Consultations pour améliorer le travail des femmes dans le commerce transfrontalier

9 août 2021
atelier de partage des résultats des consultations nationales sur les femmes dans le commerce transfrontalier.

Atelier de partage des résultats des consultations nationales sur les femmes dans le commerce transfrontalier.

©Fleury Kid Ineza/UNDP Burundi

Du 19 au 23 juillet 2021 se sont tenues les consultations régionales « sur les femmes dans le commerce frontalier ». Lancées à Makamba, ces consultations visent à offrir une plateforme permettant aux femmes d'exprimer leurs besoins et leurs intérêts en matière de commerce transfrontalier, relever les défis auxquels elles font face et réfléchir sur des éléments de recommandations pour y faire face dans le contexte de la zone de libre-échange continentale Africaine (ZLECAf), en cours d’élaboration.

Ces consultations arrivent au moment où le Burundi compte tirer un maximum de profits de ce nouvel accord (ZLECAf), qui, selon la Banque mondiale relie 1,3 milliard d'africains. La même source ajoute qu’elle devrait sortir 30 millions de personnes de l'extrême pauvreté, augmenter les revenus de près de 68 millions d'autres vivant avec moins de 5,50 dollars par jour et stimuler des salaires plus élevés, respectivement,10, 5% pour les femmes et 9,9% pour les hommes.

Par ailleurs, d’après le NEPAD, les estimations actuelles indiquent que le volume des échanges en Afrique subsaharienne devrait plus que tripler, passant de 102,6 millions de tonnes en 2009 à 384,0 millions de tonnes en 2030, si les corridors commerciaux sont achevés (NEPAD, lancement de l’initiative MoveAfrica, Kigali, 2016).

De potentiels avantages pour le Burundi

L’entrée du Burundi à la ZLECAf lui offre de potentiels avantages dont l’accroissement en volume et valeur du commerce intra-africain consécutif à la réduction des barrières tarifaires et non-tarifaires avec une augmentation plus prononcée dans le secteur manufacturier, l’accélération de l’industrialisation du Burundi conformément aux objectifs stratégiques du troisième axe de son PND 2018-2027 qui vise à « développer une industrie dynamique, diversifiée et compétitive au niveau régional et international ».

A noter que la ZLECAf ouvrira des marchés dans des secteurs critiques dans lesquels les femmes sont engagées, tels que l'agriculture, l'industrie manufacturière (vêtements et textiles) et les services, y compris le tourisme et d'autres services aux entreprises. Pour garantir ses fruits, il est essentiel que les défis uniques auxquels les femmes continuent de faire face soient mis en évidence, et les éléments de réponse pour les adresser identifiés et mis en route, pour éclairer l'élaboration du Protocole sur les femmes dans le commerce.

La ZLECAf est donc une partie de réponses aux problèmes que rencontrent les femmes dans le commerce transfrontalier en particulier mais également dans le commerce intra-africain, vu que la Politique Nationale du genre du Burundi reconnait, entre autres, le défi de l’égal accès et accessibilité aux ressources et aux opportunités économiques par les femmes. D’où, la pertinence de sa contribution à l'élaboration du Protocole sur les femmes dans le commerce afin de répondre aux défis de la participation et du renforcement des capacités économiques des femmes.

Les consultations nationales sont donc un élément important pour développer les outils pour adresser les défis auxquels les femmes sont confrontées et identifier les opportunités existantes et potentielles pour leur permettre de mieux s'engager dans le commerce intra-africain. La définition des priorités des femmes burundaises à l'élaboration du Protocole sur les femmes dans le but de promouvoir leur pleine participation aux activités commerciales transfrontalières est l’élément central sur lequel s’est focalisé ces consultations nationales qui, au Burundi, sont conjointement conduites sous le leadership des Ministères en charge du Genre et du Commerce avec l’appui technique et financier du PNUD et de ONUFEMMES.

Parmi les contraintes liées au commerce transfrontalier et soulevées qui obstruent le travail des femmes évoluant dans le secteur figurent le sous-développement des infrastructures : services d’information et d’appui aux commerçants et commerçantes aux niveaux des frontières, services de santé, service d’appui pour les VBG, énergie, transport, stockage, télécommunication y compris les technologies de l’information et de la communication auxquelles ces femmes ne sont pas initiées. Cela rend les coûts de transaction très élevés pour réaliser des affaires dans la région mais également rend les femmes plus vulnérables.

Les infrastructures de transport et de logistique ont un impact direct sur la capacité de traitement des exportations et des importations des pays, sur le développement des routes de distribution, sur la fréquence des envois et sur les frais de manutention de marchandises, de stockage, de distribution et des services connexes.

