Relèvement post-COVID-19 au Bénin : l’inclusion numérique pour stimuler l’économie locale

PNUD Bénin
6 min readApr 11, 2022
À Kalalé, au Bénin, des participants à une formation promouvant l’entreprenariat et l’inclusion numérique des populations vulnérables montrent leur téléphone portable en signe de satisfaction. Crédit photo: FENU et PNUD / Yézaël Adoukonou.

Sans accès à un compte bancaire, monter une affaire est une tâche ardue

Anne Owa est une vendeuse de nourriture bien connue des habitants de Boukoumbé, une localité du nord-ouest du Bénin. Anne ne parvient pas à faire des économies : ne disposant pas d’un compte bancaire pour sécuriser ses économies, son mari lui vole régulièrement l’argent qu’elle cache sous un lit ou dans ses pagnes.

« Mon mari sait où je cache mon argent. Il m’en emprunte régulièrement et ne me rembourse jamais. Mes enfants me volent eux aussi. Avec la formation que je viens de recevoir sur la gestion financière et l’épargne, je vais pouvoir mettre mon argent sur Mobile Money et j’aurai la paix », explique Anne, l’air aussi soulagé que déterminé.

Le service Mobile Money dont parle Anne a été développé par les établissements de téléphonie mobile habilités à distribuer de la monnaie électronique au Bénin. Il permet de payer des factures, de déposer ou retirer de l’argent et d’effectuer des virements facilement et en toute sécurité, le tout à l’aide d’un téléphone portable.

Anne Owa a participé à une formation promouvant l’entreprenariat et l’inclusion numérique des populations vulnérables à Boukounmbé, au Bénin. Elle a décidé d’ouvrir un compte Mobile Money car elle est convaincue qu’il lui fera gagner du temps, sécuriser son avoir, allègera le coût de ses transactions et sera facile à utiliser. Crédit photo : FENU et PNUD / Yézaël Adoukonou

Comme Anne, beaucoup de femmes et de jeunes au Bénin ont monté une petite affaire ou exploitent un petit terrain agricole pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, mais ne disposent pas d’un compte bancaire pour pouvoir investir et développer leur activité grâce la contraction de crédits, à la gestion de leur épargne, ou à la réalisation de virements.

La situation économique de ces personnes déjà vulnérables s’est encore aggravée avec la crise de la COVID-19, qui les a poussées à stopper leur activité, révélant la nécessité pour les pouvoirs publics d’investir urgemment dans des programmes locaux de renforcement de la résilience en s’appuyant sur des solutions numériques, qui sont apparues comme un outil efficace pour assurer la continuité des activités productives et commerciales de ces populations.

Des communautés mieux armées pour se remettre de la crise de la COVID-19 : le projet R2R

C’est dans ce contexte que l’ONU a financé un projet destiné à former pendant un an des milliers de micros/petits entrepreneurs et de petits exploitants agricoles à l’utilisation de solutions numériques, à la création d’entreprises et à la gestion financière, afin de les aider à développer leur affaire, à continuer à générer des bénéfices et à préserver les emplois qu’ils ont créés.

Le projet en question est baptisé “Tirer parti des solutions numériques pour l’amélioration de la résilience au relèvement (R2R) post-Covid des populations vulnérables au Bénin” et les formations assurées dans ce cadre se déroulent dans dix localités béninoises frontalières à fortes potentialités : Nikki, Kalalé, Boukoumbé, Glazoué, Avrankou, Aplahoué, Grand Popo, Zagnanado, Bassila et Kétou.

Séance de formation sur les solutions numériques et entrepreneuriales à Boukoumbé, au Bénin.
Crédit photo : FENU et PNUD / Yézaël Adoukonou.

Des solutions numériques qui changent le quotidien

Des gestes aussi courants que celui qui consiste à déposer ou à retirer des billets dans un distributeur automatique ou à faire un virement au guichet d’une banque ne sont pas une évidence pour les familles démunies qui ne peuvent pas engager de frais pour ouvrir un compte bancaire, n’ont pas toujours accès à un moyen de transport abordable pour se rendre à la banque, ou doivent assumer des contraintes qui réduisent le temps dont elles disposent pour faire les démarches nécessaires.

Aujourd’hui, Sossavi Kodjo, un cultivateur de la commune de Grand-Popo (Arrondissement de Djanglanmey, village de Batoto), au sud du Bénin, est très content de pouvoir utiliser le service Mobile Money pour contourner ces difficultés : « J’utilise Mobile Money pour envoyer de l’argent à mes enfants à Cotonou. Cela m’évite de faire le déplacement. J’économise en temps et argent ».

