie d'Accelerator Lab pour relever des défis complexes. Par conséquent, l'expérimentation est certainement une bonne approche pour valider la stratégie forestière », a déclaré le Colonel Major Zouzou Mailly, qui a participé à la session de Outreach, à laquelle l’équipe de AccLab Ouganda a participé.

Partager les connaissances en dépit des barrières linguistiques

"Cessons de blâmer la barrière de la langue. La collaboration multi-pays apporte une nouvelle perspective pour comprendre les défis du développement et comment les relever", a déclaré Jonas Mfouatie, Représentant Résident adjoint, en charge des programmes du PNUD en Côte d'Ivoire.

Malgré la barrière de la langue (l'Ouganda, pays anglophone et la Côte d'Ivoire, pays francophone), notre interaction a été significative et notre collaboration n’est qu’à ses premiers pas.

Au cours de nos discussions avec la Directrice des Forêts et de la Faune, le Colonel-Major Zouzou Mailly Elvire Joëlle, nous avons abordé des mesures simples et peu coûteuses qui peuvent être mises en œuvre rapidement pour réduire la pression sur les forêts, ainsi que des stratégies que les deux pays pourraient déployer pour protéger plus vigoureusement leurs ressources forestières.

En Côte d'Ivoire, par exemple, à la faveur des négociations de l’APV-FLEGT avec l’Union Européenne, des outils sont en cours d’élaboration notamment une grille de légalité, un système de vérification de cette légalité y compris un système de traçabilité du bois permettant d’endiguer ou tout au moins réduire significativement l’exploitation forestière illégale et ses conséquences sur l’environnement, l’économie et les communautés. Toujours en partenariat avec l'Union Européenne, la Côte d'Ivoire a testé de nouvelles technologies de surveillance et de suivi de la perte du couvert forestier et des projets pilotes sont en cours d’exécution pour tester la traçabilité du charbon de bois durable et légal utilisé par les ménages, conçu avec le système de blockchain. Il s'agit notamment de la technologie de surveillance par satellite "Starling", déployée en 2019 par la Société de Développement des Forêts (SODEFOR), dans une phase pilote, en partenariat avec Earthworm Foundation, une ONG internationale suisse "The Forest Trust" et le soutien technique d'Airbus Defence and Space (ADS). C'est un outil qui permet d’utiliser des drones pour amplifier et améliorer les images du couvert forestier à des périodes bien déterminées. Les résultats ainsi obtenus permettent d’orienter les patrouilles afin d'améliorer le suivi et la surveillance des activités forestières.   L'équipe AccLab de l'Ouganda a pu identifier les points de collaboration et explorer les possibilités de reproduire des solutions similaires dans les efforts de restauration des forêts.

Voir au-delà de l’évidence !

"J'ai maintenant une image du PNUD en tant qu'organisation plus accessible avec des outils et des méthodes innovants", a déclaré Mme Patricia Zoundi Yao, l'une des participantes à la session de Outreach.

Le partage d’expériences a été une excellente occasion au nouvel Accelerator Lab en Côte d'Ivoire de développer une feuille de route claire des activités, d'affiner les outils et de fixer des échéances alors que nous nous embarquons dans un voyage d’immersion dans les communautés à travers l'exploration, l'identification et la mise en place de notre portefeuille d'expériences. Dans le même temps, l’équipe AccLab de l’Ouganda, le personnel du PNUD et d'autres parties prenantes ont pu tirer des enseignements à travers les échanges intenses qui ont eu cours au cours de cet atelier.

La prévention et la réduction des effets négatifs sur l’environnement associés à la déforestation étaient notre priorité lors de nos journées de planification des actions, et l'exploration des multiples moyens de mise en œuvre des méthodologies Accelerator Lab pour identifier les points de levier du système qui peuvent éventuellement entraîner une transformation réelle.

À l'avenir, les deux équipes AccLab accordent la priorité à la collaboration avec le gouvernement pour commencer à mettre en œuvre certaines des expériences à impact rapide que nous avons identifiées comme prometteuses, afin de progresser sur nos défis de déforestation. Nous espérons partager les progrès de ces actions au cours de nos phases de croissance et de mise à l'échelle.

La collaboration modélisée par les équipes de la Côte d'Ivoire et de l'Ouganda s'appuie sur les efforts du réseau d'accélérateurs de laboratoires pour créer des apprentissages partagés entre les régions, les sujets et les approches des laboratoires.

Par les équipes Accelerator Lab d'Ouganda et de Côte d'Ivoire:
Deborah Naatujuna, Hadijah Nabbale, Berna Mugema, Prisca Brou, Mahama-Mahama Gbane et Georgette Zamblé