« Je pleure sans raison apparente »

Prise en charge de la santé mentale en Syrie

ONU Développement
5 min readOct 9, 2020
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« Je préfère être seule. J’ai mille mots, aucun ne décrit ce que je vis, et oui, je n’ai pas seulement pensé à mettre fin à ma vie, j’ai essayé. Pendant longtemps, j’ai pensé que le nuage gris au-dessus de ma tête serait mon seul compagnon. Et maintenant COVID-19 et la quarantaine ! Nous sommes coincés. Il n’y a pas d’oxygène, il n’y a pas d’espoir. » Ces paroles désespérées viennent d’une jeune femme de 26 ans vivant en Syrie.

Plus de neuf années de guerre ont laissé 11,7 millions de Syriens démunis et 6,2 millions déplacés à l’intérieur du pays, certains à plusieurs reprises. Avec près de 83 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté, peu de Syriens ont été épargnés par les conséquences directes et indirectes de ce qui constitue l’une des plus grandes crises de déplacement au monde, et des millions dépendent encore de l’aide humanitaire pour leur survie.

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L’Organisation mondiale de la santé estime que dans les zones touchées par un conflit, une personne sur cinq souffre d’une forme de trouble mental, allant de la dépression légère ou de l’anxiété à la psychose. Près d’une personne sur dix souffre de troubles mentaux modérés ou graves.

« Je pensais le porter avec moi jusqu’à la tombe sans jamais le dire à personne. Le psychiatre m’a aidé à exprimer mes pensées dès la première séance. J’ai été surprise. J’ai du laisser sortir ces pensées. Après chaque séance, j’ai senti que j’avais l’énergie nécessaire pour surmonter les difficultés auxquelles je suis confrontée. J’avais besoin de cela. J’avais besoin de confier mes pensées à quelqu’un, » a déclaré une femme de 25 ans qui reçoit le soutien de Fadfada, la première plateforme syrienne de soutien psychosocial en ligne lancée par le PNUD.

Pour ceux qui luttent pour leur santé mentale, la pandémie de COVID-19 représente une source de douleur supplémentaire; une crise dans la crise, qui menace d’avoir des effets socio-économiques profonds sur le peuple syrien, exacerbant la souffrance des populations les plus vulnérables dans les mois et les années à venir.

Selon les mots du secrétaire général des Nations unies, António Guterres, « la santé mentale est au centre de notre humanité. Le virus COVID-19 n’attaque pas seulement notre santé physique, il aggrave aussi la souffrance psychologique, le chagrin causé par la perte de proches, le choc lié à la perte d’emploi, l’isolement et les restrictions de mouvement, la dynamique familiale difficile, l’incertitude et la peur de l’avenir ».

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En outre, les normes sociales toxiques préexistantes et les inégalités entre les sexes, combinées au stress économique et social causé par la pandémie, ont entraîné une augmentation de la violence sexiste, laissant de nombreuses femmes et filles sans protection.

« Ceux qui présentent des symptômes de troubles mentaux et de détresse sont stigmatisés par la communauté et de nombreuses personnes ayant besoin de soins choisissent de ne pas accéder aux services de santé mentale. C’est pourquoi nous avons ressenti le besoin de créer un espace sûr et accessible où demander de l’aide de manière anonyme », explique Leena Taha, responsable de projet et analyste de genre au PNUD Syrie.

Le PNUD a lancé Fadfada en août 2020, en collaboration avec l’OMS. Offrant un soutien confidentiel au moyen de médias virtuels, le programme est accessible aux personnes de tout le pays, y compris dans les régions difficiles d’accès, comme Idleb et Raqqa. Les gens peuvent contacter le programme de manière anonyme, laisser une brève description des problèmes auxquels ils sont confrontés et indiquer le moment et le moyen de contact souhaités. Les cas sont ensuite classés par ordre de priorité en fonction de leur nature et de leur gravité, et un spécialiste est chargé de contacter et de suivre le cas, gratuitement.

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Un réseau de 26 spécialistes, dont des psychiatres, des psychologues, des sociologues, des orthophonistes et des conseillers familiaux, est disponible 24 heures sur 24, six jours par semaine. Au cours des deux premiers mois depuis le lancement, ils ont déjà répondu à plus de 2 500 appels.

« Mon fils est très intelligent, mais il déteste l’école parce qu’il s’y sent rejeté. Nous avons vu de nombreux spécialistes. Nous avons changé d’écoles, mais ça n’a pas marché. Fadfada était mon dernier recours, et je me suis sentie entendue pour la première fois, j’ai senti la différence par rapport aux trois premières séances. Je suis très heureuse aujourd’hui, il a pu faire une présentation en classe de sciences et il a fait du bon travail », a déclaré la mère d’un garçon de 10 ans souffrant de troubles de l’attention avec hyperactivité.

« La majorité des bénéficiaires sont âgés de 19 à 29 ans, pour la plupart ils ont grandi pendant la guerre. L’anxiété, la dépression et le syndrome de stress post-traumatique sont les diagnostics les plus fréquents. La perte de l’estime de soi et de l’espoir et le sentiment de vide conduisent à des comportements imprudents et à des mécanismes d’adaptation négatifs. Avec peu d’espoir pour l’avenir, ils ont l’impression que leur vie n’a pas d’importance », a déclaré le Dr Mazen Khalil, psychiatre et superviseur du projet. « L’un des principaux défis auxquels nous sommes confrontés est celui des cas les plus complexes qui nécessitent un traitement médical supplémentaire et un suivi en personne qui n’est pas disponible pour le moment ».

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Grâce au généreux financement du gouvernement japonais, des milliers de Syriens en situation de vulnérabilité bénéficieront d’un soutien professionnel en matière de santé mentale pour les aider à traverser les périodes difficiles.

« Il est difficile de gérer l’afflux de cas avec le nombre limité de spécialistes dont nous disposons actuellement, j’espère vraiment que nous pourrons obtenir davantage de fonds pour étendre notre réseau dans un avenir proche », a déclaré Leena Taha.

Écrit par Asma’ Nashawati, associée en communication, PNUD Syrie

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