Sécurité et action climatique : deux faces d’une même médaille

14 janvier 2022

PNUD

La COP 26, qui s’est déroulée en novembre, a laissé au monde un bilan mitigé. L'objectif de 1,5 degré a été maintenu et 154 pays ont soumis des Contributions déterminées au niveau national révisées.

Mais soyons francs : nous ne sommes pas encore parvenus à endiguer les effets du changement climatique, comme l'a révélé en août dernier le sixième Rapport d'évaluation du GIEC.

Il est désormais bien connu que le changement climatique n'est pas seulement un phénomène environnemental, mais qu'il a des répercussions sur la paix et la sécurité au niveau national et international. Au cours des 60 dernières années, on constate, sans surprise, que 40 % des conflits interétatiques ont été liés aux ressources naturelles ou à la dégradation de l'environnement. Lorsque les ressources naturelles sont en jeu, la probabilité d'une reprise du conflit dans les cinq ans est deux fois plus élevée.

Et si le changement climatique n'est pas en soi une cause de conflit, il est de plus en plus évident qu'il faut aborder le changement climatique et la dégradation de l'environnement comme des multiplicateurs de risque, et donc comme une question de paix et de sécurité.

En Somalie, par exemple, la sécheresse, les déplacements internes, l'insécurité alimentaire chronique et l'insuffisance des efforts de réponse ont fait qu'Al Chabab est devenu le prestataire de services le plus sinistre, mais aussi le plus efficace, ce qui a aidé le groupe à renforcer sa légitimité et à grossir ses rangs. Et au Nigéria, la dégradation des pâturages a exacerbé le conflit chronique entre agriculteurs et éleveurs nomades en 2018, ce qui a entraîné des violences intercommunautaires considérées comme six fois plus meurtrières que l'insurrection de Boko Haram, selon l'International Crisis Group.

Le changement climatique et la fragilité se conjuguant au détriment des plus vulnérables, la Banque mondiale estime que d’ici à 2050, 216 millions de personnes seront contraintes de migrer à l’intérieur de leur pays, dans six régions.

Ce tableau semble sombre, et il l'est, mais des efforts sont en cours pour relever ces défis.

Au cours des dernières années, le Conseil de sécurité de l'ONU a mis en évidence, dans près d'une douzaine de résolutions liées à différents mandats nationaux et régionaux, les risques sécuritaires liés au climat, notamment dans le bassin du lac Tchad, au Mali, en Somalie, en Afrique centrale et au Soudan. Et en 2018, le Mécanisme de sécurité climatique de l'ONU a été créé en tant que première institution destinée à relever ce défi. Il rassemble plusieurs organismes de l'ONU et bénéficie du soutien de la Suède, de l'Allemagne, de l'Irlande, de la Norvège et du Royaume-Uni.

Au PNUD, nous intégrons l'action climatique à la prévention des conflits et à la consolidation de la paix, par exemple par le biais de notre Promesse climatique qui soutient 120 pays (dont 47 États fragiles et touchés par des conflits) et en déployant les 110 Conseillers en matière de paix et de développement du Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix des Nations unies, afin de renforcer les capacités en matière de prévention des conflits et de consolidation de la paix.

Ce sont des étapes importantes, mais nous devons encore faire plus :

  • Le travail de prévention des conflits, de consolidation de la paix, de stabilisation et de prévention de l'extrémisme violent doit se faire à l’épreuve des changements climatiques. Sur 1 milliard de personnes fortement exposées aux changements climatiques dans le monde, environ 400 millions sont également victimes de conflits.
  • Le financement de l’action climatique doit atteindre les personnes touchées par les conflits et l'insécurité. Les mécanismes de financement actuels n'atteignent souvent pas les milieux les plus vulnérables.
  • Les approches intégrées de l'action climatique et des risques sécuritaires doivent être notre méthode de travail habituelle. Nous ne pouvons plus « parler » du climat à la seule communauté climatique, ni de la sécurité à la seule communauté sécuritaire.
  • La base d’éléments probants doit être renforcée. Gérer les conflits et la fragilité nous oblige souvent à travailler dans des contextes où les données sont très limitées, cachées ou indisponibles. Construire de nouveaux ensembles de données ou examiner les données existantes sous un nouvel angle permet de décider et de réagir mieux, plus rapidement et à l'échelle souhaitée.
  • Nous avons besoin de davantage d'experts couvrant à la fois les questions de climat et de paix/sécurité. Cela implique de tenir davantage compte des connaissances et de l'expertise du Sud, notamment en ce qui concerne les besoins des femmes et des jeunes dans les contextes touchés par le changement climatique, les conflits et l'insécurité.

La pandémie de COVID-19 est l'occasion d'opérer ces changements fondamentaux. Alors que les gouvernements et la communauté internationale mettent en place d'énormes plans de relance, nous devons veiller à ce que ces investissements soient orientés vers les sociétés vertes, résilientes et pacifiques de demain.

L'orientation des flux financiers peut montrer où se situent les lacunes actuelles. Alors que la communauté internationale s'efforce, depuis la Conférence de Copenhague sur les changements climatiques, de tenir la promesse de 100 milliards de dollars par an pour le financement de l’action climatique, les dépenses militaires mondiales ont atteint un pic de près de 2000 milliards de dollars des États-Unis en 2020. Et ce, alors qu'il est prouvé que les meilleurs investissements que nous pouvons faire en matière de sécurité sont ceux qui concernent la prévention et le développement.

Dans ce contexte, les Objectifs de développement durable (ODD) constituent le schéma directeur de la voie à suivre. Il s'agit du premier et unique programme de systèmes convenu au niveau mondial, conçu pour faire face à des défis interconnectés tels que le climat et la sécurité. Il est temps d'en tirer le meilleur parti.

Nous avons récemment montré que des politiques et des investissements audacieux dans les ODD pourraient aider les pays situés au bas de l'échelle du développement humain, dont beaucoup sont également qualifiés de « fragiles », à dépasser les trajectoires de développement pré-pandémique et à sortir 100 millions de personnes de la pauvreté d'ici 2030.

En d'autres termes, tout dépend des choix que les dirigeants font aujourd'hui. Le lien entre changement climatique et sécurité ne doit pas être un simple compromis dans les priorités politiques, mais une occasion d'aborder certaines des questions déterminantes de notre époque par une action intégrée.

Cet éditorial a été rédigé d’après un discours prononcé par Ulrika Modéer le 10 janvier 2022 à l’occasion de la conférence « Folk och Försvar ».