Mon voyage solitaire dans le métro

Par Susie Marie, stagiaire au sein l'équipe Genre du Centre régional du PNUD à Bangkok.

25 novembre 2019

 

« Hé ! Savais-tu que Rennes est la plus petite ville d’Europe avec un métro ? » C’est souvent une de mes phrases d’accroche quand je rencontre de nouvelles personnes. Qui penserait que cela pourrait déboucher sur le sujet de l’égalité des genres ?

Je viens de Rennes (Bretagne, France) une ville d’à peine 215,000 habitants, qui, en dépit de sa petite taille, a le droit à un réseau de métros. Le système de transport public est bien développé, les différents bus et métros permettent de voyager sans voiture.

Alors, à mon arrivée au Cambodge l’année dernière, c’est probablement ce qui m’a le plus marquée : les «Tuks-tuks » sont le seul moyen de transport à Phnom Penh. J’ai aussi eu l’occasion de visiter Kuala Lumpur et pour la première fois de ma vie, je suis montée à bord d’une voiture « réservée aux femmes ». Un homme plus âgé est monté malgré tout et est venu s'asseoir à côté de moi. Il m’a dit des choses qu’il n’était pas supposé dire. Après des mois au Cambodge, sans métro et sans bus; j’avais presque oublié ce que cela faisait d’être agressée dans les transports publics. 

Mon voyage solitaire dans le métro

Pourtant c’est difficile à oublier lorsque la première fois qu’une telle chose m'est arrivée, je n’avais que 15 ans. C’est difficile d’oublier toutes ces fois, dans le métro bondé le matin, quand certains en profitaient pour se coller à moi plus que nécessaire. Je ne peux pas non plus oublier toutes ces fois où prendre le bus la nuit me semblait dangereux. 

Pour moi la campagne #HearMeToo a été l’occasion de mettre en lumière les différentes formes de violences que vivent les femmes.

Les transports publics ont sans conteste de nombreux avantages : ils restent plus sûrs que les véhicules individuels, ils améliorent la mobilité, créent des communautés et une certaine cohésion... C'est pour toutes ces raisons que nous ne devons pas ignorer le fait que la violence contre les femmes est omniprésente dans la sphère publique. Que ce soit dans la rue ou dans les transports publics, le harcèlement menace la mobilité des femmes.

C’est même souvent dans les transports publics que femmes et hommes sont harcelé.e.s ou agressé.e.s pour la première fois.

C’est un problème que l’on retrouve partout dans le monde : de la France au Sri Lanka, les femmes ne se sentent pas en sécurité dans les transports publics. Aujourd’hui plus de 54 % de la population mondiale vit dans les villes et ce chiffre augmentera jusqu’à 60 % en 2030. Selon un rapport du Haut Conseil français à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), 100 % des femmes interviewées ont dit avoir été victimes au moins une fois de harcèlement sexuel dans les transports en communAu Sri Lanka, 90 % des femmes ont vécu une situation de harcèlement sexuel dans les transports. Comme le montrent ces chiffres, un simple trajet peut devenir un véritable défi pour les femmes.

Un défi auquel certaines doivent faire face tous les jours.

Mon voyage solitaire dans le métro

 

L’année dernière, nous avons lancé 16 jours de campagne d’activisme contre les violences basées sur le genre avec le hashtag #HearMeToo. 16 jours pour apprendre, s’exprimer et partager nos propres expériences. Après cette campagne, j’ai décidé de prendre ma plume pour réfléchir à ce que ces 16 jours voulaient dire pour moi.

Dans beaucoup de villes, on essaie de moins utiliser les véhicules individuels pour faire baisser la pollution atmosphérique. Il y a même certaines villes qui testent la gratuité des transports en commun pour encourager les gens à abandonner leur voiture. Nous améliorons sans cesse les conditions de vie en ville mais si nous voulons que cela profite réellement à tous, il ne faut pas oublier la sécurité des femmes. En parallèle, nous devons aussi nous attaquer aux comportements violents ancrés dans les normes sociales qui permettent aux hommes de se sentir en droit de harceler les femmes une fois qu'elles entrent dans l'espace public.

Les campagnes comme #HearMeToo, permettent de ne plus laisser passer de tels comportements.

Je continuerai donc à raconter aux gens que je viens de la plus petite ville européenne avec un métro, mais j’ajouterai que j'espère bientôt voir ce métro comme un espace sûr pour tous.

A propos de l'auteur

Susie Marie est stagiaire au sein l'équipe Genre du Centre régional du PNUD à Bangkok. Elle a récemment obtenu une maîtrise Erasmus Mundus de l'Université de Groningen, aux Pays-Bas.

Originalement publié ici