Le commerce transfrontalier souffre aussi des conflits, qui, malheureusement s’enlisent dans la région des grands-lacs, dont fait partie le Burundi, alors que l’intégration économique régionale permet de promouvoir la paix et la stabilité politique des pays qui s’y engagent.

De nombreuses barrières tarifaires et non tarifaires !

Des barrières tarifaires et non tarifaires alimentent également les défis sur lesquels butent les femmes. Parmi elles se comptent aussi, le manque de transparence et l’ignorance, aussi bien par les commerçantes que par les agents de l’État. L’ignorance de la réglementation régissant les mouvements transfrontaliers des marchandises et des personnes vient encore aggraver la situation. Également, beaucoup de commerçantes se disent victimes d’actes de violence, de dénigrement, de menaces et de harcèlement sexuel ; elles peuvent être battues, insultées, dévêtues, harcelées sexuellement et même violées.

Selon une analyse faite par la Banque mondiale en 2011, il est établi que les contraintes entravant le commerce transfrontalier pour les femmes se présentent en ce termes : Pots de vin (85 %), confiscation de marchandises (38 %), actes de violence et harcèlement sexuel (54 %), amandes (60 %), attentes prolongées (19 %), violence verbale et sexuelle (38 %).

Les femmes commerçantes victimes de catastrophes et intempéries

Ces commerçantes sont aussi victimes des différentes catastrophes et intempéries comme le Covid – 19 qui a dépourvu les familles des moyens de subsistance, beaucoup d’entre elles ayant consommé leur capital suite à la fermeture des frontières. Souvent, il n’est pas rare de voir les familles se disloquer parce que la femme n’arrive plus à faire vivre la famille comme avant.

Afin de mettre fins aux problèmes rencontrés par les femmes impliquées dans ce commerce, les participants et les participantes à ces consultations sont unanimes qu’il faut mener des actions et prendre des mesures adéquates pour faire respecter leurs droits, assurer leur sécurité, améliorer l’environnement de travail, dont la qualité de prestations des agents publics œuvrant aux frontières et la lutte contre la corruption.

En plus de la demande de la mise en place des institutions de financements pour qu’elles accèdent au capital, et à un taux d’intérêt raisonnable, elles sollicitent :

  • L’installation d’un bureau d’informations à la douane et si possible un bureau unique pour les deux pays,
  • La diminution de diverses taxes encourues qui conduisent parfois à la faillite,
  • L’apprentissage de la réglementation,
  • La rapidité dans le traitement des dossiers pour que ces commerçantes ne passent pas des jours à attendre pour dédouaner leurs marchandises, car la lenteur conduit souvent aux actes de corruption, de viol et de vol,
  • L’écoute des femmes et leur considération égale avec les hommes en ne traitant pas prioritairement les dossiers des hommes, ce qui est un bafouement de leurs droits et   un dénigrement lié à leur genre,
  • Le développement des TIC et la formation de femmes à leur utilisation afin de leur faciliter la communication et leur entrée dans la finance électronique,
  • La formation et la sensibilisation de ces commerçantes à lutter contre la fraude en leur facilitant les services,
  • L’installation de balances à différentes frontières pour éviter par exemple que les gens de Ruyigi aillent faire peser les marchandises à Gitega , ce qui augmente énormément les charges,
  • La traduction des documents utilisés et les lois en langue nationale pour qu’ils soient bien compris,
  • Le raccourcissement de délivrance de documents de voyage qui prennent actuellement plusieurs jours voir des mois. Elles demandent une décentralisation totale de leur octroi au niveau provincial,
  • La multiplication des guichets de l’OBR pour éviter la fraude et l’emprunt des postes-frontières illégaux,
  • L’apprentissage aux femmes commerçantes de la formule de calcul des taxes,
  • La sensibilisation de ces femmes et le partage de connaissances sur les règlements d’autres pays,
  • L’organisation de voyages d’études pour acquérir l’expérience d’autres pays,
  • La levée du poids de la culture pour que la femme contrôle son revenu,
  • La présence d’un corps médical suffisant et du personnel féminin pour faciliter les fouilles, ce qui éviterait les cas de harcèlement enregistrés aux frontières,
  • La mise en place d’un cadre d’écoute et de règlement de problèmes à la frontière,
  • L’installation d’infrastructures adaptées aux femmes et aux handicapées à la frontière.

Le 29 du même mois, un atelier national a été organisé à Bujumbura pour analyser et adopter les conclusions venues des provinces. Celle-ci a réuni les différents groupes qui ont participé dans les consultations régionales et les administratives aux niveau local et central.