Quand les femmes et les jeunes constituent les moteurs de la reprise économique

3 février 2023

Les agents de curage de caniveaux pendant leur temps de pause

©PNUD Mali / Mohamed Diawara

La crise actuelle a engendré une situation d’insécurité dans les régions du centre du Mali, elle a renfoncé les inégalités entre les femmes et les hommes par rapport à l’accès aux ressources, aux services sociaux de base et aux opportunités d’économie. Ajoutant à la pauvreté inquiétante, des déplacés internes, la rupture de beaucoup d’activités tels que le tourisme, des festivals, mais aussi et surtout les activités principales : agriculture et le commerce.

À Bandiagara, les moyens de subsistance de la population ont été exposés à des incidences récurrentes de violence et sont sérieusement compromis à cause de multiples attaques des villages, sur les tronçons routiers, des actes de banditisme (vols de bétail, enlèvement de personnes ou prises d’otages), d’assassinats ciblés et d’autres violations de droits de l’Homme et celles basées sur le genre.

« Je suis commerçante. Auparavant, je me rendais à Bankass, à Borko et à Koro pour faire le marché. Nous avons cessé avec toutes ces activités à cause de l’insécurité.  Nous avons peur aujourd’hui car beaucoup de nos connaissances ont perdu la vie sur les routes. Les travaux à haute intensité de main d’œuvre (HIMO) viennent à point nommé » a expliqué Aminata Ouologuem, membre de l’équipe de curage des caniveaux.

Travailleuses HIMO I ©PNUD Mali / Ousmane Arama

Les jeunes sont généralement instrumentalisés et deviennent très souvent des acteurs et victimes de ces conflits. Hervé Somboro, enseignant de formation sans emploi, âgé de 30 ans, célibataire sans enfant originaire du village de Ségué , région de Bandiagara est une jeune engagé, actif et écrivain pendant ses temps libres. Il a bénéficié des travaux HIMO dans la ville de Bandiagara, chargé du curage des caniveaux afin de prévenir les inondations.

« La crise a été notre mal dominant. Ça a beaucoup affecté les jeunes parce que les activités étaient au ralenti. Des jeunes apprentis chauffeur n’arrivaient plus à voyager, des fermiers n’avaient plus accès à leur terre et d’autres qui vivaient de l’artisanat et du tourisme étaient handicapés. Ceux de l’entreprenariat ne recevaient plus de partenaires à cause de l’insécurité. Du coup, nous nous sommes retrouvés dans une situation difficile » a indiqué Hervé Somboro.

©PNUD Mali / Mohamed Diawara

Vivre en ville avec les parents au village qui sont fréquemment des cibles des attaques et avoir des proches comme des otages n’étaient point plaisant a laissé entendre Hervé.

« Souvent, mon village d’origine subissait des attaques et on a eu trop de pertes en vies humaines. Particulièrement, j’ai eu des parents qui ont perdu la vie à cause de ces attaques. Certains ont sauté sur des mines et d’autres assassinés par balle dans les champs. Parmi les victimes il y’avait deux de mes frères et cousines. Cela m’a beaucoup affecté » a-t-il ajouté.

Hervé Somboro I ©PNUD Mali / Mohamed Diawara

Pour contribuer à mettre fin à la spirale de l'insécurité, des déplacements forcés et des conflits, et au renforcement de la cohésion sociale, le Projet de la Facilité de Stabilisation de la zone de Liptako-Gourma du PNUD, a initié une série d’activités à l’endroit des populations bénéficiaires dans le cercle de Bandiagara. ils’agit notamment du soutien à la revitalisation économique, à la cohésion sociale, la réhabilitation oureconstruction des infrastructures productives et sociales essentielles, de la promotion du travail contrerémunération (cash for work) et l’appui aux associations des femmes de la communauté pour des activités génératrices de revenus.

Toutes ces initiatives ont eu des impacts positifs sur la protection, la participation et l’autonomisation des femmes dans la zone de Bandiagara, comme indique Kadidia Guindo, présidente de la CAFO Bandiagara : « Les dons en équipements agricoles vont aider les femmes à être indépendantes. Les femmes transformatrices, avicultrices et restauratrices ont toutes bénéficié de matériels pour développer leurs activités de subsistance et de génération de revenus. »

L’objectif de la facilité est de réduire le risque de violence dans les zones cibles, permettant ainsi la mise en œuvre de programmes de consolidation de la paix, de redressement et de développement à plus long terme.