À Djanglanmey, dans la même commune, Denise Mensah, une vendeuse de noix de palme et d’huile de palme, n’a plus à se faire de soucis. Après chaque journée de travail, elle dépose sa recette sur son compte Mobile Money et retire de l’argent en cas de besoin, via son téléphone portable, une nouvelle habitude qui lui était jusqu’ici complètement étrangère.

Sossavi Kodjo a participé à une formation sur l’entreprenariat et le numérique dans la commune de Grand-Popo, au Bénin. Crédit photo : PNUD Bénin et FENU / Elsie Assogba.

Sécurisation des outils numériques : l’autre facteur de succès des stratégies de relèvement post-COVID-19

Mais le recours à un service numérique pour la gestion de ses comptes, de sa trésorerie et de ses transactions financières est une idée qui ne va pas de soi. Lorsqu’on est un petit exploitant agricole pour qui chaque fruit ou légume récolté compte, ou un micro-entrepreneur sans expérience qui a réussi à surmonter une multitude d’obstacles pour monter une affaire dont il ou elle dépend pour survivre, on fait nécessairement très attention à préserver le capital qu’on a construit.

C’est cette vulnérabilité qui explique en partie la réticence de certains petits producteurs et commerçants à se servir des outils numériques dans le cadre de leur activité. Méconnaissance du mécanisme de réalisation des transactions à l’aide d’un téléphone portable, fausses informations générant la crainte de voir ses fonds se volatiliser en cas de perte de son téléphone, ou encore crainte des conséquences que pourrait avoir le vol de son code personnel : voilà autant de sources d’inquiétude qui freinent l’adoption de solutions numériques de soutien au développement dans certaines localités du Bénin.

C’est la raison pour laquelle les formations dispensées dans le cadre du projet R2R de l’ONU mettent autant l’accent sur le numérique — à travers le service Mobile Money — parallèlement aux cours sur l’entreprenariat et la gestion financière.

À Nikki, au Bénin, un formateur de Tic Agrobusiness montre à des membres d’une association de femmes comment utiliser leur téléphone portable pour effectuer des transactions financières. Crédit photo : FENU et PNUD / Yézaël Adoukonou.

Les personnels qui assurent ces formations observent d’ailleurs, pour leur plus grande satisfaction, qu’à chaque fois qu’ils apportent des réponses aux questions que leur posent les participants sur la sécurité du service Mobile Money, ceux-ci font preuve d’un enthousiasme immédiat car ils comprennent vite qu’un tel service leur permettra au contraire de protéger leurs avoirs et d’en optimiser la gestion.

« Je ne savais pas que mon portable pouvait améliorer mes activités économiques et me permettre de mieux gérer mes revenus », s’est réjouie une participante à l’issue d’une session organisée à Boukoumbé.

Dans toutes les communes où se déroulent ces formations, l’engouement pour l’acquisition de nouvelles compétences entrepreneuriales, financières et numériques est palpable. Et pour cause : les participants savent que ces compétences vont leur permettre de regagner confiance en l’avenir et en leur capacité à devenir ou à redevenir financièrement indépendants.

D’un budget total de 1.164.749 dollars américains, le projet R2R est mis en œuvre par plusieurs prestataires de services dont Tic AgroBusiness, une start-up béninoise engagée dans la diffusion des bonnes pratiques agricoles à travers le numérique , et cofinancé par le Fonds d’affectation spéciale pluripartenaires des Nations Unies pour l’action face à la COVID-19 et pour le relèvement, le Fonds d’Équipement des Nations Unies (FENU) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Les micro-entrepreneurs et exploitants agricoles participant aux formations assurées dans le cadre du projet ont été mobilisés par l’intermédiaire de coopératives agricoles et d’associations de femmes pour l’épargne. Les formations dispensées ont déjà bénéficié à plus de 10.000 personnes (6.000 micros et petits entrepreneurs et 4.000 petits exploitants agricoles), dont au moins 60% de femmes.

Article écrit par Elsie Assogba, du PNUD au Bénin et Yézaël Adoukonou, du Bureau du Coordonnateur résident des Nations Unies au Bénin, avec l’appui éditorial du Bureau des Nations Unies pour la coordination des activités de développement (BCAD).

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Le PNUD est le réseau mondial de développement dont dispose les Nations Unies. Il appuie le Bénin à relever les défis d’un développement humain durable.