« Avant, il y’avait un sentiment de méfiance entre nous les jeunes. Mais le projet nous a permis de passer beaucoup de temps ensemble et socialement nous avons tissé des relations, chose qui continue jusqu’à présent dans la ville même après les travaux. Aussi, on pouvait passer des journées sur les réseaux sociaux juste pour chercher des informations sécuritaires. Mais avec l’arrivée du projet, ça a tissé des liens entre les jeunes pour la plupart perdus, et qui se sont retrouvés dans un groupe de travail avec d’autres jeunes » a dit Hervé.

Plus de 500 jeunes en train de travailler ensemble physiquement pour gagner de l’argent, s’exclame-t-il, et cet argent est rentré dans nos familles et en ville, nous avons vraiment senti un changement. Aussi, notre environnement est devenu propre et nous vivons mieux.

Les travaux HIMO/Cash for work, constituent l’opérationnalisation du volet redynamisation de l’économie locale du Programme de la facilité de Stabilisation du Liptako-Gourma mis en œuvre par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Gouvernement du Mali avec l’appui financier de l’Allemagne, du Danemark, des Pays-Bas, de la République Tchèque, du Japon et de l’Union Européenne. Cette activité a permis de créer de l’emploi pour plus de 1328 personnes dont 669 femmes et 341 PDI pendant 4 mois. Les ouvriers ont perçu 60 000 FCFA chacun et par mois. Ils travaillent quotidiennement à améliorer l’assainissement de l’environnement par le nettoyage des caniveaux publics, des rues publiques, à casser les pierres et à éliminer les déchets.

« L’activité HIMO en faveur des personnes déplacées internes (PDI) est une très bonne chose. Nous en avons tellement que même pouvoir les secourir était difficile. Ils n’avaient pas d’habitation car ils sont hébergés par d’autres personnes et dans des édifices publics. Mais à travers l’activité, ils ont eu des logements adéquats pour s’installer. Le projet m’a personnellement beaucoup aidé car j’avais des idées à concrétiser. Mais par manque de fonds dû à l’embargo et la situation sécuritaire, nos revenus n’étaient pas assez conséquents. Donc quand j’ai effectué ces travaux HIMO, j’ai pu économiser 150 000 FCFA pour pouvoir réaliser mon second livre » a révélé Hervé.

Un livre intitulé « A la foire de Bandiagara » dans lequel l’auteur nous parle de paix et de cohésion sociale, de l’éducation et d’autres thématiques sur la société. Un œuvre à travers lequel Hervé souhaite influencer l’esprit des gens en les poussant notamment vers la réflexion et en leur montrant que la paix vaut mille fois que la guerre.

©PNUD Mali / Mohamed Diawara

« Quand vous écrivez et que la société souffre d’une situation vous devez toucher forcément le sujet et essayer d’apporter votre analyse pour pouvoir amener la paix en trouvant des solutions. Avec ce livre, je pense que j’aurai œuvré pour la paix à Bandiagara. C’est un mal qui est là, nous espérons que la situation va changer » a conclu Hervé.

Les activités de Cash for Work ont créé des opportunités de revenus afin de renforcer la résilience des personnes dans le contexte d’après crise de Bandiagara. Cet appui, en lien avec les activités d’accès aux services essentiels et de cohésion sociale, a permis de développer un sentiment de solidarité en contribuant au bien-être de la communauté afin d’assurer un climat d’apaisement et de jeter les bases pour des actions de relèvement et de développement de la région.

A date, dans la région de Bandiagara, la facilité de stabilisation a installé 278 lampadaires solaires dans 5 communes de Bandiagara avant de construire un site complet pour 130 PDI dont 81 femmes et 5 plateformes multifonctionnelles équipées du système solaire. 2,5 km de routes aménagées grâce à la casse des roches obstruant le passage sur les voies. Le programme a également formé 102 personnes dont 78 femmes en gestion d’entreprise, le réseautage, le marketing et le leadership. Il a équipé 45 groupements de femmes et jeunes, dont 90 % de femmes, dans les domaines de transformation agroalimentaire et déchets plastiques, la saponification, la teinture, la restauration le maraichage et l’aviculture. 225 jeunes dont 105 filles ont été sensibilisés sur la cohabitation pacifique, la gestion des conflits à travers les tenues de la semaine nationale de réconciliation et la célébration de la journée internationale de la jeunesse.